Niches fiscales des entreprises: des milliards d'euros disponibles mais très bien défendus

- - AFP
Baisser les impôts. Emmanuel Macron n'a cessé de marteler cet objectif ces derniers mois. Le chef de l'État a dévoilé son plan la semaine passée lors de la présentation des mesures post-grand débat le 25 avril: ce sera une baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu en 2020. Une mesure que le président de la République compte financer par "la suppression de certaines niches fiscales pour les entreprises" et "la nécessité de travailler davantage".
Concernant la première option, à première vue, il y a de quoi faire. La masse des ristournes fiscales, entreprises et ménages confondus, culmine à plus de 100 milliards d'euros en 2018, soit 4% du PIB, dont 20 milliards au titre du CICE (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi).
D'autant que Paris est encouragé à faire des coupes. La Commission européenne et l'OCDE recommandent régulièrement à la France de limiter le recours à ces niches, appelées dans le jargon "dépenses fiscales", ainsi que de les évaluer de façon plus systématique et transparente pour se débarrasser de celles qui sont inefficaces. En contrepartie, les deux organisations suggèrent de baisser les impôts sur la production payés par les entreprises.
Il faut dire que, si la France est le pays où le poids de la fiscalité en général est le plus élevé d'Europe, elle est aussi l'un de ceux qui versent le plus d'aides aux entreprises. Les subventions et transferts en faveur des sociétés représentaient 5% du PIB en 2016, soit près de 2 points de plus que la moyenne européenne (1 point de plus si on exclut le CICE), selon les calculs de France Stratégie. Et les niches fiscales constituent une partie de cette masse.
CICE et crédit impôt recherche sanctuarisés
Bien que les sommes soient importantes, la sélection pourraient pourtant s'avérer plus difficile qu'il n'y paraît. D'abord parce que les niches continuent de proliférer, 17 ont été créées cette année portant leur total à 474 (ménages et entreprises confondus). D'ailleurs, Bruno Le Maire a précisé dans une interview aux Echos vendredi que la suppression de certaines niches ne constituera "qu'une des sources de financement" des 5 milliards de baisse de l'impôt sur le revenu, rappelant que l'exécutif compte également sur "la réduction des dépenses publiques et l'augmentation du temps travaillé, avec une incitation à partir plus tard à la retraite".
Le ministre de l'Économie semble minimiser l'ampleur du coup de rabot à venir. Sans doute une manière de rassurer le patronat, après son entretien avec le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux jeudi. Les chefs d'entreprise ont en effet mal accueilli l'annonce d'Emmanuel Macron la semaine passée. Car selon eux les niches fiscales permettent de compenser le niveau élevé de la fiscalité française. Et mécaniquement, supprimer une niche fiscale revient à augmenter les impôts pour les contribuables concernés.
Afin d'apaiser les tensions, le gouvernement a déjà choisi de sanctuariser certaines d'entre elles. "Nous ne toucherons pas aux dispositifs qui contribuent à la compétitivité, car c'est le cœur de notre politique économique", a prévenu Bruno Le Maire dans les colonnes du quotidien économique. Les 6 milliards de crédit impôt recherche (CIR) et les 20 milliards de CICE, qui basculent cette année en baisses de charges pérennes, ne seront pas concernés par des coupes.
"Nous ne toucherons pas à la TVA restauration"
Que reste-t-il? La TICPE? Interrogé sur la réduction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques qui s'applique au gazole non routier, que le gouvernement voulait déjà supprimer l'an passé, Bruno Le Maire a botté en touche. Le sujet de la fiscalité des carburants demeure très sensible, même s'il s'agit de l'une des pistes à l'étude du côté de Bercy. La TVA? Avec ses taux réduits et ses exonérations qui coûtent plus de 20 milliards d'euros à l'État, le poste paraît incontournable. Supprimer certaines niches fiscales sur la TVA fait partie des première recommandations de l'OCDE en matière de rationalisation des dépenses fiscales. Dans son dernier rapport sur la France, publié en avril dernier, l'Organisation pointe notamment le manque d'efficacité des taux réduits dans la restauration sur l'emploi et sur les inégalités. Pourtant, Bruno Le Maire a exclu de toucher à ce secteur:
"Le président de la République a été clair: il ne veut pas de hausse d'impôts mais des baisses d'impôts. Nous ne toucherons pas à la TVA restauration, car in fine, c'est une taxe sur les ménages", estime-t-il.
Le mystère reste donc entier sur les niches qui seront ciblées. Bercy et la commission des finances vont passer au peigne fin ces dépenses fiscales ce mois-ci pour identifier celles "dont l'efficacité n'est plus avérée", selon les mots du ministre de l'Économie. La réponse sera donnée en juin.