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Comment Diablo est devenu une saga culte du jeu vidéo

Avec Diablo IV, Blizzard s'apprête à ravir des millions de joueurs. Attendu le 6 juin, ce nouvel opus vient combler une attente de plus de dix ans depuis le dernier épisode de la licence.

Diablo fait indéniablement partie des licences qui ont forgé l'industrie du jeu vidéo. Le 6 juin, les portes des enfers s'ouvriront une nouvelle fois. Après onze ans d'attente, les millions de fans de la saga vont pouvoir arpenter des paysages lugubres pour terrasser des armées de monstres sanguinaires.

Surtout, le titre développé par Blizzard (dont Microsoft veut s'emparer) aura pour mission de redorer l'image de la série après un Diablo III en demi-teinte. Jugé trop lumineux et moins exigeant que ses prédécesseurs légendaires, le jeu avait laissé un goût amer aux adeptes de la première heure. Retour sur une saga culte.

• C'est quoi Diablo ?

Les titres Diablo sont des jeux de rôle et d'action, dont les deux premiers épisodes sont sortis sur PC en 1997 puis en 2000. Avec plus de 55 millions d'exemplaires vendus, la série propose aux joueurs d'incarner un personnage chargé de tuer des vagues d'ennemis dans un univers de dark fantasy. Des couleurs sombres et des monstres visqueux rythment donc la saga qui propose d'évoluer au cœur d'un conflit éternel entre les anges et les démons.

"L'idée du jeu, c'est vraiment d'aller tuer des monstres pour se vider la tête après une journée de boulot", explique Benoît "ExServ" Reinier, créateur de contenu et auteur du livre "Diablo: Genèse et rédemption d'un titan" paru chez Third Editions.

Côté mécanique de jeu, le concept est à la fois simple et satisfaisant: "On clique sur un ennemi pour le taper, on clique sur un objet pour le ramasser", résume ExServ. Depuis Diablo III, une version console est disponible avec des contrôles à la manette toujours tournés vers l'accessibilité. Mais toujours dans l'optique de devenir de plus en plus puissant grâce à des armes et équipements de plus en plus rares.

• Pourquoi la licence a marqué toute une génération?

Lorsque Diablo II - l'épisode de référence de la saga - sort à l'été 2000, le jeu vidéo moderne comme on le connait aujourd'hui n'existe pas encore. L'aspect communautaire des jeux mais aussi les parties ou interactions à plusieurs n'en sont qu'à leur balbutiement.

Le jeu Diablo II: Resurrected a permis de remettre au goût du jour l'épisode mythique de la licence.
Le jeu Diablo II: Resurrected a permis de remettre au goût du jour l'épisode mythique de la licence. © Blizzard Entertainment

A l'époque, seuls quelques titres - comme Counter-Strike - proposent aux joueurs de se retrouver en ligne. Pour que le phénomène se démocratise, il faut attendre novembre 2004 et la sortie de World of Warcraft. Pour autant, la licence Diablo pose les bases de ces futures évolutions de l'industrie du jeu vidéo dès le débuts des années 2000.

"Diablo II est devenu un jeu fil rouge. On se retrouve entre amis pour faire progresser son personnage et jouer ensemble", détaille Benoît Reinier.

Le jeu s'inscrit dans une ère aujourd'hui révolue. C'est l'époque des cyber-cafés et des LAN - ces soirées où chaque joueur apporte son ordinateur chez un ami pour jouer à plusieurs sur un réseau local.

Surtout, chacun des opus de la saga reçoit un excellent accueil commercial. A chaque sortie, des records de ventes sont établies. Pour le troisième opus, plus de 3,5 millions joueurs achètent le jeu dès son jour de sortie. Un record toujours imbattu pour un titre exclusif à l'environnement PC.

• Quelles innovations ont été mises en place par ces jeux?

"N'importe quel jeu vidéo moderne a repris quelque chose créé par Diablo", assure le créateur de contenu. "C'est l'une des licences les plus influentes du monde."

L'attribution de couleur à des objets en fonction de leur rareté fait partie des éléments les plus repris aujourd'hui. Diablo a mis en place ce repère visuel qui permet en un clin d'œil de savoir si un objet est commun, inhabituel, rare, épique ou légendaire. Aujourd'hui, ce système se retrouve dans des titres très populaires comme Fortnite ou Call of Duty: Warzone.

Moins remarquable, mais tout aussi important, Diablo a créé une science de la boucle de jeu. "Il se passe toujours quelque chose", indique Benoît Reinier. "Toutes les 15 à 20 minutes, le joueur sait qu'un événement va se produire." Cela peut aussi bien être un combat contre une armée d'ennemi, un affrontement contre un boss ou la découverte d'une nouvelle zone de jeu.

• Pourquoi Diablo III a reçu un accueil mitigé?

Alors que les titres fondateurs de la saga cartonnent, l'équipe de développement à l'origine de la série connaît quelques remous. L'éditeur Blizzard passe de main en main avant d'atterrir dans l'escarcelle du français Vivendi. Suite à des désaccords avec la direction, les membres historiques quittent le navire en 2003. Cinq ans plus tard, Vivendi Games fusionne avec Activision pour donner naissance au groupe Activision Blizzard.

Ces chamboulements ont mené à la conception d'un troisième opus assez éloigné des attentes. Les environnements sombres et les décors lugubres se sont éclairés. L'esthétique des héros a évolué vers le Héroïc Fantasy, un univers beaucoup plus rayonnant que l'ambiance à laquelle avait l'habitude de plonger ses joueurs.

Jugé trop lumineux, le jeu Diablo III n'a pas ravi les fans de la saga à sa sortie.
Jugé trop lumineux, le jeu Diablo III n'a pas ravi les fans de la saga à sa sortie. © Blizzard Entertainment
"Diablo III n'a pas réussi à capitaliser sur la série", estime ExServ. "Ce devait être une grande communion avec les fans, mais Blizzard est passé à côté de son sujet."

Malgré cette déroute, l'épisode s'est particulièrement bien vendu. En 2015, l'éditeur a annoncé que le titre s'était écoulé à 30 millions d'exemplaires en l'espace de trois ans.

• Comment Diablo III a néanmoins posé les bases de Diablo IV?

Un an après sa sortie, Diablo III a opéré une bascule vers les consoles. En sortant une version PlayStation 3 et Xbox 360 en septembre 2013, le titre a pu s'ouvrir à une nouvelle base de joueurs. Ce nouvel élan a d'ailleurs conduit à la sortie de l'extension Reapers of Souls en août 2014.

"Cela a été une très bonne chose pour le titre", analyse Benoît Reinier.

Cette extension a permis d'introduire le nouveau mode de jeu Aventure. Il permet de s'adapter au temps de jeu sur console (moins important que sur PC) en proposant de picorer le jeu petit bout par petit bout.

"Diablo III peut ainsi être consommé à la carte. Chaque soir, on peut y jouer 20 à 30 minutes: faire une mission, un donjon et s'arrêter-là", constate le créateur de contenu.

C'est à partir de ce système de jeu que la conception de Diablo IV s'est orientée vers un univers en monde ouvert, laissant le joueur parcourir librement l'environnement. Un choix assumé pour convenir au plus grand nombre. Le pari est d'ailleurs réussi pour les développeurs, qui ont notamment détaillé à Tech&Co comment ils ont cherché à retrouver l'identité de la licence tout en s'adaptant aux nouveaux joueurs.

Pierre Monnier