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"Un deuxième cerveau": comment ChatGPT est devenu incontournable pour la jeune génération

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Deux ans après le lancement de ChatGPT, l'outil d'intelligence artificielle est entré dans les habitudes de la nouvelle génération. Sans lui faire pleinement confiance, la Gen Z utilise aussi bien ChatGPT dans la sphère privée que dans le monde professionnel.

Deux ans après le lancement de ChatGPT, la notion d'intelligence artificielle est sur toutes les lèvres. Le 30 novembre 2022, le grand public découvre alors cet outil conversationnel génératif capable de répondre à des questions simples, de passer l'épreuve du bac de philosophie, de réussir l'examen américain de médecine ou de générer des poèmes.

Si certains s'inquiètent de ce robot, l'engouement est immédiat. ChatGPT atteint le million d’utilisateurs en cinq jours et caracole à 100 millions en deux mois. Depuis, l'outil d'OpenAI compte plus de 200 millions d'utilisateurs actifs chaque semaine. Parmi eux, des patrons, des informaticiens, des étudiants et surtout, la Gen Z, ces personnes nées après 1995.

Triche, fiches de révision et présentations

En effet, plus de 70% des 18-24 ans utilisent les IA génératives, selon le sondage Ifop-Talan sur les Français et l'IA générative d'avril 2024. Un chiffre qui descend à 22% pour les plus de 35 ans. Et, d'après une étude réalisée auprès des 18-21 ans par l’agence publicitaire Heaven (Hopscotch), 45% des jeunes français utilisent des outils d'IA pour réviser leurs cours. Et sans surprise, trois quarts des sondés indiquent utiliser ChatGPT.

C'est le cas de Tom, 19 ans. "C'est encore assez mal vu", admet l'étudiant en langues.

"Certains étudiants ou professeurs y voient de la triche. Et c'est vrai que certains l'utilisent pour tout rédiger ou pour des examens. Mais il ne faut pas diaboliser son utilisation. Tout dépend de comment on s'en sert", note-t-il.

Devenu utilisateur il y a un an, il consulte ChatGPT au moins une fois par semaine depuis, notamment pour écrire ses fiches de révision. "Pour certains devoirs, ça change la vie", s'exclame Lucas, 20 ans. "Si je dois faire une présentation, avec Google, je dois faire des recherches, cliquer sur des liens, traduire... Alors qu'avec ChatGPT, j'ai toutes les informations centralisées sur une seule page", insiste l'étudiant.

Sophie, assistante de production, a découvert l'outil en décembre 2023, alors qu'elle devait rédiger son mémoire. "Je fais beaucoup de reformulation pour des mails ou des lettres de motivation", liste-t-elle. "Mais pour mon mémoire, il m'a fait gagner énormément de temps de réflexion. Par exemple, il m'a trouvé un plan et des pistes d'idées que je n'aurais pas trouvés seule."

Louison, elle, l'utilise principalement pour l'aider dans la compréhension des cours. "J'ai commencé à m'en servir il y a un an", se remémore l'étudiante à l'Université Paris Dauphine, également en alternance chez Canal+.

"Quand j'ai des recherches un peu pointues ou si je ne comprends pas un cours, je lui demande de m'expliquer à nouveau certaines parties."

"ChatGPT, c'est comme un deuxième cerveau"

Mais l'ingénieure média dans le groupe d'audiovisuel français reste prudente. "J'évite de l'utiliser dans le cadre du travail car il peut stocker toutes les informations qu'on lui fournit. C'est le risque de divulguer malgré soi des informations confidentielles à une autre entreprise", relève-t-elle, méfiante. Ce fut par exemple le cas en 2023, lorsque trois employés de Samsung ont utilisé ChatGPT pour corriger des erreurs dans leur code source divulguant ainsi des informations confidentielles.

Une préoccupation bien identifiée par Marc-Adrien, 23 ans, qui s'assure de n'utiliser aucune donnée confidentielle lorsqu'il s'adresse à ChatGPT. Pour autant, pas question de se passer de l'outil.

"ChatGPT, c'est comme un compagnon ou un deuxième cerveau", lance-t-il. Structuration d'articles, reformulation de phrases, récolter des informations sur un secteur... les usages professionnels sont multiples. "Il est très rapide donc c'est assez simple", poursuit Marc-Adrien, qui l'utilise désormais au moins trois fois par semaine. "Par exemple, je peux discuter avec lui et brainstormer pour trouver des noms de logos ou des visuels si je suis seul sur un projet."

"Une fois que tu commences à l'utiliser, ça devient vite un réflexe", complète Marion, 23 ans. "Pour traduire des documents ou corriger des fautes, ça a vraiment remplacé Google Traduction ou Scribens."

