"Le moment est très grave": la France emprunte désormais plus cher que la Grèce sur le taux qui fait référence

Le Premier ministre français Michel Barnier assiste à une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, à Paris, le 26 novembre 2024 - Bertrand GUAY © 2019 AFP
"J'ai envie de dire aux Français que le moment est très grave". Ce mardi soir sur TF1, Michel Barnier a prévenu le pays et les oppositions au Parlement. Une éventuelle censure du gouvernement sur le vote du Budget entraînerait la France dans une spirale très dangereuse sur le plan financier.
"Il y aura une tempête, une situation financière assez grave", a martelé le Premier ministre, rappelant que la France empruntait déjà à des taux très élevés sur les marchés "presque au niveau de la Grèce".
Une déclaration en deçà de la réalité puisque ce matin le taux de l'obligation française a même dépassé celui de la Grèce. Et pas sur l'obligation à 5 ans comme en septembre dernier, mais bel et bien sur le taux à 10 ans, celui qui fait référence pour mesurer le spread avec les États.
Entre 9 heures et 10 heures ce matin, le "10 ans français" a grimpé jusqu'à 3,045% quand dans le même temps le "10 ans grec" ne dépassait pas les 3,04%. Le rendement de l'obligation française est depuis repassé sous celui du grec, mais ce dépassement même temporaire traduit une inquiétude rarement vue sur les marchés pour la situation française.
La prime de risque de l'obligation française est donc plus ou moins égale pour les investisseurs à celle de la Grèce, le pays qui a le ratio de la dette par rapport au PIB le plus élevé d'Europe (160% du PIB).
La France en queue de peloton
Pire, le "10 ans français" est désormais plus élevé que le taux de presque tous les pays que les anglosaxons surnommaient péjorativement les PIIGS au début des années 2010, à savoir le Portugal, l'Irlande, l'Italie, la Grèce et l'Espagne.
Le taux portugais est ainsi actuellement sous les 2,7%, l'irlandais sous les 2,5%, et l'espagnol sous 2,9%. Seule l'Italie fait pire que la France avec un taux d'emprunt sur le "10 ans" à plus de 3,4%.
En ce qui concerne le spread avec l'Allemagne, déjà au plus haut depuis 2012, il ne cesse de s'accentuer. Ce mercredi matin, il frôle les 90 points de base (0,9%) après avoir clôturé ce mardi soir à 84.
Les causes de la dégringolade française sont connues. Plus que les déficits publics ou le ratio d'endettement par rapport au PIB, c'est l'instabilité politique que jugent durement les investisseurs.
"La situation politique française pose problème" et "avec la pression que met le RN sur le gouvernement", une "motion de censure apparaît être une issue de plus en plus probable pour les marchés", explique Aurélien Buffaut, gérant obligataire de Delubac AM.
Avec une inconnue qui les inquiète particulièrement: le coût des compromis que le Premier ministre devra faire pour éviter la censure et qui risquent de faire dévier la France de sa trajectoire de déficit.
D'autant plus que le moment est particulièrement inopportun pour le pays comme l'explique Marine Mazet, stratégiste taux chez Nomura.
Si le gouvernement tombe fin décembre, "l'instabilité politique et fiscale s'aggravera à un moment où il n'y aura que peu de liquidités sur les marchés, ce qui pourra donner lieu à des mouvements exacerbés", détaille la stratégiste.
Plus que quelques jours pour éviter "la tempête".
