IA, nouvelles interactions: comment Mark Zuckerberg veut remplacer les smartphones par des lunettes connectées

Depuis de nombreuses années, le smartphone a pris une place importante dans nos vies. On utilise au quotidien, et il a su s'imposer face au téléphone fixe et à l'ordinateur. Une omniprésence qu'on doit à des entreprises comme Apple, Samsung ou encore Google. Une autre a tenté de se faire une place dans cette révolution au debut des années 2010: Facebook, à l'époque connue pour son réseau social éponyme.
En 2013, Facebook avait collaboré avec le fabricant taïwanais HTC pour proposer un smartphone Android avec une surcouche intégrant les fonctions de sa plateforme. L'utilisateur pouvait notamment voir le fil d'actualités depuis les écrans d'accueil et de verrouillage. Mais cette tentative s'est soldée par un échec pour Facebook, avec des ventes catastrophiques aux États-Unis, qui ont poussé les opérateurs européens comme Orange à annuler son lancement sur le continent.
Une aventure lancée à la suite d'un échec
Ce fiasco, Mark Zuckerberg ne l'a pas oublié. "Vers 2012, 2014, il était trop tard pour vraiment façonner cette plateforme de manière significative. Nous avons mené quelques expérimentations, mais elles n'ont pas abouti", a relaté le milliardaire lors d'une interview avec le média The Verge en septembre 2024, à l'occasion de la conférence annuelle Connect de sa société. Cette édition a d'ailleurs été marquée par la présentation des premières lunettes de réalité augmentée de Meta, Orion.
Connue pour ses réseaux sociaux, la société s'est en effet petit à petit diversifiée, faisant des lunettes connectées son terrain de jeu. Une nouvelle voie construite sur les ruines de ses échecs sur le marché des smartphones. "Très vite, je me suis dit: 'Bon, concentrons-nous sur l'avenir car, tout comme avec la transition de l'ordinateur vers le mobile, de nouvelles choses seront possibles. Alors qu'est-ce que c'est?'", s'est remémoré Mark Zuckerberg lors de cette interview.
Des années (et des efforts) plus tard, Meta sort ses premières lunettes connectées, les Ray-Ban Stories. Conçues en collaboration avec la célèbre marque, elles permettent de prendre des photos et des vidéos puis de les partager, d'écouter de la musique, mais aussi de passer des appels. Nous sommes en 2021 et l'entreprise, ou plutôt Mark Zuckerberg, ne prévoit pas de s'arrêter là. Car il voit les lunettes connectées comme un moyen de remplacer le smartphone, qu'il considère comme un objet du passé.

"Je pense que ce qui va se passer, ce n'est pas qu'on va jeter nos téléphones, mais je pense que petit à petit, on va commencer à faire plus de choses avec nos lunettes et à laisser nos smartphones plus souvent dans nos poches", a expliqué le patron de Meta à The Verge.
Pour lui, il est clair que les utilisateurs vont, au fil du temps, de plus en plus utiliser des lunettes connectées plutôt que leur smartphone, même si cet objet central de nos vies n' est pas près de disparaître, comme il le reconnaît.
Le smartphone dépassé, place aux lunettes connectées
Après les Ray-Ban Stories, Meta revient ainsi deux ans plus tard avec leurs successeures, baptisées Ray-Ban Meta. Offrant les mêmes fonctions, elles se distinguent par l'ajout de l'intelligence artificielle. En plus de pouvoir diffuser des contenus en direct, les utilisateurs peuvent aussi faire appel à l'assistant Meta AI pour obtenir des informations ou encore contrôler leurs lunettes avec la voix.
Et leur succès semble donner raison à Mark Zuckerberg, avec plus d'un million d'unités vendues en 2024. Mais ce n'est pas assez pour le patron de Meta, qui cherche à les faire adopter massivement et en vendre cinq millions cette année. Depuis de nombreux mois, il a d'ailleurs clamé à plusieurs reprises que les lunettes connectées représentaient le futur face aux smartphones, d'autant plus avec l'IA.
"Ce sera comme les ordinateurs (...) Il arrivera un moment où votre smartphone restera plus souvent dans votre poche qu'à l'extérieur. Je pense que cela se produira dans les années 2030, et même si vous pourrez effectuer certaines tâches de manière plus complète ou plus efficace avec votre téléphone, les utilisateurs opteront pour la commodité des lunettes pour le faire", a-t-il prédit en novembre 2024.
Le PDG de Meta est allé encore plus loin, déclarant en juillet 2025 que les personnes qui n'auront pas de lunettes connectées dans le futur seront désavantagées cognitivement. Une tentative supplémentaire d'en faire un accessoire indispensable, qui est un "moyen idéal pour mélanger les mondes physique et numérique", selon lui.
L'appareil idéal pour la superintelligence
Mark Zuckerberg estime en effet que ces appareils sont une passerelle pour immiscer l'IA dans notre quotidien. Il vise à développer ce qu'il appelle une superintelligence, soit une IA plus intelligente que les humains. Un tel système "qui nous connaît profondément, comprend nos objectifs, et peut nous aider à les accomplir" sera bien plus utile que les autres.
Et il est convaincu que les lunettes "vont devenir le principal moyen d'intégrer la superintelligence dans notre quotidien", mais aussi qu'elles finiront par devenir les principaux appareils informatiques que nous utiliserons car elles "voient ce que nous voyons, entendent ce que nous entendons et interagissent avec nous tout au long de la journée, deviendront nos principaux appareils informatiques".
Ces convictions, Mark Zuckerberg les a réitérées lors de la conférence Connect de 2025. "Notre objectif est de créer des lunettes élégantes qui offrent une superintelligence personnelle et une sensation de présence grâce à des hologrammes réalistes", a-t-il lancé sur scène.
Au-delà de ses capacités d'IA qui nous rendront plus intelligents, le patron de Meta voit là le moyen de préserver le sentiment de présence éprouvé lorsque l'on est avec d'autres personnes. Un sentiment que l'on a un peu perdu avec les smartphones, a-t-il déploré, mais que l'on peut retrouver avec les lunettes. C'est l'un des trois principes de l'entreprise dans le développement de ces appareils.
Moins utiliser son smartphone
Mark Zuckerberg a surtout profité de la conférence pour rappeler ce qu'il pense du futur des smartphones. Cela, dès le début avec une mise en scène: avant d'arriver devant le public, on le voit attendre dans un camping-car. Il est filmé. Installé sur un canapé, il jette un coup d'oeil à quelques feuilles lorsqu'une personne toque à la porte pour l'informer qu'il est temps d'y aller.
Le fondateur de Facebook pose alors ses feuilles sur la table et prend l'objet servant à le filmer. Il ne s'agit pas d'un smartphone, mais des nouvelles lunettes connectées dotées d'un écran, les Meta Ray-Ban Display. Une fois sur son nez, on voit ce qu'il voit, notamment un rappel que la conférence commence dans une minute et le lieu où elle se tiendra. Un autre onglet lui permet de faire appel à Meta AI.
Alors qu'il se dirige vers la scène, il lance un morceau de musique sur Spotify depuis ses lunettes et quelques secondes avant d'y arriver, il remet son smartphone à quelqu'un. Signe qu'il n'en aura pas besoin lors de l'événement.
Les Meta Ray-Ban Display sont en effet un moyen de moins utiliser son smartphone. Avec leur écran, elles permettent de consulter des messages, de passer des appels vidéos, de prendre des photos et même de suivre un itinéraire. Faire défiler, cliquer comme on le fait sur un smartphone, tout cela est possible avec de subtils mouvements de la main, grâce à un bracelet qui interprète les impulsions envoyées par le cerveau aux muscles de l'avant-bras.

