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Pourquoi cette 9e journée de mobilisation s'apparente à un quitte ou double pour l'exécutif et les syndicats

Manifestation contre la réforme des retraites, le 18 mars 2023 à Nantes

Manifestation contre la réforme des retraites, le 18 mars 2023 à Nantes - LOIC VENANCE © 2019 AFP

Face à "l'entêtement" du président de la République, les syndicats espèrent renforcer la mobilisation. Pour eux, les manifestations et grèves de ce jeudi ne sont pas un "baroud d'honneur".

C'est une mobilisation d'importance majeure. La neuvième journée d'action contre la réforme des retraites, mais la première depuis que le gouvernement a utilisé l'article 49.3 pour passer son texte sans vote des députés. Depuis, le climat social s'est encore un peu plus tendu avec des manifestations quotidiennes, parfois émaillées de tensions.

Le texte, lui, poursuit son "chemin démocratique", a souligné le président de la République lors d'une interview ce mercredi aux 13 heures de France 2 et TF1. Le chef de l'État a mis le cap sur en entrée en vigueur "d'ici à la fin de l'année", tout en se remettant à "la décision du Conseil constitutionnel" - saisi par la Première ministre mais aussi les oppositions - pour la promulguer.

"Tout sauf de l'apaisement", après l'interview du président

De leur côté, les syndicats sont convaincus que "l'entêtement" du président de la République va renforcer la détermination des opposants. Philippe Martinez, leader de la CGT, a préparé le terrain. Depuis des semaines, il répète qu'une "loi même votée, n'est pas forcément appliquée" et cite "le contrat première embauche". Comprendre: la contestation sociale doit se poursuivre, même si la loi est promulguée.

"Cette manifestation, ce n'est pas un baroud d'honneur, au contraire, c'est la mobilisation qui passe à un degré supérieur après ce qui s'est passé, le 49.3, le passage en force du gouvernement, et jusqu'aux dernières déclarations d'Emmanuel Macron (...) Cette prise de parole, c'est tout sauf de l'apaisement", déclarait ce mercredi à Strasbourg Amaury Cullard, psychologue de 42 ans.

Lors de son interview, le président de la République n'a pas eu des mots doux envers les syndicats - et particulièrement la CFDT - accusés de ne pas avoir su "propose(r) un compromis".

"La provocation vient de la part du pouvoir"

Face aux tensions dans les manifestations, le chef de l'État a dit ne pouvoir accepter "ni les factieux ni les factions" et risqué une comparaison avec les événements du Capitole lors de l'élection de Joe Biden aux États-Unis. Les syndicats ont dénoncé à l'unisson le "mépris" et le "déni" du chef de l'État, attendu ce jeudi en début d'après-midi à Bruxelles pour un conseil européen.

"Cette intervention va attiser la colère", a affirmé sur RTL le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, qui quittera la semaine prochaine la direction de la Confédération, lors du 53e Congrès de l'organisation.

"La provocation vient de la part du pouvoir", a-t-il dit, dénonçant une comparaison "scandaleuse" avec les émeutes du Capitole et la volonté de l'exécutif de "casser la grève" en envoyant la police sur les piquets de grève.

Luc Leclercq, représentant CGT chez Free, va "continuer encore à manifester tous les jours s'il le faut". "On voit bien que le seul moment où (Macron) se met à réagir, c'est quand des gens brûlent des poubelles tous les soirs. Est-ce que ce n'est pas ça la solution? On commence à se poser la question", a-t-il déclaré lors d'un rassemblement ce mercredi soir à Bordeaux.

Entre 600 et 800.000 personnes attendues par la police

Les responsables politiques de gauche ont fait écho aux syndicats, le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon dénonçant les "traditionnelles marques de mépris" d'Emmanuel Macron, et appelant les Français à "déferler par millions dans les rues".

Sans avancer de chiffre de manifestants, les responsables syndicaux appellent de nouveau à une mobilisation "massive". La police prévoit "entre 600 et 800.000 personnes sur environ 320 actions", dont 40 à 70.000 à Paris, où le cortège s'élancera à 14 heures de la place de la Bastille, en direction de la place de l'Opéra.

Environ 500 gilets jaunes et 500 éléments radicaux sont attendus à Paris, et "en province plus d'une dizaine de villes verront des démonstrations de l'ultra gauche, encouragées par le climat de violence des derniers jours".

L'exécutif s'attend à ce que la mobilisation "s'étiole"

Entre 40 et 50% de grévistes sont attendus dans les écoles maternelles et élémentaires, selon le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire. Les grévistes pourraient aussi être nombreux parmi les raffineurs, les électriciens et les gaziers, en pointe dans la contestation.

Le trafic fortement perturbé attendu à la RATP et à la SNCF: le syndicat FO-RATP, premier chez les conducteurs de métro, a appelé, après l'activation du 49.3, à faire de jeudi "une journée noire" dans les transports. À la SNCF, seule la moitié des TGV Inoui et Ouigo et le tiers des TER rouleront.

Le syndicat lycéen FIDL a appelé à des "blocus massifs partout sur le territoire" jeudi et vendredi. La mobilisation de jeudi sera-t-elle un baroud d'honneur, ou un bouquet final avant que la contestation ne s'éteigne? Selon une source proche du gouvernement, l'exécutif s'attend à ce que la mobilisation "s'étiole" après la manifestation de jeudi, et à ce que tout rentre dans l'ordre "ce week-end".

Baptiste Farge avec AFP