"La souveraineté ne se décrète pas": le ministre des Armées défend le choix d'un supercalculateur franco-américain dédié à l'IA

Sébasien Lecornu, ministre des Armées et des Anciens combattants, réplique aux attaques sur le choix d'un supercalculateur américain. - OLIVIER MATTHYS
La polémique prend de l'ampleur. Jeudi, le ministère des Armées a annoncé la commande d'un supercalculateur pour son agence dédiée à l'intelligence artificielle (Amiad) à l'américain Hewlett-Packard (HPE) allié à Orange pour la gestion logicielle, rejetant l'offre du français Atos. Ce dispositif doit permettre dans un an de traiter des données confidentielles pour les armées, ainsi que pour les entreprises de défense.
Depuis cette annonce et malgré ces précisions, nombreux sont ceux qui pointent soit une menace pour la souveraineté pour avoir rejeté l'offre d'Atos, une menace pour la sécurité, ou encore l'occasion manquée de créer une filière française de l'intelligence artificielle.
Ces commentaires ont fait bondir Sébastien Lecornu, ministre des Armées et des Anciens combattants.
Sur LCI, il s'est dit "agacé" par les "commentaires sur les réseaux sociaux, même de la part de politiques qui auraient mieux fait de se taire".
Ces messages "nous entretiennent dans une médiocrité qui nous fait faire du surplace. Après, on ne peut pas reprocher aux médiocres d'être médiocres", s'emporte froidement Sébastien Lecornu.
"La souveraineté ne se décrète pas"
Dans son intervention, le ministre explique que ce choix n'enfreint ni la souveraineté, ni la sécurité nationale.
"Vous avez, pour acheter ce supercalculateur, deux offres: une américano-française et une française. Toutes les deux achètent leurs puces GPU à une entreprise américaine, Nvidia laquelle fournit et produit 95% des puces dans le monde", note Sébastien Lecornu, rappelant qu'il s'agissait d'un marché public qui est passé par "une mise en concurrence".
Selon La Tribune, Orange aurait fait une meilleure offre en termes de performances et de prix tandis que HP aurait "cassé les prix pour arracher, quoi qu'il en coûte, un marché emblématique".
Le ministère n'a pas confirmé ces informations et n'a donné aucun montant pour ce contrat. Mais, pour Sébastien Lecornu, ni la souveraineté, ni la sécurité ne sont mises en cause.
"La souveraineté ne se décrète pas par un tweet, elle se conquiert, elle se construit."
Le supercalculateur sera "classifié"
Sébastien Lecornu estime enfin qu'il ne faut pas confondre souveraineté et sécurité. "Le vrai sujet de la sécurité c'est les habilitations 'secret défense', la nationalité des personnes qui ont le droit d'entrer sur ces réseaux ou si ces infrastructures sont connectées au réseau".
Autant d'informations qui étaient d'ailleurs précisées par le ministère des Armées. Dans un communiqué, il indiquait que ce supercalculateur sera "classifié".
Il "ne sera pas connecté à internet" et sa maintenance ne sera pas confiée à des Américains, mais à "des citoyens français habilités au secret de la défense nationale".
Cette habilitation est incontournable pour ce supercalculateur classifié, "le plus grand d’Europe dédié à l'IA" selon le ministère.
De premiers travaux en cours sur l'IA
La situation financière d'Atos a-t-elle joué en faveur de ses concurrents? Le ministre ne le dit pas, mais estime que la souveraineté "n'est pas une rente de situation, contrairement à ce que certains considèrent". Une manière de dire que la commande publique n'est pas destinée à aider les entreprises françaises.
D'ailleurs, le ministère rappelle que l'un des critères qui a conduit à choisir l'offre d'HP et Orange est l'urgence de disposer d'un outil permettant de lancer le développement des "premières applications militaires classifiées secret-défense en matière d'IA".
Ce supercalculateur doit, entre autres, valider les algorithmes développés par l'Amiad, l'agence créée cet été pour améliorer les armements, le renseignement et la planification des opérations militaires. Elle dispose d'un budget annuel de 300 millions d'euros. D’ici 2026, cette agence prévoit de recruter de 300 ingénieurs.
Les premiers projets IA de l’Amiad sont déjà en cours de développement. Parmi ces travaux, un bot conversationnel de type ChatGPT destiné aux agents du ministère des Armées et des Anciens combattants dès fin 2024. Son nom est juste "Génial".
