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110 canons à neige supplémentaires à Serre-Chevalier: les associations de protection de l’environnement dénoncent un "non sens"

La station de Serre-Chevalier va se garnir de 110 canons à neige supplémentaire

La station de Serre-Chevalier va se garnir de 110 canons à neige supplémentaire - BFM DICI

Suite aux résultats d’une enquête publique portant sur les derniers investissements de la SCV Serre-Chevalier pour étendre son réseau de neige artificielle, l’association nationale de protection de la nature Mountain Wilderness ainsi que la SAPN FNE 05 ont décidé de rendre publiques leurs préoccupations à travers deux communiqués adressés à la préfecture des Hautes-Alpes.

Un nouveau téléski, l’installation de 110 nouveaux canons à neige sur 29 hectares dans la partie haute de la station ainsi qu’un nouveau réseau de production de neige artificielle, voilà ce qui a provoqué la colère des associations de protection de l’environnement.

Par ces investissements, la SCV Serre-Chevalier Domaine Skiable compte s’assurer d’un enneigement artificiel pour 45% des pistes de ski. L’augmentation de 15 à 20% de la consommation d’eau (environ 100 000 m3) est pointée du doigt.

Pour Bernard Patin, administrateur de la Société Alpine de Protection de la Nature dans les Hautes-Alpes, c’est une fuite en avant très dangereuse: "C’est un déni, le signe d’une incapacité à prendre en compte le changement climatique, (…) il a été décidé d’enneiger artificiellement le haut du domaine pour continuer à vendre le ski (…) la consommation d’eau de la station de Serre-Chevalier équivaut désormais à la consommation annuelle de l’ensemble des habitants de la vallée, Briançon comprise".

Un risque de pénurie pointé du doigt

Avec une consommation annuelle qui pourrait rapidement atteindre 700.000 m3, la station de Serre-Chevalier ferait peser un risque réel sur la disponibilité de la ressource.

"Les retenues collinaires vont devoir être remplies au moment des périodes d’étiage (baisse périodique du niveau d’eau dans les cours d’eau NDLR) dans la vallée de la Guisane, c’est grave et imprudent au regard des lits naturels, mais aussi pour la consommation générale", explique à BFM DICI, le référant de la SAPN.

Selon Bernard Patin, l’étude "ClimSnow" menée en partie par des ingénieurs prévisionnistes de Météo France est très claire: "L’enneigement artificiel de la station de Serre-Chevalier sera contraint, à terme, par la disponibilité de la ressource".

"Déconnecté" des réalités climatiques

En conclusion du rapport, l’association haut-alpine pointe du doigt un investissement hors de son temps: "Les conditions nouvelles provoquées par le changement climatique nécessitent l’adoption de nouvelles modalités de développement et d’aménagement de la montagne, ce que les responsables concernés semblent incapables de faire".

Alors que le chiffre d’affaires de la Compagnie des Alpes qui possède le domaine de Serre-Chevalier ne fait que progresser (+5,5% en 2024/25) atteignant 524,4 millions d’euros au premier semestre 2025, l’heure serait plutôt au changement et à la remise en question selon Thierry Gastineau, résident secondaire dans la vallée et membre de l’association Mountain Wilderness.

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"Devons-nous vraiment continuer comme ça en s’appuyant sur la technique pour se développer et comme au Qatar faire des terrains de foot réfrigérés et des ski-dôme ? Ce n'est pas ma conception de la montagne! L’enneigement artificiel en haute-altitude et la perspective des JOP d’hiver 2030 nous inquiètent beaucoup, les projets immobiliers qui fleurissent artificialisent trop la vallée", indique-t-il à BFM DICI.

"Il nous faut une vision de long terme"

"Il nous faut une vision de long terme et pas une réaction et des solutions de court terme face au réchauffement climatique", ajoute-t-il.

Adapter les pratiques de la montagne, changer les mentalités et l’économie, un pari réalisable pour Mountain Wilderness qui rappelle dans son communiqué les résultats d’une grande enquête publique menée récemment par le PETR (Pôle d’Équilibre Territorial et Rural) du Briançonnais, des Écrins, du Guillestrois et du Queyras auprès d’un panel de milliers de touristes et d’habitants.

Selon les résultats de l’étude, 54% des touristes et 65% des habitants ont déclaré vouloir modifier leurs pratiques de loisirs et touristiques au regard du changement climatique. Contactée par BFMDICI, la Direction du domaine skiable de Serre-Chevalier n’a pas souhaité réagir.

Jérémie Cazaux