L'Etat va racheter les supercalculateurs d'Atos

Le siège du groupe d'informatique français Atos, situé à Bezons (Val-d'Oise), près de Paris, photographié le 26 avril 2024 - Ludovic MARIN © 2019 AFP
C’est une négociation longue et complexe qui, si elle se dénoue en partie ce lundi, traduit les hésitations du gouvernement.
Négociations exclusives
L'Etat français et Atos ont en effet annoncé ce 25 novembre être entrés en négociations exclusives, afin que le premier acquiert les activités stratégiques de la branche "Advanced Computing" du second, branche qui regroupe ses activités de supercalculateurs.
L'opération envisagée, qui concerne également des serveurs participant aux activités d'intelligence artificielle, porte sur la totalité de cette branche, pour une valeur d'entreprise comprise entre 500 et 625 millions d'euros, précise un communiqué. L'offre de l'Etat français prévoit que les discussions aient lieu jusqu'au 31 mai 2025 au plus tard pour "Advanced Computing", qui regroupe quelque 2.500 salariés et a généré un chiffre d'affaires de 570 millions d'euros en 2023.
Un premier pas dans une longue marche. Cela fait en réalité six moix que le gouvernement négocie le rachat des activités souveraines d’Atos, des supercalculateurs de l’Armée, notamment pour la dissuasion nucléaire, aux logiciels du système de défense du Rafale. Sauf que personne ne parvient à se mettre d’accord au sein du gouvernement.
"L’action de préférence que l’État a obtenue suffit à protéger ces activités sensibles", nous confie une source proche de l’exécutif.
Il y a deux semaines, l'Etat a en effet annoncé s’octroyer une action spécifique dans Bull, la filiale d’Atos qui contient l’essentiel de ces métiers souverains. Elle lui accorde un droit de veto sur les grandes décisions stratégiques et donc sur leur cession. De plus, Bercy dispose d’un droit pour les racheter si un investisseur non sollicité rachetait 10% d’Atos. Mais tout le monde n'a pas le même avis.
"Le droit de regard ne suffit pas car ces activités sont liées à la défense nationale", contre un proche de Bercy.
Le ministère de l’Économie temporise. En plein débat parlementaire sur le Budget 2025, des hauts fonctionnaires des directions du Budget ou du Trésor semblent plus soucieux de ne pas dépenser d’argent public. "Les discussions se poursuivent", assurait-on sobrement au cabinet d’Antoine Armand qui, selon nos informations, penchait plutôt pour un rachat.
À quoi jouent Dassault et Thales?
Pourtant, les négociations officialisées ce lundi portent désormais sur un périmètre beaucoup plus restreint qu’il y a deux mois. En l'occurrence, Advance Computing pour les supercalculateurs, ce qui laisse en suspens le devenir de deux autres activités sensibles: Mission Critical System (MCS) pour les systèmes de défense du Rafale, et Cyber Product pour la cybersécurité.
Début octobre, l’État et Atos ont mis fin à leurs négociations autour du rachat de la division Big Data et Sécurité (BDS), une division plus large dans laquelle était logée toutes ces activités critiques plus d’autres. Le gouvernement était prêt à les reprendre pour 700 millions d’euros, en les adossant à Dassault Aviation et son partenaire Thales. Un montant jugé insuffisant par Atos qui a refusé alors que leurs marges ont baissé cette année.
Selon les protagonistes du dossier, Dassault tirait notamment le prix vers le bas. Sa présence semble encore une interrogation. "Un coup ils sont là, un coup ils n’y sont plus", résume, lassé, un acteur du dossier.
"Cela fait plusieurs mois qu’on a du mal à savoir ce qu’ils veulent", explique un bon connaisseur du dossier.
Son objectif était de racheter d’autres activités périphériques pour rentabiliser l’ensemble. Contacté, Dassault ne nous a pas répondu. Il y a un mois, Atos a perdu un contrat important pour un supercalculateur du ministère des Armées face au duo Orange-HP. Un échec qui n’est pas passé inaperçu et n’encourage pas l’Etat à reprendre ces activités souveraines, mais en déclin.