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Moody's: quelles sont les conséquences de la dégradation de la note souveraine de la France?

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L'agence de notation Moody's a abaissé de "Aa2" à "Aa3" la note de crédit à long terme de la France en l'accompagnant d'une perspective stable, estimant que les finances publiques françaises devraient s'affaiblir considérablement dans les prochaines années.

L'agence de notation Moody's a abaissé vendredi 13 décembre de manière inattendue la note de crédit à long terme de la France, la faisant passer de "Aa2" à "Aa3", estimant que les finances publiques françaises devraient s'affaiblir considérablement dans les prochaines années. "Nous nous attendons à ce que le nouveau gouvernement fasse adopter une loi spéciale garantissant la continuité de l'administration publique en 2025", a indiqué l'agence dans une note.

"Toutefois, en ce qui concerne l'avenir, la probabilité que le prochain gouvernement réduise durablement l'ampleur des déficits budgétaires au-delà de l'année prochaine est désormais très faible", a-t-elle ajouté.

"En conséquence, nous prévoyons que les finances publiques de la France seront sensiblement plus faibles au cours des trois prochaines années par rapport à notre scénario de base du mois d'octobre", a expliqué Moody's.

C'est la deuxième fois cette année que l'une des trois grandes agences de notation abaisse la note de crédit de la France, après S&P Global Ratings au printemps dernier. Mais quelles sont les conséquences d'une dégradation de la dette souveraine de l'Hexagone?

Une qualité de crédit qui reste élevée

Depuis plusieurs mois, la France est dans le viseur des agences de notation. Ainsi, elle avait échappé à une dégradation de sa note par Moody's en octobre. L'agence de notation avait alors déploré la situation des comptes publics et averti qu'elle envisageait une rétrogradation dans les mois à venir. Courant octobre, Fitch avait également maintenu la note de la France inchangée mais y avait ajouté une perspective négative, ce qui veut dire, comme pour Moody's, que cette agence de notation envisage à l'avenir de la dégrader.

De son côté, l'agence S&P qui avait abaissé la note française de "AA" à "AA-" en mai, a décidé de la maintenir le 29 novembre, tout comme sa perspective à stable, soulignant les efforts du gouvernement pour tenter de réduire le déficit public, malgré l'instabilité politique.

La note "Aa3" attribuée vendredi par Moody's est l'équivalent de 17 sur une échelle de 20 niveaux de notation contre 18 sur 20 auparavant. Elle se situe désormais au même niveau que celle des deux autres grosses agences Fitch et S&P ("AA-") alors qu'un alignement paraissait de plus en plus inévitable. Dans l'absolu, la France conserve donc une bonne, voire haute, qualité de crédit.

Un risque de détournement des grands investisseurs

Une telle dégradation pourrait peser sur les taux auxquels la France emprunte sur les marchés, alors que le pays est déjà sous tension en raison de la dérive de ses comptes publics. La dette française continue de séduire les investisseurs du marché, mais ses taux d'intérêt sont désormais plus élevés que ceux de pays comme le Portugal, l'Espagne et même il y a peu la Grèce, réputés plus risqués.

Lorsqu'une agence de notation dégrade la perspective qu'elle attribue à la France, cette décision a peu d'impact sur les coûts d'emprunt à l'heure actuelle. En revanche les tensions sont accrues en cas de rétrogradation de la note, qui passe dans une catégorie inférieure, car elle est jugée moins sûre par les grands investisseurs qui peuvent s'en détourner.

Cela "impliquerait donc des ventes nettes de ses obligations sur les marchés, et ensuite une forte baisse de la demande. Cela entraînerait mécaniquement une hausse du taux de rendement", expliquait Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, dans une note.

Une situation budgétaire à éclaircir avant tout

Selon le cabinet Asterès, plus que les décisions des agences de notation, dont les conséquences sont selon lui "limitées sur les coûts d'emprunt de l'Etat français", c'est la situation budgétaire, économique et politique de la France, encore marquée de forte incertitude, qui importe surtout. La charge de la dette est aujourd'hui le deuxième poste budgétaire derrière l'Éducation avec plus de 50 milliards d'euros et elle est susceptible de devenir le premier d'ici à 2027. Cela réduit d'autant les marges de manœuvre financières.

Lors de la passation de pouvoir avec son prédécesseur Michel Barnier vendredi, le nouveau Premier ministre François Bayrou a d'emblée évoqué le sujet du déficit et de la dette. Il s'agit selon lui d'"une question qui pose un problème moral" et "pas un problème financier seulement", alors que son premier défi sera de doter la France d'un budget pour l'an prochain, avec une Assemblée nationale toujours sans majorité.

Timothée Talbi avec AFP