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Hautes-Alpes: à Montgenèvre, les migrants contrôlés ne sont plus refoulés en Italie

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Depuis plusieurs semaines, les migrants qui souhaitent se rendre en France par le col de Montgenèvre ne sont plus refoulés en Italie par la police aux frontières. Une victoire pour les associations. La préfecture de son côté "réfute catégoriquement tout changement de docrine à la frontière".

"Ils passent tous". À deux mois du lancement des Jeux olympiques, et alors que le gouvernement multiplie les annonces pour renforcer les contrôles aux frontières, la situation à Montgenèvre, décrite par une source policière à BFM DICI peut surprendre.

Depuis plusieurs semaines, les migrants qui souhaitent se rendre en France par le col de Montgenèvre ne sont plus refoulés en Italie par la police aux frontières.

La raison? La décision du Conseil d’État du 2 février 2024 qui limite les refus d’entrée des migrants aux frontières. En annulant la partie du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui permet aux forces de l’ordre de prononcer des refus d’entrée aux étrangers arrivés de façon irrégulière, la haute juridiction entend faire respecter le droit européen de libre circulation des personnes.

Une victoire pour les associations

Pour Michel Rousseau qui préside l’association briançonnaise "Tous Migrants" et qui milite depuis 2017 pour le respect des droits de migrants, c’est une victoire. Même si des zones d’ombre sont encore à éclaircir.

"Ce changement de pratique est une grande victoire, mais ce n’est pas suffisant, car ce qui se passe dans les locaux de la Police aux frontières (PAF) reste opaque", relève-t-il.

"Le rapport de la Défenseure des droits, publié en avril, révèle toutes les illégalités des pratiques des forces de l’ordre aux frontières (…) Je rappelle que dix personnes ont ici perdu la vie en prenant des risques en montagne pour fuir les forces de l’ordre et éviter un refoulement systématique au mépris de leur droit", poursuit-il.

Michel Rousseau assure que la décision du Conseil d’État et le dernier rapport de 180 pages du défenseur des droits accessible en ligne viennent confirmer un mépris du droit en particulier à Montgenèvre et à Menton.

Interrogé par BFM DICI, un migrant a justement pu bénéficier de ce changement de "méthode" à la frontière franco-italienne. Avoir pu éviter les risques d’une traversée hasardeuse en montagne est évidemment une bonne chose. 

"J’ai fui la Guinée Conakry en 2017 pour me protéger des persécutions contre l’ethnie Peuls dont je fais partie, j’ai beaucoup souffert et j’arrive aujourd’hui à Briançon épuisé, je crois que les policiers ont eu pitié de moi et c’est sans doute pour ça qu’ils m’ont laissé passé. J’avais essayé par Vintimille, mais nous étions trop nombreux là-bas à tenter la traversée", confie-t-il.

Un "flou" qui crée un malaise dans la police

"Nous voulons un cadre juridique clair, les officiers doivent prendre des décisions qui les dépassent, ils ne savent plus ce qui est dans les clous", regrette de son côté, une source policière.

Cette dernière évoque un "flottement", au niveau national sur la question migratoire et renvoie la balle à la préfecture des Hautes-Alpes. L’inquiétude des policiers serait renforcée par l’arrivée des beaux jours dans le Briançonnais.

Prévus pour accueillir six personnes, les locaux de la police aux frontières de Montgenèvre sont jugés inadaptés pour contrôler l’identité d’un nombre important de migrants.

Contactée, la préfecture des Hautes-Alpes "réfute catégoriquement tout changement de doctrine à la frontière". " L'entrée sur le territoire français continue de répondre à des règles et exigences qui doivent être respectées par tous. Le dispositif de lutte contre l’immigration irrégulière et clandestine, en vigueur à la frontière italienne, demeure et fait l'objet de consignes d'application strictes", précise encore la préfecture.

L'autorité administrative rappelle que la mission des forces de l'ordre "reste de contrôler toutes les personnes qui entrent sur le sol national et de faire réadmettre en Italie celles qui ne justifient pas de motifs de maintien sur le territoire".

Jérémie Cazaux