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Comment OnePoint cherche à prendre le contrôle d’Atos

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Son patron David Layani veut encore monter "significativement" au capital et peser sur la gouvernance. Il prépare le rapprochement entre sa société et Eviden, la branche d’Atos qui sera conservée après la vente des activités historiques à Daniel Kretinsky. Le fondateur de OnePoint s’explique à BFM Business.

"Je vais entrer dans la danse et prendre le contrôle d’Atos": cette confidence du patron de OnePoint à un de ses amis il y a dix jours résume son ambition. La semaine dernière, David Layani est monté à 11,4 % du capital d’Atos, un mois après y avoir fait irruption. En investissant environ 90 millions d’euros, il s’impose comme le premier actionnaire du groupe de services informatiques et n’en a pas fini.

"Nous n’excluons pas de monter encore significativement au capital", assure-t-il à BFM Business.

Tournure de prudence pour celui qui veut mettre la main sur Atos. Il y a un mois, OnePoint a levé 500 millions d’euros auprès du fonds d’investissement Carlyle dont une partie financera sa dette. Mais selon nos informations, David Layani serait prêt à engager 300 millions d’euros sur Atos. "En investissant cette somme, il peut monter à 25% d’Atos et en prendre le contrôle", explique Nicolas David, analyste chez Oddo. Il deviendrait majoritaire en assemblée générale alors que les petits actionnaires sont seulement 43% à voter.

Peser au sein du conseil d’administration d’Atos

Ensuite, le fondateur de OnePoint veut s’imposer dans la gouvernance d’Atos. Il a demandé les trois sièges du conseil d’administration laissés vacants par l’ancien président Bertrand Meunier, Caroline Ruellan et Carlo d’Asaro Biondo. Selon nos informations, David Layani devrait occuper l’un d’eux, aux côtés d’Helen Lee Bouygues, déjà administratrice de plusieurs sociétés. Avec 20% des voix, il jouera le rôle de troisième homme aux côtés du président Jean-Pierre Mustier et du vice-président Laurent Collet-Billon.

Mais il ne compte pas s’arrêter là. Une fois qu’il sera monté au capital, il devrait demander à nouveau trois sièges supplémentaires. Les mandats de Vivek Badrinath, qui a démissionné, de René Proglio, qui n’occupe plus son poste, et d’Astrid Stange arrivent à échéance l’an prochain. S’il parvient à obtenir six des quatorze postes d’administrateurs que compte le conseil, il prendra le pouvoir.

Pour aller au bout de son offensive, le patron de OnePoint a besoin qu’Atos vende sa branche historique de services informatiques à Daniel Kretinsky. Les négociations en cours et sont "très dures", selon une source proche du groupe. L’homme d’affaires tchèque ferraille pour récupérer chaque gros contrat. OnePoint compte sur cette scission pour monter en puissance dans la partie restante: Eviden, qui conservera les activités de transformation digitales, de cloud et de cybersécurité. Reste à savoir ce qu’il se passera pour les activités sensibles et souveraines de cybersécurité, Big Data et Sécurité (BDS). Airbus envisage un partenariat depuis le début de l’année. Selon Le Figaro, les discussions sont "avancées" mais "il n’y a pas d’offre sur la table", nous précise un proche d’Atos.

Deux options existent pour OnePoint. Si Atos ne vend pas BDS, il devra réaliser une augmentation de capital. Jusqu’ici prévue à 900 millions d’euros, elle pourrait être réduite à 700 ou 750 millions d’euros dont environ 300 millions d’euros seraient apportés par OnePoint. Ces dernières semaines, David Layani fait le tour des petits actionnaires pour les convaincre de remettre au pot. "Il essaie de nous convaincre de le suivre et d’accepter l’augmentation de capital d’Eviden, explique Hervé Lecesne qui détient à lui seul presque 1% du capital. Pour le moment, nous y sommes opposés et préférons vendre la filiale américaine Syntel". Sauf que selon plusieurs sources, le président d’Atos, Jean-Pierre Mustier, et David Layani ne souhaitent pas la céder.

Rapprocher OnePoint et Eviden

Si Atos vend BDS, il récupérera de quoi se désendetter. Sa dette est de 2,3 milliards d’euros sans compter plusieurs centaines de millions d’euros de "trou" de trésorerie qu’Eviden conservera malgré la vente des activités historiques à Daniel Kretinsky. OnePoint monterait alors au capital en achetant des actions en Bourse. "Je veux qu’Eviden devienne le premier opérateur de cloud souverain en Europe", explique David Layani qui souhaite conserver un partenariat industriel avec Airbus sur ces activités. "Airbus s’intéresse à la cybersécurité et aux supercalculateurs d’Atos et OnePoint aux activités digitales et cloud, explique Dominique Cerutti, ancien patron d’Altran. Il me semble que les deux entreprises sont très complémentaires pour se partager Eviden."

Et ensuite? Plusieurs sources proches de David Layani assurent qu’il veut fusionner sa société avec Eviden pour en prendre le contrôle. OnePoint réalise 500 millions d’euros de chiffre d’affaires et les activités de transformations digitales d’Eviden, que David Layani lorgne, pèse 2,7 milliards d’euros de revenus! "OnePoint est très complémentaire avec les activités de transformation digitale d’Eviden comme le Cloud, la gestion des données et l’intelligence artificielle", glisse son ami Guy Mamou-Mani, patron d’Open.

Il y a dix jours, les deux sociétés ont annoncé un accord de coopération mondial dans l’intelligence artificielle et la protection des données. Elles travaillent déjà sur des projets communs. "Il y a de fortes synergies avec Eviden sur des plateformes technologiques, des expertises métiers, des zones géographies et des clients communs", abonde le patron de OnePoint qui précise que le sujet n’est pas d’actualité, sans toutefois le démentir. Au capital, dans la gouvernance et dans l’opérationnel, David Layani s’immisce à tous les étages chez Atos.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business