Attaques de loup: les éleveurs des Alpes-de-Haute-Provence demandent des mesures concrètes

Ils sont prêts à tout essayer pour protéger leurs troupeaux. Depuis le début de l'année, les attaques de loups se multiplient dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Plus de 400 attaques ont fait 1.200 victimes au sein des troupeaux, une augmentation de 30% par rapport à l'année dernière.
"C'est en permanence qu'on attend le matin de trouver une mauvaise surprise. Ça ne nous arrive pas quotidiennement, mais presque, en montagne", déplore Denis Esmieux, éleveur de brebis et de vaches à Dauphin, dont le troupeau a été attaqué il a deux ans.
Un loup qui "s'adapte" aux dispositifs de protection
Face à cette augmentation des attaques de loups, les éleveurs du département sont obligés de prendre toutes les dispositions pour protéger leurs troupeaux.
"Aujourd'hui, 95% des troupeaux de notre département mettent en place des mesures de protection", soit environ 600 éleveurs, explique Olivier Pascal, agriculteur et vice-président de la Chambre d'agriculture des Alpes-de-Haute-Provence, au micro de BFM DICI.
Des moyens coûteux pour s'assurer de la protection du troupeaux. Certaines mesures sont en partie financées par l'Etat et l'Union européenne, à l'instar des filets électriques autour des pâturages, ou bien la présence de chiens de berger, notamment le Patou.
Problème: ces mesures ne sont plus si efficaces. "Chaque éleveur tente des choses, parce que malheureusement, depuis maintenant quinze ou vingt ans, le loup s'adapte en permanence" à ces dispositifs, explique Olivier Pascal.
Les éleveurs font alors "du cas par cas" pour protéger leurs troupeaux: laisser une voiture à proximité, placer un tee-shirt aspergé de parfum ou même des cheveux humains autour des parcs "pour faire croire qu'il y a une présence".
Les éleveurs demandent des moyens "concrets"
La réglementation autorise les agriculteurs victimes de plusieurs attaques à se défendre avec une arme. C'est le cas de Julien Giraud, éleveur de brebis à Marcoux, dont le troupeau a été attaqué plus de trois fois en un an.
Mais cette procédure est longue à mettre en place, et se fait à plusieurs niveaux. "Un éleveur touché par une attaque pour la première fois "ne peut pas se défendre comme il veut avec une arme". D'autant plus que les attaques de loups ont généralement lieu la nuit, "c'est compliqué pour mettre un tir en place".
Malgré tout, les éleveurs sont de plus en plus nombreux à demander au gouvernement ce droit de défendre eux-mêmes leurs troupeaux. Un droit qui passe par une réévaluation de la Convention de Berne, qui classe encore le loup comme un animal protégé.
"Ce qu'on attend du ministre, c'est qu'il fasse campagne au niveau européen, pour qu'on repose sur la table cette convention de Berne, tout simplement pour le changer de statut, et faire en sorte que les éleveurs puissent se protéger", déclare Laurent Despieds, président de la FDSEA 04. "Ce qui est demandé, ce n'est pas d'éradiquer le loup, mais de mettre des moyens faciles, efficaces, concrets, pour que les éleveurs puissent protéger leurs troupeaux."
Une revendication entendue par le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, qui s'est déplacé ce vendredi pour rencontrer les différentes organisations professionnelles agricoles des Alpes-de-Haute-Provence.
"Il faut qu’on se pose la question du statut"
Si le ministre a déclaré qu'un "tir de prélèvement" pourra être autorisé par des autorités compétentes pour "essayer de détendre la pression qui est mise sur les élevages par les loups", il estime toutefois que des solutions à moyen et long terme sont davantage nécessaires.
"Il faut qu’on pose le débat de se dire à quel moment cette présence du loup, qui commence à devenir surabondante, pose des questions de pastoralisme", déclare-t-il au micro de BFM DICI, expliquant que la présence du loup représente aujourd'hui une menace pour les élevages. "Il faut qu’on se pose la question du statut et de la nature du prélèvement qu’on peut effectuer."
Sur la question du reclassement du loup par la Convention de Berne, le ministre assure que des discussions sont en cours. "L'immense majorité des pays européens" a reconnu que la population de loup représentait "une menace" sur l'économie agricole locale.
Aujourd'hui, la population de loups en France est estimée à 921 individus, contre 621 dénombrés à l'hiver dernier. Une "bonne nouvelle", selon le ministre de l'Agriculture, qui se réjouit que la population de loup aille "mieux", tant que la cohabitation avec les humaines ne met pas en péril les élevages.
"Il faut que la Commission allège un certain nombre de critères pour dire qu’on peut aller un peu plus loin pour faire en sorte de réguler les populations."
Sur un autre volet, le ministre annonce également qu'il faut accélérer "un certain nombre de processus de paiements et d'indemnisation" pour les éleveurs qui prennent à leur charge les mesures de protection des troupeaux, et qui se trouvent économiquement impactés lors d'une attaque.
Marc Fresneau veut également retravailler le statut des chiens de berger utilisés pour la protection des troupeaux. "On a des éleveurs, non contents d’être attaqués, d’avoir mis en place des mesures de protection, sont en plus attaqués en justice parce qu’ils ont des chiens qui ont pu attaquer des touristes qui se promenaient, et il faut qu’on les préserve de ça."
La question des attaques de loups ne concerne pas uniquement les Alpes-de-Haute-Provence. Le week-end dernier, 33 brebis ont été retrouvées mortes ou portées disparues dans un élevage de la vallée du Champsaur. L'une des plus grosses attaques de l'année dans les Hautes-Alpes.