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Comment la Pologne et la Bulgarie espèrent-elles se passer du gaz russe?

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Après l'annonce de l'interruption des livraisons de gaz russe à la Pologne et la Bulgarie, les gouvernements des deux pays se sont montrés rassurants, assurant qu'il n'y aura pas de pénurie.

La Russie met ses menaces à exécution. Mardi soir, le groupe Gazprom a annoncé la suspension immédiate de ses livraisons de gaz vers la Bulgarie et la Pologne, deux pays membres de l’Otan et de l’Union européenne.

Après l'introduction de sanctions contre Moscou pour son invasion de l'Ukraine, le Kremlin avait averti les pays de l'UE que leur approvisionnement en gaz serait interrompu s'ils ne payaient pas en roubles depuis des comptes russes. La Russie avait néanmoins précisé que le prix du gaz restait libellé dans la devise des contrats en cours, soit le plus souvent en euros ou en dollars, et que les clients devraient effectuer une simple opération de change en Russie.

Une "procédure de paiement en deux étapes" dénoncée malgré tout par la Bulgarie et la Pologne: "Elle n'est pas conforme au contrat existant jusqu'à la fin de cette année et présente des risques importants pour la partie bulgare, notamment celui d'effectuer des paiements sans recevoir aucune livraison de gaz de la partie russe", a indiqué le gouvernement bulgare. Gazprom a ainsi dit ne pas avoir reçu mardi en fin de journée le paiement des livraisons de gaz en avril de la part de Bulgargaz et PGNiG, les sociétés de distribution de gaz bulgare et polonaise.

Pas de risque de pénurie

Jusqu’ici, PGNiG recevait annuellement de Russie quelque 9 milliards de mètres cubes de gaz, soit environ 45% de ses besoins nationaux. Pour autant, "il n’y aura pas de pénurie de gaz dans les foyers polonais", a écrit sur Twitter la ministre polonaise du Climat, Anna Moskwa. "Depuis le premier jour de la guerre, nous avons déclaré que nous étions prêts à une indépendance totale vis-à-vis des matières premières russes", a-t-elle ajouté.

Le gouvernement polonais affirme que ses entrepôts de stockage sont plein à 76%. Ce qui doit lui permettre de puiser dans ses réserves en attendant la mise en service d’un nouveau gazoduc en octobre qui reliera le pays à la Norvège et lui fournira dix milliards de mètres cubes par an. Enfin, la Pologne dit être en mesure de s’approvisionner en gaz naturel liquéfié (GNL) grâce à un terminal d’importation à terre.

L’interruption de la fourniture de gaz russe risque d’être plus problématique pour la Bulgarie qui dépend très largement (entre 75 et 90%) de Moscou pour son approvisionnement. Le gouvernement bulgare a cependant souligné que "des actions pour trouver des arrangements alternatifs pour la fourniture de gaz naturel et faire face à la situation" ont été entreprises. Avant d’ajouter qu’aucune mesure de restriction de la consommation n’était prévue "à l’heure actuelle". Selon un journal économique de Sofia, la consommation en gaz du pays hors saison de chauffage est en effet divisée par deux. De quoi permettre au pays de tenir en attendant le lancement d’une connexion gazière avec la Grèce prévue à l’été, pour une capacité de 3 milliards de mètres cubes.

Dépendance extrême

La décision du Kremlin de couper les vannes à la Pologne et à la Bulgarie met en lumière l’extrême dépendance de l’Union européenne au gaz russe. Moscou a fourni l’an passé environ 40% du gaz naturel de l’UE, ce qui fait de la Russie le premier fournisseur du continent. Pour une dizaine de pays d’Europe de l’Est et d’Europe centrale, le gaz russe représente même plus de 75% des importations. C’est le cas de la Finlande, de l’Estonie, de la Lettonie, de la République Tchèque ou de l’Autriche.

D’autres Etats membres comme l’Allemagne et la Suède ont un niveau de dépendance également considérable compris entre 50 et 75%. A l’Ouest du continent, la part des importations de gaz russe est généralement inférieure à 50% (20% en France) mais reste importante. D’où la nécessité de diversifier les approvisionnements. Ne serait-ce que pour être en mesure de s’adapter dans le cas où la Russie décidait d’interrompre ses livraisons à d’autres pays.

Diversifier les approvisionnements

Trois pays producteurs pourraient faire office d’alternative: la Norvège, qui couvre aujourd’hui 20% des besoins européens, l’Algérie (12%) ou encore le Qatar (5%). L’Italie a déjà pris les devants en ouvrant les discussions avec Alger. Mais en attendant, le pays envisage surtout de rouvrir ses centrales à charbon pour préparer les stocks de l’hiver prochain.

Reste le gaz naturel liquéfié, produit principalement aux Etats-Unis, en Australie et au Qatar. Bruxelles et Washington ont conclu fin mars un accord pour augmenter les livraisons de GNL dans l’UE. Cette solution n’est pourtant pas sans contrainte puisque le GNL doit être regazéifié une fois arrivé en Europe. Or, l’Europe manque de terminaux méthaniers.

Si la France est le pays de l’UE qui en possède le plus avec quatre sites, l’Allemagne n’en a aucun. Berlin ambitionne d’en construire mais ces nouveaux terminaux ne devraient pas être opérationnels avant 2024. D’ici là, le gouvernement a annoncé le déblocage de trois milliards d’euros pour louer trois, voire quatre, terminaux flottants d’importation de GNL.

Jusqu’ici PGNiG recevait annuellement de Russie quelque 9 milliards de mètres cubes de gaz, soit environ 45% de ses besoins nationaux. Pour autant, "il n’y aura pas de pénurie de gaz dans les foyers polonais", a écrit sur Twitter la ministre polonaise du Climat, Anna Moskwa. "Depuis le premier jour de la guerre, nous avons déclaré que nous étions prêts à une indépendance totale vis-à-vis des matières premières russes", a-t-elle ajouté.

Benaouda Abdeddaïm, Raphaël Couderc et Paul Louis avec AFP