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Procès de l'attentat de Nice: la diffusion de la vidéosurveillance fait débat

Croquis d'audience de la salle de la cour d'assises spéciale à Paris, au premier jour du procès de l'attentat de Nice, le 5 septembre 2022.

Croquis d'audience de la salle de la cour d'assises spéciale à Paris, au premier jour du procès de l'attentat de Nice, le 5 septembre 2022. - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP

Le procès du 14-Juillet 2016 s'est ouvert lundi à Paris, et est retransmis en direct au palais Acropolis de Nice.

Faut-il ou non diffuser les images de la vidéosurveillance du 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais? Cette question a fait débat au deuxième jour du procès de l'attentat de Nice, qui a fait 86 morts après la course meurtrière d'un camion-bélier.

Ce visionnage, envisagé vendredi, s'annonce "insoutenable" mais est "très important" pour beaucoup de victimes, ont fait valoir la majorité des avocats de parties civiles, tandis que ceux de la défense considèrent qu'il "n'est pas nécessaire". Le président du tribunal a lui aussi émis des doutes sur cette diffusion des images. Selon lui, "certaines victimes en ont besoin pour se reconstruire, d'autres préfèrent ne pas les voir".

Trois critères pour prendre une décision

Ces quatre minutes d'horreur filmées par les caméras de surveillance de Nice ont été conservées en un seul exemplaire, sous scellé, afin qu'"aucune image ne circule en dehors de la procédure judiciaire", et "je souhaite que ça reste le cas", pour "éviter le voyeurisme ou le sensationnalisme", a souligné le président de la cour, Laurent Raviot.

Selon lui, la décision de les montrer ou pas dans la salle d'audience à Paris ainsi que dans les salles de retransmission à Nice, doit reposer sur trois critères.

"Est-ce que ça a un intérêt par rapport à la compréhension du déroulement de l'attentat, est-ce que ça a un intérêt pour déterminer la responsabilité éventuelle des accusés, et est-ce que ça a un intérêt pour les parties civiles", a-t-il énuméré, précisant qu'il n'avait pas vu lui-même ces images.

Les parties civiles divisées

Le président n'a pas précisé quand il rendrait sa décision. Le visionnage du scellé est envisagé vendredi, à l'occasion de l'audition de l'agent de la sous-direction antiterroriste (Sdat) de la police judiciaire qui a exploité ces images pour les besoins de l'enquête.

De leur côté, les parties civiles sont divisées sur le sujet. "C'est quelque chose qui nous a été demandé à de nombreuses reprises, pour des raisons de reconstruction, de reconstitution des mémoires", mais aussi pour "pouvoir confronter la cour, le parquet, les accusés aux faits que nous allons juger", a souligné Virginie Le Roy, avocate de l'association Promenade des anges et de nombreuses victimes. "Mes clients sont soit hostiles (à la diffusion des images), soit n'ont pas d'opinion", a dit de son côté Gérard Chemla, un autre avocat de parties civiles.

"Cette question met le doigt sur la dichotomie entre ce qui est nécessaire pour les parties civiles et le débat de la manifestation de la vérité et de l'appréciation de la responsabilité des accusés", a fait valoir Adelaïde Jacquin au nom des avocats de la défense.

Aucun des accusés n'étant renvoyé pour "complicité" de l'attentat, "on considère que le visionnage de ces vidéos n'est pas nécessaire à l'appréciation de (leur) responsabilité", a ajouté l'avocate.

François Hollande et Bernard Cazeneuve entendus le 10 octobre

Mardi matin, l'audience avait débuté avec l'appel des témoins et des experts appelés à déposer lors du procès. Parmi eux, l'ancien président François Hollande et son ministre de l'Intérieur de l'époque Bernard Cazeneuve devraient être entendus le 10 octobre.

Le même jour est attendu François Molins, procureur général près la Cour de Cassation, qui était à l'époque des faits procureur de Paris, alors chargé des enquêtes sur les attentats terroristes.

Le maire de Nice Christian Estrosi ainsi que celui qui occupait ces fonctions lors des faits, Philippe Pradal, seront eux entendus le 20 octobre.

1940 personnes se sont constituées partie civile

Cinq semaines par ailleurs seront consacrées au témoignage des parties civiles. 1940 personnes s'étaient constituées partie civile mardi en milieu d'après-midi -contre 865 avant l'ouverture du procès-, parmi lesquelles environ 300 souhaitent témoigner.

Au vu du calendrier contraint du procès, qui doit s'achever le 16 décembre, "la cour entend privilégier les proches de personnes décédées et les personnes blessées physiquement", a averti Laurent Raviot.

S'adressant aux accusés, le président a reconnu que la première partie du procès "les laiss(ait) un peu de côté", mais a assuré que "la cour prendra(it) le temps nécessaire pour examiner leur personnalité, les charges retenues contre eux et leurs éléments de défense".

Sept accusés présents

En début d'après-midi, il a entrepris la lecture du résumé des faits et de l'enquête, un exercice prévu pour durer deux à trois heures. Les sept accusés présents ont ensuite pris la parole en fin de journée pour une "déclaration préalable".

Trois accusés se trouvent dans le box, Ramzi Arefa, Chokri Chafroud (en détention provisoire) et Artan Henaj (condamné dans une autre affaire). Quatre - Maksim Celaj, Endri Elezi, Mohamed Ghraieb et Enkeledja Zace - comparaissent libres sous contrôle judiciaire. Le huitième, Brahim Tritrou, détenu en Tunisie, sera "jugé par défaut".

L'assaillant, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un Tunisien de 31 ans tué par la police le soir de l'attentat, est le grand absent du procès.

Ce chauffeur-livreur au caractère instable, connu pour des actes de violence, notamment contre son épouse, "s'était inscrit dans une démarche idéologique d'inspiration jihadiste plusieurs mois avant" l'attentat, selon l'accusation. L'enquête n'a pas permis d'établir s'il avait bénéficié de complicités.

Trois accusés (Ramzi Arefa, Chokri Chafroud et Mohamed Ghraieb) sont poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste. Les cinq autres accusés sont poursuivis pour des délits de droit commun - association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes.

S.B.-E. avec AFP