BFM Business
Economie

EDITO. Transition écologique: la fin des illusions subventionnées

placeholder video
Le cafouillage autour de MaPrimeRénov’ signe l’échec d’un modèle: celui d’une transition écologique généreusement financée par la dépense publique. La réalité budgétaire impose désormais une remise à plat.

Lundi matin, le gouvernement a rétropédalé. Après avoir annoncé la mise sous cloche de MaPrimeRénov’ pour cause de crédits épuisés, l’exécutif a finalement rouvert partiellement les vannes. La pression du BTP, les milliers de dossiers en attente et les chantiers à l’arrêt auront eu raison de la rigueur affichée.

Mais ce retour en arrière partiel n’est pas un simple ajustement. Il signe la fin d’une illusion: celle d’une transition écologique heureuse, indolore, et financée à guichets ouverts par un État-providence déjà exsangue.

Une promesse intenable

Lancée en 2020 dans la foulée du plan de relance post-Covid, MaPrimeRénov’ avait pour ambition de décarboner le parc immobilier, relancer le secteur du bâtiment et soulager le portefeuille des ménages. Quatre ans plus tard, le dispositif est saturé, les fraudes nombreuses, et les résultats discutables. Derrière le succès apparent du nombre de dossiers déposés, se cache une machine lourde, complexe, peu lisible… et terriblement coûteuse.

À l’image d’autres dispositifs (bonus écologique, aides à l’achat de véhicules électriques, boucliers tarifaires), MaPrimeRénov’ illustre les limites d’une transition écologique fondée quasi exclusivement sur la dépense publique. Le modèle touche ses limites: dette publique au-delà de 3.300 milliards d’euros, déficit structurel persistant, et alerte répétée des corps de contrôle – Cour des comptes, Inspection des finances, France Stratégie – sur le coût et l’efficacité de ces aides.

L’État seul ne peut plus tout

A-t-on eu tort de démarrer ainsi? Probablement pas. Il fallait amorcer la pompe. Mais aujourd’hui, la situation budgétaire impose une sortie progressive de cette logique de subvention permanente.

La transition écologique ne sera ni simple, ni indolore, ni gratuite. Et vouloir maintenir cette fiction est contre-productif, tant sur le plan économique qu’environnemental. La réponse doit être plus structurelle et reposer sur trois piliers complémentaires:

  • le signal prix
  • la responsabilité individuelle
  • et la mobilisation du secteur privé.

Trois leviers pour une transition crédible

Le premier, c’est le signal prix: faire apparaître clairement le coût environnemental d’un comportement, d’un produit ou d’un logement mal isolé. Cela suppose d’assumer une forme de fiscalité écologique, à condition qu’elle soit lisible, redistributive et acceptée, comme dans plusieurs pays d’Europe du Nord.

Le deuxième, c’est la responsabilisation: en finir avec les dispositifs "pour tous" et cibler les aides sur ceux qui en ont réellement besoin. La justice sociale passe aussi par une meilleure allocation des ressources.

Le troisième, c’est l’initiative privée: encourager banques, assurances, gestionnaires d’actifs et entreprises à investir massivement dans la transition, avec des garanties, des incitations, mais sans les corseter sous des réglementations technocratiques.

Une écologie plus adulte

Le vrai défi est là: accepter qu’il n’y aura pas de transition verte sans effort collectif. La tentation de faire croire à une transformation sans douleur, sans contrainte, sans coût est politiquement confortable. Mais elle est économiquement intenable.

MaPrimeRénov’ n’est pas un échec en soi, mais le symptôme d’un mal plus profond: celui d’une écologie pensée comme une suite d’aides ponctuelles, sans vision globale ni pilotage budgétaire clair.

Il est temps de refermer le chapitre des illusions subventionnées. Pour passer à une écologie crédible, soutenable et durable – économiquement autant qu’environnementalement.

Raphaël Legendre