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Après l'incendie mortel à Nice, la lutte contre le narcotrafic dans le quartier des Moulins critiquée par les habitants

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Aux Moulins, dans un quartier gangréné par le trafic de stupéfiants, les habitants crient leur ras-le-bol depuis des années. Pour les riverains, l'incendie mortel qui a eu lieu ce jeudi illustre l'impuissance des pouvoirs publics depuis de nombreuses années dans ce secteur.

Après l'incendie qui a coûté la vie à sept personnes le 19 juillet à Nice, les riverains n'en peuvent plus. Des mois voire des années que les riverains demandent des mesures concrètes contre l'insécurité au quartier des Moulins. Malgré des actions coup de poing, orchestrées notamment par le préfet des Alpes-Maritimes Hugues Moutouh depuis sa nomination, la piste criminelle est aujourd'hui privilégiée par les enquêteurs pour cet incendie mortel.

Ce quartier niçois populaire est le terrain de nombreuses tensions, en particulier liées au trafic de stupéfiants. Des coups de feu sont régulièrement entendus, tout comme des affrontements à l'arme blanche. Des rixes de plusieurs dizaines de personnes ont déjà éclaté en plein jour. En août 2022, un jeune de 20 ans a été tué par balle à proximité de la place des Amaryllis.

Une "guerre d'usure" selon le préfet

Un climat "de fortes tensions" qui tirerait son origine de plusieurs sources de conflits entremêlées, a estimé à plusieurs reprises le préfet des Alpes-Maritimes. En mars dernier, il évoquait notamment "un conflit de territoire pour le contrôle du trafic de stupéfiants entre des jeunes du quartier des Moulins et des étrangers en situation irrégulière dont la plupart sont des mineurs non accompagnés".

Sur les 54 points de deal recensés dans le département en décembre 2023, 12 se situent au quartier des Moulins. "Ça fait quelques années où c’est vraiment difficile à vivre, entre les règlements de comptes… Maintenant, c’est tout en impunité", déplore Isabelle ce jeudi, une habitante du quartier qui aimerait pouvoir déménager.

"On va continuer notre guerre d'usure [contre les dealeurs]. Ils se lasseront avant nous", avait lancé Hugues Moutouh il y a quelques mois.

Des fonctionnaires de police sont présents dans le quartier des Moulins. Lors de périodes de conflits particulièrement intenses, le Raid ou encore la CRS 81 ont déjà été déployés sur le quartier.

De nombreuses opérations "place nette"

Ainsi, depuis le début de l'année 2024, plusieurs opérations "place nette" ont été organisés au cœur du quartier. "Ça fait plus d'un an qu'elles sont mises en route quotidiennement", assurait le capitaine de police Landry, en charge du quartier des Moulins.

Dans le cadre de ces mobilisations des forces de l'ordre, des dizaines de personnes ont pu être interpellés et plusieurs quantités de drogue ont été saisies.

Et en mai dernier, alors que les opérations "place nette XXL" se multipliaient dans toute la France, le quartier des Moulins a été l'un des premiers, après Marseille, à accueillir ce nouveau dispositif. Pendant quatre jours, plus de 300 policiers et gendarmes étaient présents sur place.

"L'idée, c'est de maîtriser totalement l'espace public qui nous entoure, d'enlever les encombrants, les véhicules ventouses etc", notait le préfet des Alpes-Maritimes.

Les mineurs impliqués dans le trafic de drogue étaient alors en ligne de mire des forces de l'ordre. "On a une vraie problématique aux Moulins de mineurs utilisés par les réseaux pour les tâches de ventes et de ravitaillement", avait détaillé le procureur de la République de Nice Damien Martinelli.

Une brigade privée déployée quotidiennement

La mairie de Nice de son côté a aussi déployé plusieurs moyens pour endiguer les violences au quartier des Moulins. En plus de réhabiliter petit à petit le secteur, elle a déployé la brigade de sécurité privée Gaïda, composée de 17 agents. Elle travaille en étroite collaboration avec les forces de l'ordre.

"Ils sont là pour semer la terreur chez les dealeurs et ne pas laisser les dealeurs continuer à semer la terreur dans un quartier qui n'aspire qu'à trouver sa tranquillité", avait expliqué le maire Christian Estrosi.

Chaque agent a été formé pendant six mois avant d'être mobilisé aux Moulins. Mais du côté des habitants, ce n'est pas assez. "Est-ce que la Gaïda va remplacer la police ou faire le travail qui devait être fait en amont?", se demandait un riverain lors des premiers pas de cette brigade dans le quartier. "Non, je ne pense pas." "C'est mieux que rien", avait résumé d'autres habitantes.

En mai dernier, Christian Estrosi a instauré un couvre-feu pour les moins de 13 ans dans la ville de Nice, notamment pour endiguer les tensions aux Moulins. Il est effectif jusqu'au 1er août prochain.

Des actions largement insuffisantes selon les habitants

Malgré ces actions, le quartier semble toujours gangréné par les trafics de stupéfiants. Et les riverains n'en peuvent plus. L'incendie mortel, dont la piste penche pour une origine criminelle et possiblement en lien avec le narcotrafic, a été un nouveau catalyseur.

La famille morte dans l'incendie était très connue dans le quartier, et impliquée dans sa vie locale. L'un des enfants était par exemple entraîneur de l'AS Moulins, le club de football du secteur. "Ça nous touche tous", confie un riverain à BFMTV.

"C'est notre quartier, c'est notre vie", crie une autre habitante. Tous tirent pour la énième fois la sonnette d'alarme et demande de pouvoir vivre sans crainte dans leur quartier.

Alors que Christian Estrosi s'est rendu sur les lieux du drame ce jeudi, certains habitants n'ont pas hésité à l'interpeller. Ils évoquent clairement un abandon des pouvoirs publics face à l'insécurité des trafics de stupéfiants.

"Vous ne faites rien, vous ne protégez personne. Aujourd'hui, c'est une famille, demain, c'est tout le monde", s'est exclamée une habitante avant de tourner le dos au maire de Nice sous les applaudissements de plusieurs habitants.

Beaucoup ne laissent pas leurs enfants sortir, "j’ai trop peur que demain, ce soit nous."

Le maire de Nice Christian Estrosi a promis un rassemblement "contre le narcotrafic", "pour exiger que tous les moyens soient au rendez-vous". Lui aussi, comme plusieurs autres élus locaux, ont demandé à l'État de prendre les choses en main de manière plus ferme.

Juliette Moreau Alvarez