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Hautes-Alpes: dans le parc des Ecrins, le glacier Blanc a enregistré un record de fonte en 2022

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Cette année, le glacier a perdu plus de trois mètres d'épaisseur. Si la situation persiste, il pourrait disparaître complètement d'ici trente ans.

C'est le plus vaste massif du Parc national des Ecrins, mais il se trouve désormais en danger. Menacé par le changement climatique, le glacier Blanc subit une fonte accélérée depuis les années 2000.

Cette année, il a même perdu un peu plus de trois mètres d'épaisseur, un record pour ce glacier de 4,5 km de long.

Les guides de haute montagne, qui côtoient ce géant au quotidien, se rendent bien compte de la différence. Julien Charron, guide et alpiniste au parc des Ecrins depuis 2015, remarque désormais qu'il doit enfiler ses crampons à une altitude plus haute qu'avant lorsqu'il gravit le massif.

"On se rend compte que ça va très, très vite, et on se sent un peu démuni. (...) En haute montagne, le réchauffement climatique nous saute vraiment à la figure, on ne peut pas l'ignorer", raconte-t-il au micro de BFM DICI.

Quatre fois par an, Julien accompagne des scientifiques de l'INRAE (l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement), qui réalisent des mesures grâce à l'implantation de balises à 21 points différents du glacier.

18 mètres en moins depuis les années 2000

Des mesures qui ont permis de déterminer que le glacier a perdu dix-huit mètres d'épaisseur entre 2000 et 2022. L'hiver dernier, le glacier est même descendu à son plus bas taux d'enneigement.

"On partait déjà avec un handicap sur l'année, sachant que la chaleur s'est installée très tôt dans le printemps, donc le glacier a perdu ce faible enneigement très vite", explique Mylène Bonnefoy, glaciologue à l'INRAE. "Il s'est retrouvé mis à nu de la glace rapidement."

Les dernières mesures indiquent que le glacier a perdu quatre fois plus de masse cette année qu'il n'en a perdu en moyenne depuis l'année 2000.

Les températures élevées sont à l'origine de cette fonte accélérée, explique Emmanuel Thibert, scientifique qui étudie le glacier Blanc depuis plus de 22 ans.

"L'ensoleillement n'a pas trop changé. Par contre, ce qui a changé, c'est à la fois la température de l'air, donc directement la quantité de chaleur amenée par l'air, qui est au contact de la neige et du glacier. Sur la période très récente, on observe que (...) ça fond un peu plus précocement au printemps, et ça fond un peu plus tard à l'automne."

Un risque pour la biodiversité

Une fonte qui a des conséquences sur les cours d'eau dans lesquels le glacier se déverse, mais aussi sur la biodiversité du massif.

"À la fois ce sont des nouveaux terrains qui s'offrent aux espèces, qu'elles peuvent coloniser", poursuit Emmanuel Thibert, "mais c'est aussi une partie de la biodiversité qui disparaît, parce que ces terrains changent très vite, et il y a des tas d'espèces qui n'ont pas le temps de s'adapter à cette évolution."

Julien Charron voit lui aussi la différence, aux endroits où la glace a disparu. Les zones jusqu'ici protégées par la glace sont désormais soumises à l'érosion.

"Quand le glacier recule, il libère de la roche où il n’y avait rien, puisqu’il y avait des mètres de glace en dessous. On se rend compte que la nature reprend très vite la place laissée vacante par la glace qui a disparu."

Si l'année 2022 aura enregistré un record de fonte pour le glacier, l'année 2003 avait également été marquante. Cette année-là, environ deux mètres d'épaisseur avaient fondu.

La dernière étude du CNRS, du CNRM et du CERFACS indique que le climat pour les trente prochaines années est déjà joué. Les trois centres de recherche estiment qu'en 2100, la température sera supérieure de 3,8°C par rapport au début du siècle.

Si tel est le cas, le glacier Blanc pourrait être amené à disparaître entièrement d'ici trente ans.

Sandrine Baccaro avec Laurène Rocheteau