Sensibilité, seuil de chaleur... Pourquoi la vigilance orange canicule perdure dans les Alpes-Maritimes?

Illustration - Nicolas TUCAT © 2019 AFP
Treize jours de canicule. Depuis le 9 juillet, les Alpes-Maritimes ont très chaud et sont placées en vigilance orange canicule. Seul département encore en alerte ce vendredi, la situation va perdurer encore ce week-end.
Pourtant, les différences de températures ne semblent pas si importantes avec les voisins: avec 29°C à Gap, 32°C à Marseille ou 30°C à Toulon contre 30°C à Nice ce vendredi, difficile de comprendre pourquoi Météo-France parle de canicule uniquement en région maralpine.
Un seuil de chaleur très bas
"On parle de canicule lorsque les températures observées sont élevées jour et nuit pendant au moins trois jours d’affilée", explique l'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur. Plus précisément, un seuil de température est mis en place dans chaque département pour définir sous quelles conditions un épisode de forte chaleur est caniculaire.
Chaque territoire a ses propres normes, mises en place par l'ARS selon sa géographie, sa topographie, son historique de températures ou encore sa population. Elles sont ensuite suivies par Météo-France. Et dans les Alpes-Maritimes, ce seuil est bien plus bas en journée que dans les départements voisins.
"Pendant les vagues de chaleur, c'est un phénomène assez courant d'avoir les Alpes-Maritimes en vigilance orange plus longtemps que dans les départements limitrophes", explique Adèle Luy, prévisionniste conseil au centre Météo-France Sud-Est. "La sensibilité à des températures élevées y est supérieure."
En territoire maralpin, on décrète ainsi une canicule lorsque les températures dépassent 31°C la journée et 24°C la nuit. À titre de comparaison, le seuil des Bouches-du-Rhône est établi à 35°C le jour, et 23°C la nuit. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, les températures requises pour déclarer l'état de canicule sont de 36°C en journée et 19°C la nuit tombée.
Lors de fortes chaleurs autour de la Méditerranée, comme c'est le cas maintenant avec la persistance d'un dôme de chaleur, les Alpes-Maritimes sont donc les plus susceptibles d'être placées en vigilance orange canicule.
De grandes différences de part et d'autre du département
À chaque coup de chaud, ce sont les acteurs de la région, tels que le préfet, l'ARS et l'antenne régionale de Météo-France qui décide de la mise en place de la vigilance et des mesures qui l'accompagnent selon la situation du département.
"Il y a une grande différence entre les températures à l'intérieur des terres et celles en bord de mer", rappelle Patrick Marlière, météorologue et directeur d'Agate Météo. Lors du pic de chaleur ce mardi, près de 42°C ont été enregistrés à Puget-Théniers, contre 31°C à Nice.
Ce jour-là, la moyenne des températures du département a ainsi atteint le seuil indiquant un épisode caniculaire, même si à Nice, les températures étaient de saison.
"Cet épisode caniculaire a deux aspects dangereux: sa durée, et les nuits chaudes", alerte Patrick Marlière. En effet, la chaleur dans les Alpes-Maritimes a parfois été équivalente à la métropole lilloise, note le météorologue. La grande différence est que le mercure chute dans le nord la nuit et se maintient autour de 24°C au moins dans le sud-est.
Une situation qui dure désormais depuis près de deux semaines et qui est très éprouvante pour la population, d'où la nécessité de maintenir une vigilance orange afin de mettre en place des mesures d'aide. Pour Adèle Luy, "c'est une situation assez exceptionnelle".
"En 2022, les Alpes-Maritimes ont été en vigilance orange 11 jours consécutifs, mais on n'a pas observé ce type de phénomène les années précédentes", continue-t-elle.
Si la canicule dans les Alpes-Maritimes continue encore quelques jours, elle pourrait être l'une des plus importantes de ces dernières années. "Cela sera sûrement l'été le plus chaud jamais enregistré dans le département", avance Patrick Marlière.
Une population plus âgée
Parmi les critères qui déterminent la mise en place du seuil de température pour parler de canicule, il y a la population. Et une grande partie des habitants maralpins font partie des plus fragiles face à la chaleur.
Selon l'Insee, 31,8% de la population des Alpes-Maritimes a plus de 60 ans, dont 13,4% plus de 75 ans. Le département fait ainsi partie des 20 départements français comprenant le plus de personnes dites très âgées.
Une population vulnérable, qui doit donc faire face ce mois-ci à une chaleur éprouvante et persistante. "À Nice, la cinquième plus grande ville de France, les entrées aux urgences ont bondi de 20 à 25% depuis le début des fortes chaleurs", souligne Patrick Marlière. "Le Samu a reçu 1600 appels par jour liés à la chaleur."
En maintenant une vigilance orange canicule, des actions de prévention et de gestion continuent d'être mises en œuvre "de façon adaptée à l’intensité et à la durée du phénomène", précise l'ARS régionale.
"L'épisode caniculaire est non exceptionnel, mais nécessite une vigilance particulière notamment pour les personnes sensibles ou exposées du fait de sa durée", précise enfin Météo-France dans son bulletin.
Après un léger moment de répit en milieu de semaine prochaine, le mercure devrait à nouveau s'affoler. La vigilance orange canicule est donc maintenue samedi dans les Alpes-Maritimes, avec jusqu'à 37°C attendu, comme le prévoit le seuil de température du département.
Ces seuils établis par l'ARS n'ont pas été réajustés depuis plusieurs années, confirme Météo-France. "En effet, ils pourraient un jour devenir obsolètes dans un contexte de changement climatique", estime Adèle Luy. "Ce qui était exceptionnel hier ne le sera peut-être plus demain."