Inflation: les mesures des banques centrales risquées pour l'activité?

Une inflation de 7,5% sur un an en mars dans la zone euro, de 6,5% aux Etats-Unis, la flambée des prix n'a plus rien de conjoncturelle et les banques centrales réfléchissent sérieusement à agir sur leurs politiques monétaires pour éteindre l'incendie qui pèse sur le pouvoir d'achat des consommateurs.
Le comité monétaire de la Fed (FOMC), organe qui fixe notamment les taux directeurs, "est prêt à agir plus fortement si les indices et perspectives d'inflation indiquent qu'une telle action est justifiée", a souligné Lael Brainard, gouverneure de la Fed, lors d'un discours virtuel de la Fed de Minneapolis.
"Il est primordial de faire ralentir l'inflation", a-t-elle poursuivi. Pour cela, la Fed "poursuivra le resserrement méthodique de la politique monétaire par une série de hausses de taux d'intérêt et en commençant à réduire le bilan à un rythme rapide dès (sa) réunion de mai". Rappelons que la banque centrale a déjà opéré une première hausse de ses taux.
Sortir de la politique accommodante
De son côté, la BCE a "commencé à ajuster" sa politique monétaire en vue d'une "normalisation", signifiant qu'elle sortira très progressivement de sa politique accommodante de rachats d'actifs et de taux bas, dès que "les conditions seront remplies", selon Christine Lagarde, sa présidente.
En mars, elle a décidé d'accélérer la réduction de ses achats nets d'actifs, lancés en 2015 alors que l'inflation stagnait largement sous les 2%.
Pour autant, des voix commencent à s'inquiéter de cette approche. Un resserrement trop rapide de la politique monétaire en zone euro, risquerait de plomber l'activité économique déjà fragilisée, a mis en garde mercredi Fabio Panetta, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE).
Dans un discours prononcé en Italie, Fabio Panetta a fait valoir que cette flambée des prix, due en grande partie aux coûts élevés de l'énergie, échappait largement au contrôle de la BCE et qu'une intervention trop rapide de l'institution serait risquée.
"Demander à la seule politique monétaire de faire baisser l'inflation à court terme alors que les anticipations d'inflation restent bien ancrées serait extrêmement coûteux", affirme le responsable de la BCE.
Les prix de l'énergie échappent aux banques centrales
Le danger serait de plomber davantage l'économie de la zone euro alors que "les taux de croissance trimestriels seront très faibles cette année" et pourraient même passer "en territoire négatif".
"Un resserrement de la politique monétaire n'affecterait pas directement les prix de l'énergie et des produits alimentaires, qui sont influencés par des facteurs mondiaux et désormais par la guerre", a-t-il développé.
Pour faire baisser l'inflation à court terme, "nous devrions donc freiner massivement la demande intérieure", explique le membre du directoire, selon lequel "cela signifierait réduire considérablement l'activité réelle et l'emploi, faire baisser les salaires et les revenus", et ainsi "amplifier le sacrifice" déjà en cours.
Fabio Panetta estime en revanche que les gouvernements peuvent atténuer l'impact de la crise par le biais de mesures budgétaires.
Les gardiens de la monnaie unique tiennent leur prochaine réunion jeudi prochain, laissant augurer de discussions houleuses entre tenants d'une approche prudente, comme Fabio Panetta, et partisans d'une action plus déterminée de la BCE dont les taux d'intérêt campent toujours à la plus bas historique.