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Alsace: des lâchers de grands hamsters pour compenser l'impact environnemental d'une autoroute

Un grand hamster d'Alsace. (Photo d'illustration)

Un grand hamster d'Alsace. (Photo d'illustration) - AFP - Patrick Hertzog

Vinci Autoroutes s'est engagé dans un programme de réintroduction du grand hamster, espèce emblématique à l'habitat menacé. Les lâchers vont se faire près de la nouvelle autoroute A355.

Un engagement pour la bonne cause. Vinci Autoroutes a décidé de réintroduire des grands hamsters d'Alsace, espèce emblématique à l'habitat menacé par l'activité humaine, dans des espaces protégés du Bas-Rhin.

Leur objectif? Compenser l'impact environnemental controversé de la nouvelle autoroute A355, aussi connue sous le nom du Grand Contournement Ouest (GCO) de Strasbourg.

"Notre opération a pour objectif de renforcer les populations existantes", confirme Arnaud Guillemain, le responsable environnement de Vinci Autoroutes.

800 spécimens réintroduits depuis 2017

Les lâchers se feront à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau de l'A355. Cette double-voie à péage de 24 km est destinée à désengorger la capitale alsacienne, inaugurée en décembre dernier après plus de 40 années de controverses et d'oppositions locales. Elle est le premier projet d'infrastructure née avec une obligation légale de compenser la perte de biodiversité depuis une loi de 2016.

Vinci a également construit des passages enterrés ou surélevés pour que la faune, dont le grand hamster, puisse franchir l'autoroute.

"Ayant construit (l'autoroute) sur des parcelles agricoles, notamment avec des champs de blé qui sont l'habitat du grand hamster, nous avons compensé sur d'autres parcelles de blé", résume le responsable environnement de Vinci Autoroutes Arnaud Guillemain.

Ce mécanisme de réinsertion initié en 2017 lors du début des travaux a déjà permis la réintroduction de 800 spécimens.

Le grand hamster, bon indicateur agricole

Le premier groupe de concessions autoroutières de France s'est ainsi lié à "des dizaines d'agriculteurs" qui se sont engagés dans un premier temps à ne pas cultiver de maïs pendant 10 ans, car cette culture pousse les femelles au cannibalisme.

Les agriculteurs vont plutôt se focaliser sur le blé ou la luzerne sur pied, favorables au "Kornferkel", le nom du grand hamster en alsacien, littéralement "petit cochon des céréales".

Espèce "parapluie" ou "sentinelle", "le hamster est un bon indicateur de la viabilité d'un système agricole", indique Timothée Gérard, 25 ans, dont la thèse en biologie, réalisée avec le CNRS et l'Université de Strasbourg, est financée par Vinci Autoroutes.

"Les traitements actuels des champs", liés à l'agriculture conventionnelle, font qu'il y a "une diminution de la qualité des sols assez importante, avec des communautés d'insectes qui disparaissent".

"Un renouveau de la biodiversité"

Aussi connu comme "hamster d'Europe", l'animal est classé en "danger critique d'extinction" par l'Union internationale pour la conservation de la nature.

"Le hamster n'a pas attendu l'autoroute pour disparaître ! C'est la monoculture de maïs et les pesticides qui nous ont foutu tout en l'air", s'agace Jean-Paul Burget. L'emblématique président de SFS, qui avait fait condamner la France par la Cour européenne de justice en 2011 parce qu'elle n'en faisait pas assez pour protéger l'animal, estime que les mesures de compensation du GCO permettent in fine "un renouveau de la biodiversité".

Environ 60 grands hamsters doivent être réintroduits ce mercredi. Un terrier d'environ 80 cm de profondeur a été creusé au préalable, immédiatement recouvert de paille agglomérée.

"Le but, c'est qu'ils ressortent le soir venu lorsqu'il y aura moins de risques d'attaques de rapaces", dit Célia Schappeller, soigneuse au sein de l'association Sauvegarde Faune Sauvage (SFS), qui a élevé les individus en captivité en vue de ce grand jour.

Une clôture électrique est également présente pour éviter les prédateurs terrestres: renards, blaireaux ou même chats.

Sur trois hectares, l'opération se répète selon un plan méthodique pour éviter la consanguinité dans les terriers et en respectant une alternance mâle-femelle pour susciter les rencontres fécondes.

Des opérations de lâchers insuffisantes?

Pourtant, Timothée Gérard admet la "faible capacité de dispersion" de l'animal, quelques centaines de mètres seulement, "contrairement à la cigogne", un succès de réintroduction en Alsace.

"Ces opérations de lâchers ne permettent pas de reconstituer un noyau de population suffisant", regrette Stéphane Giraud, directeur de l'association Alsace Nature qui dénonce "une opération de communication anachronique", et "des résultats au comptage qui ne sont pas au rendez-vous".

En Alsace, 488 terriers avaient été recensés en 2021 par l'Office français de la biodiversité, il en faudrait trois fois plus pour que l'espèce survive selon le plan national d'action.

"Quelque chose ne va pas dans la méthodologie de réintroduction, alors que l'espèce est protégée depuis 1993", ajoute Stéphane Giraud qui plaide pour des micro-parcelles et une révision des aménagements.

En janvier dernier, un avis de l'Autorité environnementale avait étrillé l'impact d'étude environnemental du GCO présentée par Vinci.

S.B.-E. avec AFP