De même, Meta veut aussi encourager les sportifs à moins utiliser leur smartphone lors de leurs entraînements. Les Oakley Meta Vanguard, conçues spécifiquement pour les sports de haute intensité, disposent d'une caméra pour capturer des moments mémorables (descente record de ski, marathons...). Elles pourront même les aider à ne rien rater de moments-clés tels que les changements de vitesse ou d'altitude ou encore les accélérations cardiaques, en les enregistrant automatiquement.
Une technologie à améliorer
Si les nouvelles lunettes connectées de Meta semblent impressionnantes, elles sont loin d'être parfaites, comme l'ont montré les démonstrations en direct lors de Connect. À l'aide des Meta Ray-Ban Display, un cuisinier a fait appel à Meta AI pour lui demander de l'aide en direct afin de préparer une sauce pour son sandwich. Mais dès le départ, chaque tentative a été infructueuse. La première fois que le chef a demandé à l'IA ce qu'il devait faire en premier, elle n'a pas répondu. La deuxième fois, elle a affirmé qu'il avait déjà mélangé les ingrédients de base alors que ce n'était pas le cas. La troisième fois aussi.
De même, Mark Zuckerberg n'a pas pu décrocher un simple appel vidéo provenant du directeur technique de Meta, Andrew Bosworth. Cela, à cinq reprises car les boutons permettant de décrocher n'apparaissaient pas à l'écran. Le milliardaire ne voyait que les appels manqués.
Il a lui-même conscience des limites de ces lunettes connectées, mais il reste persuadé qu'elles finiront par être adoptées massivement. De nombreuses personnes portant des lunettes pour corriger leur vue, il juge possible que la grande majorité soient des lunettes connectées d'ici cinq ou sept ans. "Je pense que c'est un peu comme quand l'iPhone est sorti et que tout le monde avait encore des téléphones à clapet", a-t-il déclaré auprès de la newsletter Sources.
Avec ces lunettes, "si vous regardez les dix principales raisons pour lesquelles vous sortez votre smartphone de votre poche, je pense que nous en avons éliminé cinq ou six", a en outre avancé Andrew Bosworth, imaginant, comme Mark Zuckerberg, un futur où grâce à elles, on pourra laisser notre smartphone dans nos poches ou mieux à la maison.
On en est cependant encore loin. Certains produits permettent déjà un certain niveau d'autonomie par rapport au téléphone. C'est le cas des montres connectées, comme l'Apple Watch, qui disposent d'une connexion cellulaire pour passer des appels, envoyer des messages ou encore écouter de la musique. Mais là encore, les usages sont plus limités qu'un smartphone. Pour que les lunettes deviennent aussi incontournables, il faudra qu'elles gagnent en puissance, en autonomie d'un point de vue des batteries et par rapport aux smartphones, et aussi en ergonomie. Le bracelet développé par Meta est un bon premier pas dans cette direction, mais s'accompagne malgré tout une contrainte. Pour que les lunettes connectées de demain supplantent le smartphone il ne faudra rien de moins que réinventer des interfaces et de nouvelles méthodes d'interaction. Il faudra aussi qu'elles soient plus que des terminaux de consultation et de mises en ligne de vidéos... La route est encore longue... et Meta n'est pas le seul dans la course.