Tech&Co
Twitter

TOUT COMPRENDRE - Pourquoi l'Europe s'attaque au manque de modération de Twitter?

placeholder video
La Commission européenne a ouvert une enquête contre Twitter (rebaptisé X). Elle cible la diffusion présumée de "fausses informations", de "contenus violents et à caractère terroriste" ou encore de "discours de haine".

Twitter est désormais dans le collimateur de l'Europe. La Commission européenne a ouvert une enquête contre le réseau social (désormais rebaptisé X) ce jeudi 12 octobre. Cela fait suite à une lettre de Thierry Breton envoyée deux jours plus tôt à Elon Musk. Le commissaire européen y invitait le propriétaire de la plate-forme à agir face à la prolifération des publications illicites, qui ont suivi les attaques du Hamas en Israël.

• Qu'est-ce que l'Europe reproche à Twitter?

L'enquête ouverte par la Commission européenne vise la diffusion présumée sur Twitter de "fausses informations", "contenus violents et à caractère terroriste" ou "discours de haine". Depuis qu’Israël a été ciblé par le Hamas, une vague de messages jugés illicites par l'Europe ont été constatés.

Le contenu observé sur le réseau social n'est pas en adéquation avec les nouvelles règles européennes sur les services numériques: le Digital Services Act (DSA). Ce texte, introduit fin août, impose une modération des contenus aux plates-formes, les obligeant à retirer des publications après signalement.

• Que trouve-t-on sur Twitter?

Parmi les propos auxquels les utilisateurs du réseau social ont pu être confrontés, de nombreux messages de haine ont été pointés du doigt. Mais le plus souvent, des vidéos sont détournées. Il est ainsi possible de voir des images issues de jeux vidéo présentées comme des images réelles, ou encore des clips datés présentés comme actuels.

Quant aux vidéos véridiques, il s'agit bien souvent d'images choquantes, notamment celle montrant une femme présentée comme Shani Louk, une germano-israélienne, à l'arrière d'un camion, en partie dévêtue.

Surtout, une vérification de Tech&Co a pu montrer que la majorité des contenus visés proviennent de comptes payants: des utilisateurs abonnés ayant souscrit à un abonnement pour bénéficier d'un badge bleu (autrefois gage de sérieux) ainsi que d'une meilleure visibilité dans l'algorithme de Twitter.

• Pourquoi Twitter ne modère pas les contenus ciblés?

Du point de vue de la loi européenne, une telle vague de publications doit engendrer une modération. Mais depuis la reprise de l'entreprise par Elon Musk, les équipes dédiées à cette tâche ont été détruites, pour ne pas dire dissoutes.

À la suite d'un remaniement violent de l'entreprise, l'entrepreneur a fortement réduit les effectifs de Twitter. Quatre personnes sur cinq ont perdu leur emploi au sein du réseau social. Contre 8.000 lors du rachat, les salariés de Twitter n'étaient pas plus de 1.500 en avril 2023, soit six mois plus tard. Ce qui a engendré bon nombre de contentieux judiciaires.

• Comment réagit Elon Musk?

Face à la lettre de Thierry Breton, le milliardaire a d'abord demandé une liste explicite des reproches faits à la plateforme. "Nous prenons nos décisions au grand jour", a-t-il ainsi écrit sur Twitter, mercredi 11 octobre.

La veille, Elon Musk avait assumé la diffusion sur sa plate-forme d'images choquantes des attentats perpétrés par le Hamas. "Dans ces situations, X estime que, bien que cela soit difficile, il est dans l'intérêt public de comprendre ce qu'il se passe en temps réel", précisait une publication d'un compte affilié au réseau social.

• Que risque Twitter?

En cas de manquement au règlement européen, le DSA prévoit de lourdes amendes. Les sanctions financières peuvent s'élever à 6% du chiffre d'affaires mondial d'une plate-forme. Pour Twitter, cela représente donc environ 240 millions de dollars, d'après les résultats financiers de l'entreprise en 2022.

Mais une sanction encore plus lourde peut être prononcée en cas de récidive. Un blocage pur et simple d'accès depuis le territoire européen. Cette menace a d'ailleurs été brandie par Jean-Noël Barrot, le ministre délégué chargé du Numérique, mardi 10 octobre, peu de temps après l'envoi de la lettre de Thierry Breton.

• D'autres plates-formes concernées?

Au-delà de Twitter, l'émergence des publications illicites a été constatée sur plusieurs plates-formes. Une famille a d'ailleurs découvert sur Facebook que sa grand-mère a été assassinée. Après avoir prévenu Twitter, Thierry Breton a ainsi mis en garde Meta, le groupe propriétaire de Facebook, Instagram et Whatsapp dans une nouvelle lettre, publiée cette fois sur Bluesky mercredi 11 octobre.

Plus récemment, un nouvel avertissement a été émis à l'encontre de Tiktok. Le réseau social a, lui aussi, reçu une lettre de Thierry Breton jeudi 12 octobre. Le courrier pointe la jeunesse du public qui consulte l'application chinoise et invite à le protéger des contenus violents.

Pierre Monnier