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Droits de douane: faut-il craindre une hausse des prix en France?

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La riposte européenne aux droits de douane américains fait planer la menace d'une hausse des prix au sein de l'UE alors que l'inflation a particulièrement ralenti au cours des derniers mois.

Et si l'inflation accélérait significativement en France dans les prochains mois? C'est le risque que fait planer la guerre commerciale lancée par Donald Trump et qui est entrée dans une nouvelle phase ces derniers jours.

Depuis samedi matin, tous les biens entrant aux États-Unis sont visés par une taxe additionnelle de 10% et dès mercredi matin, les marchandises européennes seront ciblées par un droit de douane supplémentaire de 20%.

Face à ces mesures douanières particulièrement agressives, l'Union européenne se met en ordre de marche et prépare sa riposte laquelle pourrait aller "au-delà des droits de douane" selon le ministre de l'Economie Eric Lombard.

"La riposte peut être très vigoureuse et il ne faut pas qu'on riposte exactement avec les mêmes armes parce que si on fait comme les Etats-Unis (...), on va avoir aussi un effet négatif en Europe", avec inflation et baisse de la croissance, avait souligné le patron de Bercy sur BFMTV/RMC vendredi dernier.

L'inflation touchera surtout les Américains

Au cours des derniers mois, l'inflation en zone euro est revenue autour de sa cible de 2% et est même nettement tombée sous 1% en France. Pour autant, les tensions commerciales alimentées par les droits de douane du président américain Donald Trump risquent de faire remonter l'inflation des deux côtés de l'Atlantique.

"Dire: 'ça y est, c'est terminé, c'est derrière nous', non, avait insisté la présidente de la BCE Christine Lagarde au micro de France Inter la semaine dernière. Malheureusement, on est soumis à des tas d'incertitudes et quand M. Trump décide tout d'un coup d'augmenter les taux de 25% sur le secteur automobile ou décide la réciprocité qui s'appliquera à partir du 2 avril, nécessairement, ça induit des changements".

Alors que les marchés mondiaux ont commencé la semaine en forte baisse, Christopher Dembik se veut plutôt rassurant, évoquant un impact "très limité" sur l'économie réelle "à l'instant T".

"On est dans un contexte où l'inflation diminue en zone euro, y compris en France, donc la question de l'inflation qui nous a animés pendant deux-trois ans n'est plus là, a souligné le stratégiste de Pictet AM sur le plateau de BFMTV. Souvent, on met en avant le fait que protectionnisme et guerre tarifaire vont créer un sursaut d'inflation. Certes, c'est le cas mais ce sera plus du côté américain que du côté européen."

"Pour les consommateurs européens, on est sur une inflation proche de 2% et ça devrait rester à ce niveau-là", résume Christopher Dembik.

Un risque sur les produits américains sans alternatives européennes

Dans une récente note, le directeur des études économiques à l'IESEG School of Management Eric Dor alerte sur les inconvénients que présenterait une réplique européenne par une hausse des droits de douane sur les importations de biens américains. "Pour les biens que l’UE sera obligée de continuer à acheter aux Etats-Unis par manque de produits similaires locaux ou provenant d’ailleurs, cela va augmenter les prix pour les consommateurs européens, ce qui risque d’aggraver la baisse d’activité économique", explique-t-il.

Pour minimiser le risque inflationniste, Christopher Dembik espère surtout que l'UE saura "éviter un rapport de force trop marqué et que le consommateur européen soit visé", comme ce fut le cas face aux droits de douane instaurés par Donald Trump lors de son premier mandat. "En mesure de représaille, on avait visé le jus d'orange qui venait de Floride, rappelle-t-il. Les Européens se sont dits que le consommateur européen ne va pas être impacté parce qu'on a tout simplement importé du jus d'orange d'Espagne."

"Les mesures européennes seront certainement intelligentes pour minimiser l'impact sur le consommateur", poursuit-il

Une boîte à outils européenne "extrêmement agressive en retour"

La riposte de l'Union européenne devrait intervenir en deux temps. D'abord, vers mi-avril, une réponse aux droits de douane américains sur l'acier et l'aluminium déjà entrés en vigueur, sur laquelle les pays membres devraient se prononcer mercredi. Puis d'ici la fin du mois des contre-mesures aux droits de douane réciproques annoncés mercredi dernier.

Les ministres des Vingt-Sept chargés du Commerce sont réunis ce lundi à Luxembourg pour avancer vers une position commune, tous les pays répétant à l'envi depuis mercredi leur volonté de calme, d'unité et de fermeté. A son arrivée à cette réunion, Laurent Saint-Martin a déclaré en anglais que la France souhaitait revenir à la situation ex ante sans envenimer les relations avec les Etats-Unis.

"Il faut tout mettre sur la table et absolument ne rien exclure", ni sur les biens, ni sur les services, a-t-il toutefois ajouté en français, soulignant que "la boîte à outils européenne (...) est très complète et (...) peut être extrêmement agressive également en retour".

Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne chargé de la stratégie industrielle, n'a pas écarté lundi des mesures de coercition comme un retrait des entreprises américaines des marchés publics européens.

Timothée Talbi avec Reuters