Accord UE-Mercosur, négociations de la PAC, loi Duplomb... Malgré la menace d'exclusion de LR, la ministre de l'Agriculture privilégie ses dossiers à la politique

Annie Genevard rempile au ministère de l'Agriculture. Installée rue de Varenne depuis septembre 2024, l'ex-députée franc-comtoise du Doubs a résisté aux multiples soubresauts politiques sous les gouvernements successifs de Michel Barnier, François Bayrou et désormais Sébastien Lecornu, restée fidèle à son second gouvernement malgré l'avis contraire des Républicains, sa maison-mère.
Et son retour aux commandes est impatiemment attendu par les agriculteurs. Les syndicats agricoles, qui craignent de voir leurs revendications perdues dans le brouillard politique, espèrent retrouver des interlocuteurs durables au gouvernement et des perspectives budgétaires, alors que plusieurs dossiers urgents – dont l'accord UE-Mercosur et les maladies animales – s'entassent sur le bureau de la ministre.
• L'accord commercial UE-Mercosur
C'est l'objet d'une grande colère des agriculteurs français: sévèrement jugé par les syndicats agricoles, l'accord commercial entre l'Union européenne et les pays sud-américains du Mercosur approche à grand pas de la ligne d'arrivée. La Commission européenne, poussée par certains de ses farouches défenseurs comme l'Allemagne ou l'Espagne, espère obtenir le feu vert des États membres d'ici la fin de l'année.
Pour une bonne partie du monde agricole français, notamment les éleveurs, la perspective d'une entrée en vigueur de l'accord UE-Mercosur reste un sujet explosif. Les syndicats ont unanimement promis de nouvelles mobilisations – dès ce mardi pour la Confédération paysanne – pour faire entendre leur voix. Ils déplorent notamment l'ambiguïté d'Emmanuel Macron qui, après s'y être longtemps opposé, a laissé entendre qu'il pourrait signer le traité sous certaines conditions.
Bruxelles a tenté d'amadouer la France en posant des "mesures de sauvegarde" sur la table qui, si elles pourraient permettre d'infléchir la position au sommet de l'État français, n'ont pas vraiment convaincu les agriculteurs jusqu'à présent.
• Les maladies animales
Autre dossier urgent: la propagation de certaines maladies animales dans les élevages, à commencer par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) qui s'attaque aux bovins. À date du 13 octobre, 80 foyers ont été détectés en France dans une cinquantaine d'élevages depuis l'apparition de la maladie sur le sol français en juin dernier. Si la flambée épizootique a été enrayée dans les deux départements savoyards, un premier foyer a été confirmé ce samedi dans le Jura, dans un secteur jusqu'alors épargné.
Outre la vaccination et la limitation des déplacements des animaux, la lutte contre la dermatose nodulaire contagieuse mise en œuvre par le ministère de l'Agriculture s'appuie sur une stratégie de "dépeuplement" via un abattage préventif de tous les animaux dans les élevages concernés. Cet abattage systématique, très contesté par la Coordination rurale et la Confédération paysanne qui réclament un nouveau protocole sanitaire, suscite toutefois une vive émotion au sein du monde agricole.
Les éleveurs, indemnisés pour les animaux abattus, attendent par ailleurs des réponses de l'État au sujet de l'indemnisation des pertes de production.
• Les négociations pour la nouvelle PAC
Un autre sujet européen agite le monde agricole français. En juillet dernier, la Commission européenne a dévoilé ses propositions pour le budget 2028-2034 de l'UE, donnant le coup d'envoi des négociations avec le Parlement européen et le Conseil de l'UE. Bruxelles a notamment proposé une vaste réforme de son volet agricole, qui abrite la politique agricole commune (PAC). Premier poste de dépenses de l'UE, elle permet notamment de verser des aides directes aux agriculteurs.
De quoi provoquer l'ire des syndicats agricoles européens, dont la FNSEA et la Coordination rurale du côté français, qui déplorent une baisse de 20% de l'enveloppe globale. Ce chiffre est contesté par la Commission européenne, qui évoque plutôt une nouvelle architecture budgétaire et un transfert de certaines sommes vers la politique de cohésion. Bruxelles prévoit, entre autres, une intégration de la politique agricole commune dans un grand fonds unique au lieu de lui dédier un budget propre.
Plusieurs mois de difficiles négociations budgétaires s'amorcent au sein de l'UE, alors que la voix de la France est affaiblie par son instabilité politique. Ce sujet "va nous occuper pour les deux prochaines années" et "on a besoin d'un gouvernement français à la manœuvre" qui ne change pas "tous les trois mois ou tous les six mois", martelait le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, à la mi-septembre.
• Les suites de la loi Duplomb
La loi dite Duplomb, qui a secoué les débats politiques au début de l'été avec le retour avorté de l'acétamipride, risque de se faire encore entendre. FNSEA et Coordination rurale, partisans convaincus de la loi Duplomb à l'inverse de la Confédération paysanne, attendent de pied ferme la publication des décrets pour que soient appliquées toutes les mesures visant à "lever les contraintes" pour les agriculteurs.
Surtout, le débat n'est pas encore complètement fermé au sujet de l'acétamipride. Si la loi Duplomb autorisait la réintroduction de ce pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France mais autorisé ailleurs en Europe, cette disposition avait été finalement censurée par le Conseil constitutionnel. La FNSEA espère convaincre l'exécutif de déposer un nouveau projet de loi, avec un article unique, pour tenter une nouvelle fois d'ouvrir la voie au retour de l'acétamipride.
Par ailleurs, les opposants à la loi Duplomb avaient réussi à réunir plus de 2 millions de signatures sur la pétition enregistrée sur le site de l'Assemblée nationale. À la mi-septembre, les députés de la commission des affaires économiques ont voté en faveur d'un examen de cette pétition réclamant l'abrogation de la loi Duplomb, ce qui pourrait conduire à une discussion en séance publique à l'Assemblée nationale.