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Entreprises, État, collectivités: combien leur a coûté la crise des gilets jaunes?

Des gilets jaunes dans Paris (photo d'illustration).

Des gilets jaunes dans Paris (photo d'illustration). - Christophe Archambault - AFP

Si la mobilisation des gilets jaunes a plutôt été indolore pour l'économie française dans son ensemble, des acteurs locaux ont été pénalisés. Dans un rapport publié ce mercredi, des députés ont tenté de mesurer l'impact du mouvement sur les communes, les commerces et les administrations.

Bruno Le Maire l'a suffisamment répété, la crise des gilets jaunes qui a éclaté à l'automne dernier a fait perdre 0,1 point de croissance à la France sur le dernier trimestre 2018. Cette évaluation, déjà faible, du ministre de l'Économie pourrait même être surestimée. La croissance annuelle a été révisée de 1,5% à 1,7% par l'Insee, preuve que l'ampleur des effets du mouvement social a été plus faible qu'attendu. Finalement, les manifestations des gilets jaunes ont plutôt été indolores pour l'économie française, prise dans sa globalité.

En revanche, à l'échelle d'une ville ou d'un commerce, ce rendez-vous hebdomadaire du samedi a bien évidemment eu des répercussions. Pour mesurer cet impact, une mission parlementaire a été lancée début mai. Les députés sont allés à la rencontre d'élus locaux, de fédérations d'entreprises (commerce, artisanat, banque, etc.), d'agents de l'État et d'experts en analyse économique pour dresser leur rapport, publié ce mercredi.

217 millions d'euros d'indemnisations

Les manifestations des gilets jaunes ont parfois été émaillées de violence et de dégradations. On se souvient notamment de l'Arc de Triomphe tagué et des voitures retournées sur les Champs-Élysées le 1er décembre. Selon la mission parlementaire, les assureurs ont indemnisé pour 217 millions d'euros de préjudices essentiellement matériels. La région parisienne est la plus touchée, puisqu'elle concentre à elle seule 41% des montants indemnisés, mais le rapport précise que toutes les métropoles ont été touchées. 

Dans ce contexte, la fréquentation des centres-villes a chuté, pénalisant certains secteurs d'activité. Le rapport indique que les commerces avoisinants font état d'une perte de chiffre d'affaires de 20% à 30% et de 2 milliards d'euros pour les centres commerciaux. D'après l'Union des entreprises de proximité (U2P), les hôtels, restaurants et cafés affichent quant à eux 850 millions d'euros de pertes. 

"Ce sont pour les petites entreprises que les répercussions ont été les plus fortes", soulignent les députés, évoquant des "pressions sur la trésorerie". Sans chiffrer le phénomène, ils ajoutent qu'un "certain nombre" de CDD n'ont pas été renouvelés et que de potentielles recrutements ont été abandonnés, comme les contrats courts pour les fêtes de fin d'année. Au-delà des considérations économiques, ils pointent "un préjudice moral et économique" subi par les propriétaires de magasins "pillés et saccagés, en particuliers lorsqu'il s'agit de petites entreprises familiales".

La facture des radars s'élève à 71 millions d'euros

Outre les comptes des entreprises et les particuliers, ceux de l'État et des collectivités ont aussi été mobilisés durant le mouvement social. Le ministère de l'Intérieur chiffre à 46 millions d'euros les heures supplémentaires dues aux forces de l'ordre mobilisées chaque samedi. La facture des 2410 radars détruits et des 577 endommagés sera à terme de 71 millions d'euros. 

En première ligne, les collectivités locales doivent elles aussi supporter des dépenses exceptionnelles. Les dégradations de mobilier urbain, le bouleversement du calendrier de certains travaux, la rémunération des agents sollicités, notamment pour le nettoyage... toutes ces dépenses s'élèvent à 30 millions d'euros pour les métropoles et les grandes agglomérations, selon l'organisation France urbaine.

La mission parlementaire reconnaît qu'il est difficile de présenter un chiffrage précis du coût total du mouvement pour l'ensemble des collectivités françaises. Les députés se sont rendus dans trois villes: Rouen, Bordeaux et Toulouse. Le coût, hors mesures d'accompagnement, serait d'environ 12,5 millions d'euros. Cette estimation "est à prendre avec précaution", mais "elle offre un ordre de grandeur pour les collectivités les plus importantes", précise le rapport.

Prolonger voire approfondir les mesures d'aide

Pour épauler les entreprises pénalisées par le mouvement, l'État et les collectivités ont mis en place des dispositifs pour les épauler. À Bordeaux par exemple, la région, la commune, la métropole et les chambres consulaires se sont regroupées pour alimenter un fonds de soutien exceptionnel aux commerçants, de 2,6 millions d'euros. De son côté, Bercy a par exemple accordé un délai de paiement de cotisations sociales à hauteur de 112 millions d'euros dans l'immédiat et 86 millions d'euros de reports à terme.

La mission parlementaire invite le gouvernement à prolonger, voire à approfondir ces mesures de soutien, notamment en accordant des exonérations de cotisations sociales, des crédits d'impôts spécifique, ou encore des remise fiscales gracieuses aux entreprises les plus affectées. Les députés invitent également l'exécutif à simplifier l'accessibilité de ces dispositifs pour garantir que tous ceux qui en ont besoin en bénéficieront.

Pour épauler les collectivités territoriales, la mission recommande de poursuivre l'effort de revitalisation des centres-villes. Elle conseille aussi à l'État, qui a demandé aux collectivités de faire des efforts dans la limitation de leurs coûts de fonctionnement, de lâcher du lest pour celles qui ont dû réaliser des dépenses exceptionnelles afin de faire face aux conséquences de la mobilisation des gilets jaunes. 

Jean-Christophe Catalon