"Personne ne faisait rien": la mère de Lucas, mort aux urgences de Hyères, témoigne

Dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre, Lucas, 25 ans, est mort des suites d'une infection méningocoque aux urgences de l'hôpital de Hyères (Var). Trois mois après, sa mère, Corinne Godefroy, ne décolère pas. "On ne sait pas quelle aurait pu être l'issue de ce qu'il s'est passé, mais le problème est qu'il n'a pas été pris en charge", regrette-t-elle auprès de BFMTV samedi 13 janvier.
"Il est arrivé malade à l'hôpital. Il a été laissé sur un brancard, n'a pas été pris en compte et a été classé léger dès le départ. Le tri n'a été, à mon avis, pas bien fait. Malgré ses plaintes, sa douleur, ses malaises, sa difficulté à respirer, ses lèvres bleues, son cœur qui battait très vite, personne ne s'en est occupé dans les urgences de Hyères", affirme-t-elle.
"On ne pouvait pas rentrer dans les urgences. On n'a jamais pu voir notre fils vivant. On pouvait échanger par textos", se souvient-elle. Lucas lui racontait qu'il se plaignait à tout le monde, qu'il disait ne pas réussir à respirer, mais que "personne ne faisait rien", avance-t-elle.
"Il est entré à 15h50 à l'hôpital et a vu le médecin à 20h, une minute, quelques secondes. Le médecin l'a ausculté rapidement, lui a posé deux questions et lui a dit d'attendre le résultat de la prise de sang. Elle a été effectuée à 18h20 mais n'est arrivée au laboratoire qu'à 20h25", poursuit-elle.
À 21h30, son fils fait un malaise: c'est son voisin de brancard qui a alerté le personnel. "Les infirmières passaient devant lui sans rien faire", assure Corinne Godefroy. Après avoir été placé en salle de déchoquage puis transporté en salle de réanimation, son état s'est dégradé à grande vitesse. Il est mort à 2h du matin.
"Est-ce que ça retire de l'humanité?"
Corinne Godefroy dit sa reconnaissance au voisin de brancard de Lucas, qui, sans les connaître, "a écrit six lettres recommandées, dont une au ministre de la Santé, pour décrire l'horreur de ce qu'il a vu dans ces urgences et dire qu'il attendait des réponses". Du même âge que son fils, il s'est dit "extrêmement choqué" ce qu'il s'est passé.
Du côté de l'hôpital, on lui a répondu que son personnel "était débordé, en surtension, qu'il n'y avait pas de médecin, de matériel ou de budget". "Il a mis ça sur le compte de la situation. C'est certainement vrai, si Lucas est resté dix heures sur un brancard, c'est qu'il n'y avait pas de box, il n'y avait pas de scope non plus et les employés cherchaient de l'adrénaline partout. Il existait peut-être une désorganisation, mais des gens l'ont vu et prenaient régulièrement ses constantes. Personne ne s'est alertée", poursuit-elle, avant de s'interroger:
"Je pense que la situation des soignants est difficile, mais est-ce que ça retire de l'humanité? Le fait qu'ils oublient de soigner des gens? Il n'y a plus rien d'urgent dans les urgences. Ca ne veut plus dire ça aujourd'hui."
Corinne Godefroy aimerait que ce genre de situation n'existe plus. "Lucas n'avait aucune raison de mourir, il était à l'endroit où on devait le prendre en charge, le soigner, s'occuper de lui... Faire au moins tout ce qui était possible pour le sauver, même si le sauver n'était peut-être pas possible", souligne-t-elle. Après la mort de son fils, elle a reçu "beaucoup de témoignages" partout en France, ce qui prouve que "c'est quelque chose qui arrive assez souvent". Au-delà de sa plainte, elle espère désormais qu'il y ait à l'hôpital "une prise en compte beaucoup plus rapide du changement nécessaire pour que ça n'arrive plus".