Hautes-Alpes: les souvenirs de l'un des derniers mineurs du Briançonnais

À quasiment 92 ans, Gilbert Henri Auguste se souvient de ce pan de sa vie comme si c'était hier. Il avait 15 ans à l'automne 1949 lorsqu'il a fait ses premiers dans la mine d'anthracite "des envers", situé à l'entrée du chef-lieu de Puy-Saint-André dans le Briançonnais.
"C'était l'époque et c'était notre vie... Je travaillais dans les champs vers Cassis mais mon père tapait des pieds pour que je remonte. Je suis remonté, je me suis mis dans le noir. Ça ne me déplaisait pas. Quand vous êtes dans le trou, le temps passe vite" confie-t-il depuis son fauteuil d'un air pensif.
"On n'avait pas le temps de s'engueuler"
Muni d'une lampe à carburant et de ses outils, c'est accompagné d'Augustin ou encore de Maurice, deux autres mineurs, que leur équipe a extrait près de cinq tonnes de charbon chaque jour.
"On était six. On travaillait trois le matin et trois l'après-midi. Une semaine c'était le matin et l'autre l'après-midi. Il y en avait un à la butte avec la pioche et les deux autres à la pelle et au wagonnet pour sortir le charbon sur rail. On inversait souvent les rôles. On ne passait pas notre temps à parler. On ne s'ennuyait pas et on n'avait pas le temps de s'engueuler" explique Gilbert Henri Auguste.
De l'anthracite principalement utilisé à l'époque pour confectionner des boulets de canons et chauffer les habitations. Les mineurs le dénichaient à plusieurs centaines de mètres du sol. Le recours aux explosifs était parfois indispensable pour se frayer un chemin.
Une mine fermée en 1954
"Je ne me rappelle pas la profondeur exacte mais il faisait bien noir. On utilisait par exemple de la cheddite ou de la poudre noire. Il y en avait un qui tenait le burin et l'autre tapait avec la masse en tournant en même temps le burin", décrit Gilbert Henri Auguste.
"Cela faisait un trou rond. On le bourrait puis on allumait la mèche et on se barrait vite. On se mettait beaucoup plus loin. Il y avait un nuage noir, un gros nuage de fumée", ajoute l'ancien mineur de la mine des envers.
Ce sera cinq ans plus tard, en avril 1954, que la mine fermera officiellement ses portes, faute de demande suffisante.
"Elle avait été ouverte par mon grand-père en 1934 (...). Nous, on gagnait bien notre vie. Je ne me rappelle pas combien, c'était en francs. La tonne de charbon partait quand même aux alentours de 3.200 francs. On en produisait une dizaine par jour.... Mais à la fin, il ne se vendait plus. Quelques semaines plus tard, après la fermeture, je suis parti faire mon service militaire" conclut Gilbert Henri Auguste.