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Strasbourg: 20 médecins s'inquiètent dans une tribune de la qualité de l'air dans l'Eurométropole

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Si les professionnels de santé observent une légère amélioration depuis deux ans, elle reste à leurs yeux insuffisante. Il aurait été judicieux, estiment-ils, de ne pas reporter le renforcement des conditions d'accès à la ZFE.

L'annonce a fait grand bruit. Le 18 septembre, l'Eurométropole de Strasbourg officialisait le report du renforcement de la Zone à faibles émissions (ZFE), lui qui devait bannir du périmètre les véhicules siglés Crit'air 3 à compter du 1er janvier 2025. Selon la mairie de la capitale alsacienne, l'amélioration de la qualité de l'air est notamment à l'origine de ce revirement de calendrier.

Dimanche 13 octobre, jour national de la qualité de l'air, une vingtaine de médecins a grandement remis en cause le constat de la mairie. Ces professionnels de santé ont publié une tribune sur le site de Strasbourg Respire, dans laquelle ils s'inquiètent des effets d'annonce.

L'installation de la ZFE, "promesse électorale mais aussi obligation légale, avait suscité de vifs espoirs lors de son instauration, en janvier 2022, chez celles et ceux qui estiment que la santé des générations actuelles et futures devrait l’emporter sur les intérêts économiques", rappellent les signataires. "Hélas, force est de constater que ces espoirs auront vite été déçus au fil des reculades successives de nos élus."

"Une part de manipulation"

Certes, reconnaissent les médecins, une "timide amélioration" a été observée ces deux dernières années en matière de qualité de l'air. Mais de l'avis des signataires, il s'agirait de la relativiser.

"Si les seuils européens sont effectivement respectés, cela se joue à quelques microgrammes près, et nous sommes loin des nouvelles normes européennes qui entreront en vigueur au plus tard en 2030, et encore plus loin, trop loin, des normes de l’OMS qui paraissent hors de portée actuellement", s'alarment-ils.

D'autant que selon le Dr Thomas Bourdrel, médecin radiologue à l'origine de la tribune, le lien entre ZFE et amélioration de la qualité de l'air est discutable. "On a une météo qui est très favorable à la baisse des polluants", pointe le professionnel de santé à BFM Alsace. "C'est un des principaux facteurs. On ne nie pas qu'il y a eu une amélioration du parc automobile, avec moins de circulation, à Strasbourg. Mais de là à imputer cette amélioration de la qualité de l'air uniquement à la ZFE, comme le fait la ville, c'est un mensonge compte tenu que c'est une ZFE qui n'est pas du tout contrôlée."

Des considérations politiques?

Selon le Dr Thomas Bourdrel, "on voit même des véhicules Crit'air 4 et 5, qui ne devraient pas pouvoir rouler, qui continuent à circuler". "Il y a quand même une part de manipulation de la part de l'Eurométropole", fustige l'intéressé.

Comme lui, les signataires regrettent une absence de sanctions face aux infractions aux règles de la ZFE. "La faute, d’après l’exécutif de l’Eurométropole, aux retards répétés de l’État dans la livraison des dispositifs de contrôle automatiques que celui-ci avait promis. En réalité, pareille explication ne convainc aucunement", raillent les médecins.

Face à "l’impopularité de cette mesure (la ZFE, NDLR) et de ses conséquences sur les ambitions électorales des élus de tout bord", l'exécutif est accusé de revoir ses ambitions à la baisse. "Si l’Eurométropole avait la réelle volonté de contrôler la bonne effectivité des règles régissant sa ZFE, elle pourrait en effet mobiliser sa police municipale, comme l’y autorise un décret paru en juillet 2023", peut-on lire dans la tribune.

Or la pollution de l'air constitue un enjeu majeur. D'après Santé Publique France, elle est à l'origine de quelque 40.000 morts prématurées par an. Outre la circulation automobile, elle est aussi liée au chauffage, et notamment au recours au chauffage à bois.

Florian Bouhot Journaliste BFM Régions