Deux villages lorrains réclament des terres données en 1871 à l'Alsace annexée

Les habitants les appellent: "nos forêts perdues". Sur le bord d'un petit chemin forestier vosgien, un tracé symbolisé par deux petites bornes en pierre, vieux de plus de 150 ans, fait encore débat aujourd'hui.
"Il y a le D de Deutschland, à l'époque c'était la partie allemande et [en face] la partie restée française", explique de gauche à droite Denis Henry, maire de Raon-sur-Plaine, dans les Vosges, devant ces bornes en pierre.
Ces bois à la frontière entre Alsace, Meurthe-et-Moselle et Vosges étaient stratégiques pour l’Allemagne et ont été rattachés à l’Alsace alors annexée.

Dans ce coin du massif vosgien, aux confins de la Lorraine et de l'Alsace, une partie de l'histoire locale est restée figée en 1871, dans un article jamais modifié du Traité de Francfort, mettant fin à la guerre franco-allemande de 1870-1871.
"Une injustice qui touche notre histoire locale"
Pour les exilés lorrains, ces 2.000 hectares de forêt auraient dû retrouver leurs frontières initiales, en Lorraine. "Je suis dans l'état d'esprit de réparer une injustice qui touche notre histoire locale qui était, et est toujours, très mal ressentie par nos habitants", confie Étienne Meire, maire de Raon-lès-Leau, en Meurthe-et-Moselle.
Selon ce dernier, le traité de Versailles aurait dû acter la rétrocession de ces terrains après la Première Guerre mondiale, pour un retour en territoire lorrain.
"Je veux assurer l'avenir budgétaire de nos deux communes", ajoute également l'élu.
Car pour ces deux petites communes de 40 et 150 habitants, le retour des forêts et les retombées fiscales attenantes leur apporteraient, en effet, une bouffée d'oxygène. "Il nous faudrait un petit commerce, des structures, que l'on n'a pas parce que l'on n'a pas les moyens", assure l'élu.
Mi-novembre, les deux maires lorrains ont demandé l'organisation d’une enquête publique aux préfectures des Vosges, de la Meurthe-et-Moselle et du Bas-Rhin.
"Nous admettrions que le sol ne nous soit pas rendu, mais seulement si l'État nous indemnise annuellement du montant de la taxe foncière sur le non-bâtis que perçoit la commune de Grandfontaine", réclame Étienne Meire, maire de Raon-lès-Leau.
"150 ans après, je trouve que c'est un peu gros"
Pour le maire de Grandfontaine, en Alsace, "revenir sur le passé comme ça, 150 ans après, je trouve que c'est un peu gros". La commune, dont le bourg est situé de l'autre côté du col du Donon, avait été annexée en 1871. Elle est redevenue française après 1918 et la défaite allemande lors du premier conflit mondial.
"Si maintenant les deux Raon obtenaient une compensation financière, comme toutes les limites ont été bougées, peut-être que toutes les communes diraient 'ça fait jurisprudence'", estime Philippe Remy, maire de Grandfontaine (Bas-Rhin).
Pour ce dernier, d'autres communes situées sur le tracé de l'ancienne frontière, de la Moselle au Territoire de Belfort, sont dans la même situation et pourraient donc exiger de semblables restitutions. Pour l’heure, les préfectures n’ont pas donné suite aux sollicitations des différentes communes.