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"Atos ne passera pas 2025": le groupe informatique pense déjà à un nouveau sauvetage

Le logo de la société Atos.

Le logo de la société Atos. - ERIC PIERMONT / AFP

Le Tribunal de commerce de Nanterre doit valider ce mardi le plan de sauvegarde du groupe de services informatiques. L’effort financier reste insuffisant alors que les comptes se dégradent. Tous les acteurs se préparent à une deuxième restructuration.

Les nouveaux propriétaires d’Atos faisaient grise mine ce mardi à la barre du Tribunal de commerce de Nanterre. Le plan de sauvetage du groupe de services informatiques doit être validé après six mois de conciliation avec les créanciers et une procédure de sauvegarde accélérée. Finalement, le Tribunal rendra son délibéré fin octobre.

Dans la foulée, une vingtaine de fonds d’investissement convertiront 2,8 milliards de dettes -sur un total de 5 milliards- en actions pour prendre le contrôle d’Atos. En parallèle, ils vont prêter 1,75 milliard d’euros au groupe pour assurer sa survie. Mais ces nouveaux crédits risquent de l’étouffer. Les actionnaires ont appliqué à Atos des taux d’intérêt très élevés, de 10 à 13%. Selon nos informations, la charge de la dette devrait s’élever à environ 260 millions d’euros dès l’an prochain. Un poids énorme alors que les résultats du groupe ne cessent de se dégrader.

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Début septembre, Atos a revu à la baisse ses perspectives financières. Ses marges atteindront cette année 238 millions d’euros, 16% de moins que ce que prévoyait le groupe seulement quatre mois plus tôt. Et en 2025, elles seront 25% moins élevé qu’anticipé au début de la restructuration. La dette, déjà lourde à porter, sera trois fois plus élevée que les marges dès 2026. Un niveau insoutenable qui risque de s’aggraver.

Le secteur des services informatiques souffre au global. Avec l’inflation et l’économie mondiale qui ralentit, les entreprises ont resserré leurs budgets. Les leaders français Cap Gemini et Sopra Steria prévoient désormais un recul de leur chiffre d’affaires pour 2024. Difficile d’imaginer qu’Atos fera mieux. "Cap et Sopra leur piquent de grands clients", assure un ancien dirigeant du groupe.

Un milliard de dette en trop

Dans ces conditions, une nouvelle restructuration apparait inévitable. "Il faut effacer un milliard d’euros de dette en plus", assure un créancier d’Atos.

"Il va surtout manquer un milliard d’euros de cash", prédit un bon connaisseur.

Atos a besoin d’un milliard de trésorerie d’ici fin 2025 et après le coût de la dette, il ne restera plus grand chose des 1,75 milliard d’euros des nouveaux prêts.

Le cash, le cash, le cash: les banques du groupe n’ont que ce mot à la bouche. Après avoir perdu environ 150 millions d’euros chacune, les banques françaises vont couper leurs liens avec Atos. BNP Paribas a déjà annoncé qu’elle vendra ses actions Atos et ne participera pas à son financement. Les autres devrait suivre.

Le PDG d’Atos, Jean-Pierre Mustier, qui cèdera sa place à Philippe Salle en février, a bien essayé de les retenir au mois de septembre, en vain. Il sait que sans banque française pour tenir la barre, le bateau risque le naufrage. Pour le moment, seules Barclays et Deutsche Bank continueront à assurer sa liquidité au quotidien. "Le groupe va être débranché des banques", reconnaît un proche des nouveaux actionnaires qui assure qu’ils restent toutefois "sereins".

Le démantèlement revient sur la table

Une période de survie en apnée inédite pour un grand groupe français, autrefois au Cac 40.

"Atos ne passera pas 2025, prédit un des négociateurs les plus impliqués dans la restructuration. Le groupe n’aura pas d’autre choix que d’être démantelé."

C’est ce à quoi se préparent tous les acteurs du dossier. Une scission entre, d’un côté, les activités d’info-gérance et de l’autre, le cloud et la cybersécurité avait été envisagée il y a un an, avant la restructuration d’Atos. C’est là que les deux candidats à la reprise du groupe, Daniel Kretinsky et David Layani s’étaient manifesté. Le milliardaire tchèque lorgnait les activités historiques d’info-gérance quand le fondateur de Onepoint visait les métiers du digital et du cloud. Ce scénario pourrait revenir.

"Daniel Kretinsky a tourné la page, assure un de ses proches. Atos est désormais trop dégradé pour être sauvé."

En revanche, David Layani lui, reste à l’affût. "Il regarde toujours le dossier si des actifs étaient vendus", reconnaît son entourage. Il devra s’entendre avec les nouveaux actionnaires d’Atos qu’il a lâchés au mois de juillet alors qu’il devait reprendre le groupe avec eux.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business