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"Ce n’est pas le seul dysfonctionnement dans cet établissement": de nouveaux témoignages après les accusations de violences sexuelles à Saint-Joseph

Le lycée Saint-Joseph de Gap.

Le lycée Saint-Joseph de Gap. - Capture d'écran/Google street view

Après les récentes révélations de violences sexuelles présumées par un professeur de l’établissement privé catholique Saint-Joseph à Gap, plusieurs anciens élèves témoignent d’un climat particulier depuis plusieurs années. Ils mettent en cause les agissements d’un autre professeur, pour des faits antérieurs à 2019, et dénoncent l’inaction de l’établissement.

Plus d'un mois après les révélations de BFM DICI concernant des faits de violences sexuelles au sein de l'établissement privé catholique Saint-Joseph, la parole continue de se libérer. "Ce n’est pas le seul dysfonctionnement dans cet établissement", assure une autre ancienne élève qui témoigne anonymement auprès de BFM DICI.

"La direction ne fait pas les choses correctement", accuse-t-elle, alors qu’elle assure avoir elle-même alerté des parents d’élèves, des professeurs et la direction de l’établissement.

Un autre enseignant mis en cause

En 2019, un autre enseignant, qui exerce encore aujourd’hui dans l’établissement, a été lui aussi suspendu à titre conservatoire. Il était accusé de violences sexuelles sur ses propres enfants. Le rectorat décide de le mettre en retrait et il est alors suspendu pendant un an, le temps de l’enquête. La procédure est classée en 2020 au motif que les faits n’étaient pas suffisamment caractérisés et le professeur réintégré.

Là encore, à plusieurs reprises avant cette procédure, des élèves alertent sur les agissements de ce professeur au sein même de l’établissement: "Il faisait des remarques déplacées envers les jeunes filles, il demandait parfois à une de mes camarades de rester après le cours, il faisait très souvent des allusions sexuelles… Tout le monde le sait mais personne ne dit rien".

Certains de ses collègues assuraient même aux élèves: "Il va finir par partir avec les problèmes qu’il a".

"Ce professeur a été suspendu quand je suis arrivé", précise Michaël Leborre, le directeur de l’établissement, à BFM DICI. "Nous n’avons aucun problème avec cet enseignant aujourd’hui." Les témoignages le concernant sont antérieurs à 2019, date à laquelle le directeur actuel est arrivé.

Une plainte classée sans suite

Concernant le professeur d'histoire mis en cause aujourd'hui, Cécile* avait déjà porté plainte en avril 2022. "Je n’ai jamais eu aucune nouvelle", assure-t-elle à BFM DICI, plus de trois ans après.

Pourtant, la plainte avait été classée sans suite en décembre de la même année par le procureur alors en poste, sans que la plaignante n’en ait été informée. "Il arrive régulièrement qu’il y ait des erreurs d’adressage", nous indique une source judiciaire.

Dans la plainte que BFM DICI a pu se procurer, la plaignante dit avoir reçu des messages du professeur mis en cause pendant un voyage en Angleterre en 2018. Il lui demandait des photos dénudées en échange de "20/20 toute l’année". L’élève refuse et la discussion s’arrête.

Quelques années après les faits, Cécile décide d’en parler à deux professeurs et à un membre de la direction. "L’élève est bien venue nous voir, elle avait des captures d’écran", explique le directeur de l’établissement. Il assure avoir immédiatement signalé les faits au rectorat: "Nous avons reçu le professeur et il a été reçu par le rectorat".

"Il ne faut pas confondre éléments rapportés et preuves"

Malgré les captures d’écran, l’Éducation nationale n’a pas pris la décision de suspendre le professeur. "Les éléments recueillis ne permettaient pas de mettre en cause l’enseignant", balaie aujourd’hui l’institution, assumant la décision prise en 2021.

Cette décision est incompréhensible pour les anciens élèves et leurs parents, alors que le professeur a été suspendu à titre conservatoire cette année dès le début de l’enquête. Certains s’interrogent sur cette différence de traitement quelques années plus tôt. "Il ne faut pas confondre éléments rapportés et preuves", répond le cabinet de la communication du rectorat d'Aix-Marseille.

Quant à la direction de l’établissement, elle estime avoir fait ce qu'elle pouvait: "C’est une décision du rectorat, nous sommes obligés de l’appliquer". Dans un établissement privé catholique comme Saint-Joseph, les professeurs sont des personnels de l’Éducation nationale, le diocèse ne peut pas prendre de décision disciplinaire les concernant.

Des explications qui ne sauraient convaincre d'anciens élèves, en colère contre l'établissement. "Ils ont toujours laissé passer beaucoup de choses et rien pris au sérieux, le souci ce n’est pas juste [une personne]" s’agace une ancienne élève, désabusée des témoignages récents publiés par BFM DICI.

"On se rend compte que l’établissement était au courant, ils ne nous ont pas protégés, on n’était que des ados", s’émeut celle qui était élève de l’établissement entre 2014 et 2017.

Une convention avec l'association "Colosse aux pieds d'argile"

Une enquête pour corruption de mineurs est toujours ouverte concernant le professeur d’histoire mis en cause aujourd’hui.

Au sein de l’établissement, une cellule d'écoute a été ouverte. "On peut la réactiver si besoin et on a toujours un psychologue présent une fois par semaine", assure le directeur Michaël Leborre.

En parallèle, l’association "Colosse aux pieds d’argile", qui lutte contre les violences sexuelles et le harcèlement en milieu scolaire et sportif, intervient maintenant auprès des élèves. Une convention doit être signée entre l’établissement et l’association, pour l'année scolaire prochaine.

Loïc Guerringue