INFO BFM DICI. Liaison Vars-Risoul: nouvelles tensions entre les exploitants des deux stations, en litige devant la justice

La station de Risoul (illustration). - BFM DICI
La hache de guerre est toujours enterrée, mais le manche dépasse de nouveau. La convention qui lie les stations de Vars et Risoul pour l’exploitation de la Forêt Blanche va prochainement être examinée de près par le tribunal de commerce de Gap (Hautes-Alpes), a appris BFM DICI. L’affaire sera plaidée ce vendredi 22 novembre.
"Le tribunal va devoir, entre autres, statuer sur la demande relative à l’appréciation des modalités de calcul de la réversion fixée dans la convention liant les deux parties, et sur les demandes en paiement qui en résulte", confirme ce lundi le greffe du tribunal de commerce de Gap à notre antenne.
Alors, quelle est l'origine du litige? Un désaccord sur les conditions d’exécution de cette convention signée par la SEM-Sedev, entreprise qui gère le domaine skiable de Vars, et Labellemontagne, qui s’occupe du domaine skiable de Risoul, dans le cadre d’une délégation de service public. Avec, comme par le passé, une mésentente sur un sujet prégnant: la somme reversée par Risoul à Vars pour l’exploitation de leur liaison commune, qui permet aux skieurs de profiter des deux domaines.
"Ils reviennent sur ce qu’ils ont signé. C’est insoluble…", se désole Jean-Yves Rémy, le président de Labellemontagne. "Ils ne veulent pas une convention, mais une somme d’argent. Alors, si cette somme n’est pas atteinte, et bien ils ne seront jamais contents", pense le chef d’entreprise.
La politique tarifaire de Risoul au cœur des débats
Selon nos informations, c’est un point précis de la convention qui a poussé Dominique Laudré, le président de la SEM-Sedev, à saisir le tribunal de commerce de Gap: celui de la politique tarifaire.
La station de Risoul dispose de grandes résidences, comme "Les Mélèzes", qui proposent via des tours-opérateurs la location d’hébergements à des prix avantageux. À la montagne, c’est ce qu’on appelle des "lits-chauds". "Quand le gestionnaire remplit sa résidence, la journée-skieur est moins chère", explique une source risouline.
Au moment de calculer la réversion en fin de saison, Labellemontagne s’appuie donc sur ce prix réduit pour budgétiser ce qu’elle devra donner à Vars. La SEM-Sedev, elle, plaide pour un prix théorique, fixé à l’avance et indépendant des offres promotionnelles.
Sur la saison 2023-2024, avec son mode de calcul, Labellemontagne verserait environ 350.000 euros à Vars. Pour la SEM-Sedev, le compte n’y est pas puisque la somme versée devrait se situer entre 500.000 et 800.000 euros.
"La politique tarifaire pratiquée par Labellemontagne à Risoul ne peut pas se répercuter sur la somme qui doit revenir à la SEM-Sedev", réagit Dominique Laudré. "Monsieur Rémy a le droit de vendre au prix qu’il souhaite. Pour autant, il faut partir du principe que celui qui offre un cadeau en est responsable. Pour éviter une tension entre les deux entreprises, nous défendons l’idée que la valeur du produit offert à la clientèle d’un côté comme de l’autre doit être figée. Pour ne pas y revenir chaque année, nous sommes partis sur un prix de valeur de base de 1/6e du forfait six jours", développe le maire de Vars.
Et de conclure par un exemple: "Si ça coûte 40 euros de skier à Vars et que Labellemontagne vend son forfait à 20 euros, et bien ça doit toujours coûter 40 euros au final. Vars n’a pas à supporter la différence".
La liaison sera ouverte pour les skieurs
Dans le Guillestrois, cette nouvelle brouille entre les deux entreprises gêne aux entournures. À Vars comme à Risoul. "Ils ont signé la même convention, mais ne trouvent pas le même résultat. Ce qui est judicieux, c’est qu’ils aillent au tribunal. Ils ne sont pas d’accord donc, intelligemment, ils demandent à la justice de trancher. Est-ce qu’elle sera compétente pour le faire? À suivre. Car cette convention, c’est tellement une usine à gaz que cela semble difficile de savoir si c’est Vars ou Risoul qui a raison", décrypte une source qui suit la situation de près.
Le maire de Vars s’apprête-t-il à dénoncer ladite convention obtenue au forceps en avril 2023? Selon nos informations, il n’en n’est pas question. À cinq ans des Jeux olympiques d’hiver dans les Alpes françaises, une fermeture de la liaison entre Vars et Risoul sur fond de guerre commerciale enverrait un message destructeur dans le monde de la montagne, qui doit jouer la carte de l’unité.
Agacé par le psychodrame guillestrin il y a deux saisons, Renaud Muselier avait menacé de ne plus verser un centime de subvention en cas de blocage. Si la guerre venait de nouveau à éclater entre Vars et Risoul, c’est toute une vallée qui s’attirerait donc les foudres du président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, indispensable argentier au soutien de nombreux projets sur le territoire.
À l’automne 2022, Dominique Laudré n’avait pas hésité à dénoncer la précédente convention qui liait la SEM-Sedev à Labellemontagne pour l’exploitation de la Forêt Blanche. La liaison entre Vars et Risoul était restée fermée, plongeant les hôteliers, restaurateurs, commerçants et les skieurs dans une profonde incompréhension.
Après des mois de tractations, de portes qui claquent et de réunions houleuses, les deux parties avaient réussi à trouver un accord. Une nouvelle convention avait finalement été ratifiée en mai 2023. Un an et demi plus tard, ce bout de papier dont dépendent des centaines d’emplois dans le Guillestrois, semble sur le point de faire ressurgir quelques vieilles ratures.