"Jeu de cartes" antisémite, salut nazi d'un étudiant, IEP bloqué... L'université de Strasbourg secouée par les tensions

"Aujourd'hui on est dans un climat où on peut être antisémite ouvertement", regrette Nicole Milman, présidente de l'Union des étudiants juifs de France. À l'université de Strasbourg, les tensions et les polémiques s'accumulent ces dernières semaines entre les étudiants.
Un "jeu de cartes" antisémite
La dernière en date: la diffusion sur les réseaux sociaux d'un "jeu de cartes" au contenu antisémite. Le collectif de juifs de gauche Golem a accusé des membres de section strasbourgeoise du syndicat étudiant de droite UNI de l'avoir confectionné.
Le président de l'Université (Unistra) a annoncé mardi 11 février faire un signalement au titre de l'article 40 du Code pénal auprès du procureur de la république, tout comme les deux députés du Bas-Rhin, l'Insoumis Emmanuel Fernandes et l'Écologiste Sandra Regol.
"Ce n'est pas normal que dans notre pays de tels actes antisémites puissent avoir lieu" a dénoncé cette dernière auprès de BFM Alsace.
En parallèle de ces signalements, l'Unistra a ouvert une enquête administrative. De son côté, l'UNI a rejeté mardi 11 février toute responsabilité de sa branche strasbourgeoise dans l'élaboration de ces "cartes", dénonçant une "fake news". Il a affirmé son souhait de déposer deux plaintes, dont l'une pour diffamation.
Ce jeudi, le syndicat de droite est allé plus loin en annonçant suspendre ses membres de l'université de Strasbourg "en attendant les résultats de l’enquête".
Une autre enquête administrative après un salut Nazi
Le même syndicat est au cœur d'une seconde polémique. Un étudiant, accusé d'être un militant du groupe, a été filmé en train d'effectuer un salut nazi, avant de dire un slogan nazi. L'auteur de la vidéo a indiqué auprès d'Actu Strasbourg qu'elle a été réalisée en octobre 2023.
"Elle a été tournée dans une pièce fermée avec un ami, car ma tenue et les talonnettes de mes mocassins faisaient penser à la Gestapo. Elle était à titre 'humoristique' bien que ceci soit très critiquable je vous l’accorde", a-t-il justifié, indiquant "regretter son geste".
Elle a fait l'objet d'un nouveau signalement de l'université de Strasbourg au titre de l'article 40 au Code pénal et de l'ouverture d'une autre enquête administrative.
De vives tensions depuis le 7 octobre
Ces polémiques s'inscrivent dans un contexte de tensions plus généralisé à l'université de Strasbourg depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. En février 2024, trois personnes juives, dont deux étudiants, ont été victimes d'une agression antisémite sur le campus.
Un acte "d'une violence qu'on n'a jamais connue ici", déplorait alors le président de l'université Michel Deneken, qui dénonçait aussi des "tags" et des "slogans limites parfois par rapport à Israël".
Un partenariat controversé à Sciences Po Strasbourg
Des tensions qui se retrouvent aussi du côté de l'Institut d'études politiques, intégré au sein de l'université de la capitale alsacienne. Les étudiants du Comité Palestine Sciences Po ont organisé cinq jours de blocage de l'établissement la dernière semaine de janvier pour dénoncer le renouvellement du partenariat liant le campus à l'université Reichman de Herzliya en Israël, suspendu en juin dans le contexte du conflit à Gaza. Ils déplorent la position "pro-guerre" de l'établissement et ses liens avec l'armée israélienne.
Les forces de l'ordre sont intervenues pour déloger les étudiants et l'un d'entre eux a été blessé au visage. Des incidents qui ont mené le directeur Jean-Philippe Heurtin à prendre la décision de fermer l'établissement pendant la première semaine de février.
Après cinq jours de fermeture, l'établissement a rouvert "en mode dégradé" ce lundi 10 février. De nouveaux échanges ont été entrepris entre la direction de l'école et les étudiants du Comité Palestine. Dans un entretien accordé au Parisien, Jean-Philippe Heurtin a reconnu un "niveau de tension inégalé" dans son établissement.
"Nous faisons face à un mur"
La situation semble loin d'être apaisée ce jeudi 13 février. Dans un communiqué, "l'AG des étudiants mobilisés de Sciences Po Strasbourg" a évoqué le rendez-vous avec la direction concernant le partenariat avec l'université Reichman. Les étudiants dénoncent le refus de la direction de soumettre au vote des étudiants et professeurs le maintien du partenariat.
"Nous avons dialogué, nous avons discuté, nous avons proposé et contre-proposé, mais nous faisons face à un mur qui ne veut ni négocier ni laisser une place légitime aux étudiant-es. Nous appelons la direction à accepter les négociations et surtout l’organisation d’un vote. Et nous rappelons à la direction/au directeur ses propres mots: “Si je deviens le problème, je n’hésiterai pas un instant à démissionner", indique le communiqué.
L'avenir de la mobilisation des étudiants sera discuté lors d'une assemblée générale ce vendredi en fin de matinée.