Des gains de productivité au travail

De son côté, Olivia utilise l'outil d'OpenAI depuis qu'elle est entrée dans le monde du travail, en juillet 2023. Désormais, elle le sollicite presque tous les jours. "Je n'y reste pas forcément longtemps", tempère l'analyste en capital-investissement. "Mais je lui pose un millier de questions. En général, je m'en sers pour les tâches chronophages et fastidieuses, où je sais que je ne vais pas apporter de valeur ajoutée."

En effet, une étude du cabinet de conseil BCG de septembre 2023 montre que les consultants réalisaient des gains de productivité en utilisant l'IA pour des tâches classiques, comme écrire un communiqué de presse.

"Dans certains cas, je gagne plusieurs heures de travail grâce à ChatGPT", observe-t-elle. "Il peut me fournir la réponse en quelques secondes. C'est un réel gain de temps."

Mais ChatGPT ne reste pas cantonné au monde professionnel ou académique. Un itinéraire de voyage, créations de fanfictions autour de ses personnages préférés, ou même conseiller cinématographique pour choisir le film du soir... "Parfois, je l'utilise pour faire les menus de la semaine", ajoute Marc-Adrien. "Moi, c'est plutôt pour me créer des séances d'entraînement", indique Olivia.

"Quand on a la flemme, c'est vraiment utile", souligne Clara, 24 ans. "Par exemple pour rédiger des mails formels ou corriger un texte important." Quitte à parfois créer des situations cocasses. "Mon responsable pédagogique a demandé à ChatGPT d'écrire son discours, et il s'en est vanté sur scène", glousse celle qui vient d'être diplômée d'informatique.

ChatGPT, plus pratique que Google?

"C'est comme un nouveau moteur de recherche, mais plus perfectionné", analyse de son côté Lucas. Pour Clément, un chimiste de 23 ans, ChatGPT vient en complément de Google. "Je ne leur soumets pas les mêmes requêtes", précise celui qui utilise l'outil quasiment tous les jours. "Quand c'est une recherche simple que je peux taper grâce à des mots-clés, par exemple sur les bienfaits du Curcuma ou pour trouver une date, je vais sur Google."

"Mais quand j'ai un problème plus complexe, qui nécessite du contexte, je me tourne habituellement vers ChatGPT", détaille le jeune homme. "Il me fournit des réponses plus complètes donc c'est plus pratique que Google."

En effet, contrairement aux moteurs de recherche traditionnels qui fournissent une liste de liens, les IA génèrent des réponses détaillées, instantanées et sous la forme de conversations. De quoi permettre aux utilisateurs de recevoir des réponses pertinentes sans nécessairement cliquer sur des liens et donc, de gagner du temps. "Et puis si ce n'est pas clair, je peux toujours demander à ChatGPT de repréciser sa réponse, ce qui n'est pas possible avec Google", conclut Lucas.

Et OpenAI devrait aller encore plus loin dans ce sens. L'entreprise a dévoilé en juillet dernier son propre moteur de recherche, baptisé SearchGPT. Pour le moment, l'outil est disponible auprès d'une poignée de testeurs. Les premiers retours ne sont guère encourageants.

"Pour chercher des idées ou des concepts, je préfère ChatGPT. Mais pour les informations très factuelles, Google est meilleur", confirme Sophie.

"ChatGPT n'arrive pas à reconnaître quand il a tort", s'offusque l'assistante de production. "S'il ne sait pas, il préfère te donner de fausses informations plutôt que d'avouer qu'il ne sait pas."

Une confiance limitée

Car quel que soit le niveau d'enthousiasme, tous les étudiants et professionnels interrogés sont unanimes: l'outil n'est pas infaillible. "Je demande toujours à ChatGPT de me mettre les sources pour m'assurer que ce qu'il dit est vrai", assure Louison. Une précaution que n'avait pas prise Clément.

"La première fois que j'ai utilisé ChatGPT, c'était pour un QCM d'électrochimie à la fac. 100% de ses réponses étaient fausses", se souvient le chimiste.

Heureusement, le test n'était pas noté. Mais l'événement à échaudé le jeune homme. "Depuis, je ne lui fais pas confiance pour les tâches importantes. Je vérifie tout avec des sources ou mes propres connaissances. Ca prend un peu de temps, mais ça reste toujours plus rapide que de tout faire seul."

"J'essaye toujours d'être polie avec ChatGPT", avoue de son côté Sophie. "Il te répond comme une vraie personne. Donc j'ai énormément de mal à ne pas lui dire bonjour ou répondre à son 'ca va?'. Je mets autant de formules de politesse que pour un humain."

"Je lui dis bonjour, merci... On ne sait jamais, si l'IA prend le contrôle, je veux être du bon côté", plaisante Marion. "Et puis, il est plus performant quand on le complimente", sourit-elle. En effet, selon un rapport de novembre 2023 des chercheurs de Microsoft, de l'Université normale de Pékin et de l'Académie chinoise des sciences, les modèles d'IA générative sont plus performants lorsqu'ils sont sollicités poliment.

Salomé Ferraris