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Guerre en Ukraine: pourquoi Kiev risque d'attendre de longs mois avant de recevoir des chars

Un soldat ukrainien se tient face à des chars près du village de Klugino-Bashkirivka le 31 janvier 2022.

Un soldat ukrainien se tient face à des chars près du village de Klugino-Bashkirivka le 31 janvier 2022. - SERGEY BOBOK / AFP

Après le feu vert pour fournir des chars modernes à l'Ukraine, la question repose sur le délai qu'il faudra pour les envoyer. Selon les pays, ces transferts peuvent demander des mois, voire des années.

C'est fait! Une dizaine de pays d'Europe ont annoncé leur intention de fournir à l'Ukraine les chars Leopard réclamés depuis des mois. Mais Kiev, qui espère les avoir au plus vite, risque d'attendre de longs mois avant de les voir arriver sur le terrain. Organiser une telle opération ne se fera pas en quelques semaines, mais plutôt en plusieurs mois.

Pour ces chars modernes, il va en effet falloir former des centaines des tankistes. Un Leopard 2 est constitué d'un équipage de quatre soldats: un chef de char, un opérateur tourelle, un chargeur de munitions et un pilote. Dès hier, Berlin, qui va envoyer 14 Leopard 2A6 a précisé qu'elle "doit commencer rapidement" et se déroulera en Allemagne. Combien temps durera la formation?

"S'il s'agit de tankistes expérimentés et il y en a beaucoup en Ukraine, ça peut aller assez vite. Mais s'il faut former des débutants, il faudra de longues semaines avant qu'ils maîtrisent les Leopard", nous a précisé le colonel Michel Goya, consultant pour BFMTV.

"Fin mars, début avril"?

La formation ne se limite pas aux équipages. Les chars lourds nécessitent un entretien régulier surtout dans la situation où ils sont poussés au bout de leurs limites. Il faudra aussi les réparer rapidement s'ils subissent, ce qui est inévitable, des dommages. Le rôle des équipes de maintenance (mécaniciens, électroniciens, informaticiens, logisticiens...) est aussi important que les équipages.

Les Leopard 2 (2A4 et 2A6) qui vont être envoyés, sont équipés de viseurs et de caméras thermiques, d'une tourelle téléopérée et de calculateurs numériques de tir qui demandent un large éventail de compétences et de pièces de rechange. Tous les pays préviennent d'ailleurs que les chars ne peuvent être envoyés avant que ces techniques ne soient maîtrisées.

"Il est impératif de pouvoir réparer rapidement ces éléments. Si l'un ne fonctionne pas, le char devient inutilisable", note un spécialiste militaire.

Enfin, les chars prélevés sur les stocks des armées devront être mis à niveau et réparés après un contrôle technique approfondi. Ces vérifications peuvent être beaucoup plus longues s'ils proviennent de vieux stocks et n'ont pas été utilisés depuis longtemps. Il faudra enfin nettoyer les systèmes informatiques des données sensibles qu'ils contiennent et les mettre à jour. Et enfin, traduire les documents techniques en en ukrainien ou au moins en anglais.

Optimiste, Boris Pistorius, nouveau ministre allemand de la Défense, espère que les premiers Leopard pourront être en Ukraine "fin mars, début avril". Dès hier, il a affiché sa volonté de "très vite commencer l’entraînement et très vite clarifier les voies de ravitaillement".

"Des mois, voire des années"

Berlin compte lancer les formations sur Leopard après celle sur les blindés légers Marder qui doit commencer à la fin du mois de janvier. L'Espagne, qui pourrait fournir entre 20 et 50 Leopard 2 selon El Pais, préfère ne pas s'engager sur un délai. La ministre espagnole de la Défense, Margarita Robles, a simplement indiqué qu'elle ne pourra pas suivre le rythme de l'Allemagne et donc livrer les chars au début du printemps. Un partie des chars espagnols proviennent d'un stock inutilisé depuis une dizaine d'années.

Au sujet de la trentaine de chars M1 Abrams promis par Washington, le Pentagone est également prudent. Son porte-parole, le général Patrick Ryder, ne veut s'engager sur aucun délai.

"Il faut s'assurer que les Ukrainiens ont la capacité de le maintenir, de le soutenir, de s'entraîner dessus", a-t-il déclaré lors d'un point presse relayé par le Washington Post. Selon un responsable américain, cela peut prendre "des mois, voire des années".

Un scénario catastrophe pour le président ukrainien pour qui "la clé de la victoire finale" repose sur "la vitesse et le volume" des livraisons de chars modernes pour reconstituer les stocks perdus après près d'une année de guerre. Kiev disposait de 900 chars russes et en aurait perdu 600 en onze mois.

En attendant les Leopard, Abrams et Challenger, les envois de T-72 se poursuivent. Les Tchèques et les Néerlandais préparent la livraison de près d'une centaine de ces chars russes qui viennent d'être modernisés. Début mars, les engins blindés fournis par la France, l'Allemagne et les Etats-Unis, des AMX-10RC, des Marder et des Bradley, commenceront à arriver.

Hier, dès après l'annonce des dons de Leopard, l'Ukraine a subi de fortes et puissantes attaques de missiles. Grâce aux defense sol-air fournies par les Occidentaux, 47 ont été interceptés sur les 55 tirés par l'armée russe. Volodymyr Zelensky réclame désormais à ses alliés des missiles de longue portée et des avions de combat.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco