"Trouver une alternative": les produits laitiers français doivent-ils craindre les droits de douane américains?

Des fromages français (photo d'illustration) - -
L'offensive protectionniste américaine inquiète les fromages et les yaourts français. Tel qu'annoncé par Donald Trump, les exportations européennes vers les États-Unis seront soumises à des droits de douane additionnels de 20% à compter de ce mercredi 9 avril. S'ils donnent surtout des sueurs froides au secteur des vins et des spiritueux, les produits laitiers français y gardent aussi un œil attentif: la France a exporté 48.000 tonnes de produits laitiers vers les États-Unis en 2024, pour un peu plus de 349 millions d'euros, selon les données de la Commission européenne.
Les Américains affectionnent les fromages français: ils s'arrogeaient la moitié des volumes (23.800 tonnes) pour les deux-tiers de la valeur (225 millions d'euros). Par ailleurs, quelques 14.800 tonnes de yaourt, 5.300 tonnes de caséine et caséinates, 3.700 tonnes de beurre et huile de beurre et 420 tonnes de lactosérum ont été envoyées outre-Atlantique. Le lait frais (moins d'une tonne) et le lait en poudre (16 tonnes) ne représentaient qu'une fraction négligeable des exportations françaises.
"Ne pas se morfondre"
Pour l'heure, le marché américain est un débouché en nette croissance pour les produits laitiers français –les volumes d'exportations y ont quasiment doublé en 10 ans– mais certains craignent que Donald Trump ne grippe la machine. Sans nul doute, l'entrée en vigueur des surtaxes américaines devrait renchérir les prix des produits laitiers français outre-Atlantique. "Ce qui compte, ce sera la réaction des consommateurs, à savoir s'ils sont prêts à accepter cette hausse", observe Ludovic Blin, vice-président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL).
Dans le cas des fromages AOP, les amateurs ne devraient pas rechigner à ajouter quelques dollars supplémentaires: symboles de l'art de vivre à la française, ces fromages sont essentiellement consommés dans les grandes villes de la côte Est. La situation risque d'être plus compliquée pour les produits d'entrée de gamme qui ne bénéficient pas de la même image d'excellence, d'autant plus lorsqu'il faut affronter la concurrence d'autres pays exportateurs, tel que le beurre néo-zélandais.
"Le plan B, c'est de trouver une alternative", avance Ludovic Blin, qui appelle à "ne pas se morfondre".
"Nous espérons évidemment garder nos parts de marché" aux États-Unis, mais "il ne faudra pas se recroqueviller" en cas de secousses sur le marché américain, souligne le vice-président de la FNPL, évoquant un "potentiel" de développement qu'il "va falloir travailler" dans d'autres pays.
Turbulences chinoises
L'Amérique latine, l'Asie du Sud ou le Moyen-Orient constituent, entre autres, des réservoirs d'exportations pour la France, dans un contexte où la demande mondiale en produits laitiers ne cesse d'augmenter. À titre d'exemple, les exportations tricolores se sont nettement accrues en République dominicaine (183 tonnes en 2010 contre 11.146 tonnes en 2024), aux Émirats arabes unis (4.795 tonnes contre 20.841 tonnes) ou encore au Vietnam (3.408 tonnes contre 13.298 tonnes).
Du côté de la Chine, où la France a écoulé plus de 115.000 tonnes de produits laitiers en 2024, le temps est orageux. Ripostant aux surtaxes européennes sur les voitures électriques chinoises, Pékin a annoncé en 2024 l'ouverture d'une enquête "anti-dumping" sur les importations de produits laitiers depuis l'Union européenne, laissant craindre des turbulences pour les producteurs français. "Je suis autant inquiet, voire plus, pour le marché chinois qu'américain", se crispe Ludovic Blin.