"Nous sommes traumatisés": un chien et son propriétaire blessés par deux patous au col de l'Izoard

Les photos sont difficilement regardables tant les blessures de "Wendy" sont profondes. Ce chien, un bichon de 9 mois, a frôlé la mort après une attaque de deux "patous", des chiens qui protègent un troupeau d’ovins entre le Queyras et le Briançonnais, sur un parking près du col de l'Izoard (Hautes-Alpes) jeudi 11 juillet dernier.
"Nous sommes traumatisés et jamais nous aurions cru vivre ça", témoigne Michel Gobet, le propriétaire de ce chien Bichon frisé de neuf mois, auprès de BFM DICI.
En vacances quatre jours à Montgenèvre, Michel et Régine Gobet, originaires de Juliénas dans le Beaujolais, se sont arrêtés près du col de l'Izoard. "Nous nous sommes mis sur le parking où tout le monde se gare pour prendre des photos, donc vraiment sur la voie publique", explique Michel. Dès leur sortie du véhicule, la situation a dégénérée.
"Un premier patou est arrivé et voulait donner des coups de pattes à ma chienne. Je l’ai soulevée par le collier pour qu’on puisse la prendre dans les bras. Mais un deuxième patou nous l'a arrachée des bras en tirant Wendy par les fesses. On a lâché car elle aurait été déchiquetée".
Les propriétaires envisagent de déposer plainte
Le maître s'est alors jeté au sol et a mis sa main dans la gueule du patou pour qu'il cesse de mordre son chien. Le retraité lui, a été mordu au doigt. Un médecin a évalué les blessures à trois jours d’ITT.
"Nous avons hurlé et la bergère a rappliqué. Mais personne ne surveillait ces deux patous qui étaient en totale liberté sur le parking. Ma chienne était en laisse", assure Michel.
Avant d'ajouter: "Ce qui m’agace, c’est que nous étions sur un espace public, pas dans une pâture. J’ai isolé ma chienne et par chance, des vétérinaires italiens étaient sur place et ont apporté les premiers soins à Wendy."
Michel et Régine Gobet se sont rapidement rendus chez un vétérinaire de Briançon qui a opéré le Bichon. L’animal souffre de très nombreuses blessures et les frais s’élèvent à environ 800 euros.
"J’ai eu le propriétaire des patous au téléphone pour lui dire ce que j’en pense. Là, c’est notre chien mais il y avait du monde sur ce parking. Que pourrait-il se passer si c’était un enfant de deux ans? Je pense déposer plainte dans les prochains jours", conclut le retraité, de retour chez lui dans le Beaujolais.
"Je me sens démuni",témoigne l'éleveur
Cette plainte, le propriétaire des patous la redoute. "Franchement, je suis profondément désolé pour ce monsieur et son animal. J’adore les bêtes et cela me touche. Face à cette situation, je me sens démuni", témoigne l’éleveur, originaire des Bouches-du-Rhône, auprès de BFM DICI.
"Ces deux chiens sont avec moi 8 mois sur douze et je n’ai jamais rencontré un problème. Je ne sais pas ce qui s’est produit mais ces chiens sont des remparts. Ils ont un instinct. Et quand il y a beaucoup de fréquentation en montagne, ils ont trop d’informations d’un seul coup. C’est peut-être ce qui s’est produit là-haut", ajoute-t-il.
Âgé d’une quarantaine d’années, l’homme a décidé de vivre sa passion en effectuant une reconversion. "Éleveur, c’est le métier de mes arrière-grands-parents. J’ai eu la victime au téléphone et mes salariés. Moi, je n’y étais pas alors je ne sais pas précisément comment cela s’est produit".
"Sans pastoralisme, il n’y a plus d’entretien de la montagne
Et l’éleveur de pointer du doigt une situation qu’il jugé incohérente. "La législation européenne est contre-productive et en France, nous ne pouvons rien faire. Pour se protéger du loup et être indemnisé en cas d’attaque, nous devons avoir des patous et des parcs électrifiés gardés en journée. J'ai aussi acheté des colliers GPS à mes chiens qui envoient des ondes pour les faire cesser d'aboyer quand cela n'est pas nécessaire", explique-t-il.
Le propriétaire des chiens de berger mis en cause pointe également la surfréquentation touristique de la montagne. "Depuis le Covid, ça explose, autant les randonneurs que les gens qui font du VTT électrique. Parfois, nous avons aussi des touristes qui ne connaissent pas les spécificités de la montagne et les règles à respecter. Qu’est-ce qu’on peut faire de plus ?", se demande le propriétaire des patous.
Et d’aller plus loin: "Je paye la location de la montagne et j’ai le droit légitimement de protéger mon troupeau. Mais là, je ne sais plus quoi faire car le risque existera toujours. Sans pastoralisme, il n’y a plus d’entretien de la montagne, ne l’oublions pas".
Les chiens interdits à Céüse le temps de l'estive
Si cette difficile cohabitation entre le pastoralisme et les activités en montagne à de quoi surprendre, elle n’est pour autant pas nouvelle. En octobre 2021, un éleveur de Ceillac avait été condamné à 2.500€ d’amende par le tribunal correctionnel de Gap parce que ses patous avaient mordu quatre promeneur quelques mois plus tôt.
Trois ans après, la situation ne semble pas avoir évoluée.
"Franchement, on a plus de problèmes entre des patous et des touristes que des attaques de loups depuis le début de la saison", assure une autorité locale qui suit ces difficultés de près.
Et cela ne concerne pas que le Queyras. Cet été, le maire de Manteyer (Hautes-Alpes), au-dessus de Gap, a par exemple décidé de prendre un arrêté municipal pour interdire l’accès à une partie de la montagne de Ceüse aux chiens, même tenus en laisse, le temps de l’estive.
Jusqu’au 30 septembre, il est donc impossible de se promener avec son chien aux lieux-dits "Pierre Pointue" et "Clot Badet", sur l’une des plus belles et plus touristiques montagnes du pays gapençais.