TOUT COMPRENDRE - Ce que le rachat d'Activision Blizzard par Microsoft va changer pour le jeu vidéo

C'est une acquisition qui aura été scrutée à la hauteur de son ampleur. Plus d'un an et demi plus tard, Microsoft va finalement concrétiser son achat du groupe Activision Blizzard King, signant un deal sans précédent dans le secteur.
Ce vendredi 13 octobre, la Competition & Markets Authority (CMA) a finalement donné son feu vert à l'acquisition. Le régulateur britannique était le dernier grain de sable qui empêchait le géant de l'informatique de finaliser l'opération.
De par son montant record, par l'ampleur des entreprises qui sont en jeu, mais également des mouvements mis en marche lors des négociations, il s'agit du plus gros rachat, de tous les temps, dans le secteur du jeu vidéo. En achetant ce groupe, Microsoft devient le troisième plus gros acteur du jeu vidéo au monde, après le groupe chinois Tencent et le groupe japonais Sony.
• Que représente le groupe Activision Blizzard King?
Le groupe Activision Blizzard King est le résultat de la fusion de trois acteurs de poids du jeu vidéo. Le groupe Activision détient par exemple la licence de jeux de guerre Call of Duty, dont les épisodes se sont vendus, depuis le premier opus, paru en 2003, à plus de 400 millions d'exemplaires dans le monde.
Le groupe Blizzard, de son côté, est à l'origine de la franchise Warcraft, qui compte, en plus de jeux de stratégie en temps réel, l'un des plus populaires jeux en ligne World of Warcraft, avec encore aujourd'hui plus de dix millions de joueurs. Blizzard détient également la série culte Diablo, dont le quatrième volet est sorti début juin.
Enfin, le groupe britannique King, spécialiste des jeux mobiles détient le jeu mobile Candy Crush, qui a passé le palier des 20 milliards de dollars générés en septembre dernier. Le jeu a notamment rendu très populaire le format "freemium": le jeu est gratuit, mais les joueurs peuvent payer pour avancer plus rapidement ou pour acquérir des boosters, par exemple.
• Pourquoi Microsoft veut-il acquérir ce groupe?
C'est en janvier 2022 que le groupe Microsoft a officialisé son offre de rachat du groupe pour une somme totale de 68,7 milliards de dollars, soit la valorisation du groupe Activision Blizzard King au moment de l'annonce du rachat. Une manière pour l'entreprise d'appuyer sa volonté de peser dans le secteur vidéoludique, elle qui s'y distingue déjà avec ses consoles Xbox.
Microsoft avait également acquis, en 2020, l'entreprise ZeniMax, maison-mère de l'éditeur de jeu vidéo Bethesda Softworks, notamment connu pour ses licences The Elder Scrolls et Fallout, et plus récemment pour le jeu de rôle spatial Starfield.
En creux, c'est probablement le secteur très lucratif du jeu mobile qui intéresse le plus Microsoft. D'abord avec la franchise Candy Crush mais aussi avec toutes les opportunités de jeux mobiles qu'offre le portefeuille Activision. C'est bien là que Microsoft espère générer le plus de revenus.
• Pourquoi le rachat a-t-il pris plus d'un an?
De par son importance, le rachat du groupe Activision Blizzard King par Microsoft a été longuement scruté par les régulateurs américain, européen et britannique.
Plusieurs raisons sont mentionnées pour expliquer la frilosité des gendarmes de la concurrence. La CMA avait notamment émis des craintes sur une réduction trop forte de la concurrence dans le marché de jeux dématérialisés.
Pour montrer patte blanche, Microsoft avait alors cédé les droits des jeux en ligne d'Activision Blizzard à l'éditeur Ubisoft. Le géant du numérique avait également promis la création d'un magasin d'application "ouvert", et respectueux de la concurrence.
La Commission européenne avait donné son feu vert en mai. La FTC, le gendarme américain de la concurrence, avait vu elle sa tentative de blocage rejetée par le Tribunal de San Francisco. Mais c'est surtout leur homologue britannique qui a mis un coup de frein à l'opération. En avril dernier, la CMA avait alors opposé son refus face à la proposition de rachat, toujours pour les mêmes craintes.
C'est seulement le 22 septembre dernier que le Royaume-Uni a accordé un feu vert provisoire à l'acquisition (validée ce vendredi 13 octobre); mentionnant des "préoccupations résiduelles limitées" pour lesquelles Microsoft a "proposé des solutions".
• Quelles conséquences pour l'économie et les joueurs?
Dans le cadre de ce rachat, la crainte principale des joueurs comme des éditeurs est que Microsoft s'offre l'exclusivité sur certaines licences, à l'instar de Call of Duty, l'une des licences de jeux de guerre les plus populaires (et lucratives).
A ce point de vue, Microsoft a tenu à rassurer les joueurs en leur garantissant que Call of Duty ne deviendrait pas une exclusivité Xbox, au moins dans les premières années suivant le rachat. Plus précisément, c'est Phil Spencer, le patron de la division Xbox, qui a annoncé que les jeux Call of Duty actuels à et venir seront disponibles y compris sur Nintendo Switch et sur Steam (PC) pendant au moins 10 ans.
Des promesses qui ont été un peu émoussées par les déclarations de l'Autorité de la concurrence britannique, ayant affirmé qu'il n'y avait "aucune certitude que Call of Duty devienne disponible sur Nintendo", en raison des limites techniques de la console du constructeur japonais. Question de timing, il se pourrait que la sortie du prochain épisode coïncide avec l'arrivée sur le marché de la Nintendo Switch 2, pressentie pour fin 2024.
Chez Sony, qui commercialise la Playstation, console concurrente de la Xbox, le sujet est plus complexe. Si Microsoft a assuré "vouloir s'asseoir autour d'une table et proposer un contrat similaire, sur 10 ans, à Sony", l'entreprise n'aurait pas donné suite. La perte de Call of Duty serait un coup dur pour Sony, qui propose de longue date des exclusivités sur le titre pour ses joueurs.
Il s'agit donc bel et bien d'un épisode pivot dans la "guerre des consoles" entre Microsoft et Sony. Lorsque les autorités de la concurrence ont examiné le rachat, il avait par ailleurs été avéré que Sony vendait davantage de consoles que Microsoft, qui a officialisé ses mauvaises performances commerciales lors de la précédente génération de consoles, la Xbox One et la Playstation 4.
Malgré tout, Microsoft a affirmé à plusieurs reprises ne pas vouloir priver les joueurs sur Playstation de la série, du moins temporairement. Pour l'instant, si aucune entente ne semble avoir été conclue entre les deux parties, l'officialisation du rachat pourrait changer la donne.