Inondations plus fréquentes, érosion.. À quoi va ressembler la Normandie avec le changement climatique?

Une falaise d'Étretat (Seine-Maritime) après un effondrement, le 4 janvier 2022. - SAMEER AL-DOUMY / AFP
Plus de 111.000 logements, 122.000 résidents et 54.000 emplois menacés à l'avenir en Normandie. C'est le constat alarmant de l'ONG Réseau action climat qui publie ce jeudi 19 septembre, en partenariat avec l'Ademe, un rapport présentant des impacts du changement climatique dans les régions de France, dont la Normandie.
Avec ses 600km de côtes et son accès à la Manche, la région est bordée par l’un des axes maritimes les plus fréquentés du monde. Les activités de la région sont concentrées sur les côtes ainsi que sur les bords de la Seine et de l'Orne. Pour ces raisons, "la Normandie est particulièrement exposée aux aléas climatiques qui menacent les littoraux".
• Des inondations de plus en plus fréquentes
L'un des dangers majeurs du changement climatique sera les inondations. À l'heure actuelle, la région fait déjà face à la hausse du niveau de la mer. "Due à la hausse des températures et à la fonte des glaciers terrestres, la montée des eaux évolue de façon exponentielle à l’échelle mondiale", peut-on lire dans le rapport.
Le niveau de la mer "continuera d’augmenter à une vitesse qui dépendra de nos futures émissions de gaz à effet de serre" .L'élévation du niveau de la mer pourrait atteindre plus d'1,8m en Normandie dès 2100 selon un scénario pessimiste.
Ainsi, "les forts coefficients de marée qui se répètent actuellement 3 à 4 fois par an pourraient être atteints 65 fois par an avec une élévation du niveau de la mer de 1 mètre dans la Manche occidentale et orientale".
Tout cela se traduit par des inondations marines de plus en plus fréquentes, pouvant affecter les habitations, infrastructures et zones agricoles proches du littoral. Selon l'ONG, "de nombreuses communes côtières de la Manche, du Calvados et de Seine-Maritime sont concernées par ce risque qui menace déjà plus de 111.000 logements, 122.000 résidents et 54.000 emplois".
Mais les communes proches du littoral ne sont pas les seules à être concernées par ce risque d'inondation. "Des inondations peuvent être provoquées loin dans les terres à travers une progression de l’eau par les fleuves. Cela bloque les écoulements fluviaux et peut provoquer des débordements, à l’image des inondations qui ont touché Rouen en 2018, par l’effet conjugué d’une crue, des précipitations et de la marée".
• Le littoral grignoté par la mer, la baie du Mont-Saint-Michel en danger
Une autre conséquence, liée à l'élévation du niveau de la mer, est l'accentuation de l'érosion, déjà marquée sur les côtes normandes. "Deux tiers des côtes de la région sont déjà en érosion, avec un rythme moyen de 20 à 25cm par an pour les falaises sédimentaires", précise Réseau action climat.
"Cette vitesse peut atteindre 40 cm/an dans certaines zones comme la côte d’Albâtre en Seine-Maritime, dont les falaises de craie sont particulièrement vulnérables". Le rapport met en évidence la corrélation entre le niveau de la mer élevé et le phénomène d'érosion.
Certaines plages sont amenées à disparaître. "Sachant que le niveau de la mer continuera d’augmenter pendant plusieurs siècles à millénaires quel que soit le scénario d’émissions, la relocalisation des zones les plus exposées semble inéluctable", juge l'ONG.
Le rapport répertorie également les pertes en matière de "patrimoine naturel et culturel" comme la baie du Mont-Saint-Michel et cela pour plusieurs raisons. "D’une part, l’érosion, notamment aggravée par la montée des eaux, s’est déjà accentuée au pied de ses remparts, ce qui pourrait menacer la stabilité du monument. D’autre part, les futures tempêtes pourraient provoquer des dégâts plus importants lorsque l’élévation du niveau de la mer aura progressé", détaille l'ONG.
• Les écosystèmes marins en danger, la pêche touchée
Outre les littoraux, le milieu marin "ne va pas bien". Les eaux de la Manche se sont réchauffées d’environ +1°C depuis le début du siècle et cela n'est pas sans conséquences pour les différentes espèces aquatiques: poissons, coquillages, crustacés, plancton (...).
"En plus de l’élévation de la température moyenne, les vagues de chaleur marines sont de plus en plus fréquentes et intenses, favorisant le développement de certains pathogènes et provoquant des épisodes de mortalité massive", peut-on lire dans le rapport.
En parallèle du réchauffement des eaux, "on constate une acidification des océans avec des conséquences dramatiques pour les espèces marines".
Selon Réseau action climat, ces changements représentent "une profonde remise en question des modèles de la pêche et de la conchyliculture". Pour certaines espèces, les conséquences du changement climatique sont déjà visibles: les stocks de cabillaud se sont notamment effondrés depuis le début des années 2000.
• La plus grande région agricole en crise
Par ailleurs, les conséquences du changement climatiques ne concernent pas seulement le littoral, alors que la Normandie est "la première région agricole française en termes de surface, avec deux millions d’hectares qui couvrent 70 % du territoire de la région". Si certaines cultures, "comme la betterave", sont plutôt favorisées par le changement climatique, "la plupart des systèmes agricoles sont menacés par ses conséquences".
Les cultures sont menacées par "l’augmentation des épisodes de sécheresse, en nombre et en intensité, due à l’effet cumulé de la diminution des précipitations l’été". Jusqu’à - 27 % de précipitation en 2100 dans le scénario le plus pessimiste", précise l'ONG.
De plus, la disponibilité en eau douce devrait diminuer, "avec une baisse des débits des cours d’eau de 10 à 30 % d’ici 2100 selon les scénarios". Enfin, les zones proches des littoraux sont confrontées "à la salinisation des eaux".
Les restrictions d'eau devraient être plus fréquentes et plus fortes à l'avenir. Le secteur agricole va devoir s'adapter à ce contexte.
Outre ces éléments, l'agriculture en Normandie devrait changer de visage en raison d'autres facteurs comme l'érosion ou les inondations, "l’intensification des épisodes de précipitations extrêmes entraînant des pertes agricoles, ou encore l’exposition accrue aux ravageurs et pathogènes, favorisés par la hausse des températures et faisant plus de dégâts en période de sécheresse".
• 60 à 90 jours de chaleur par an
Comme l'ensemble des régions de France, la Normandie devrait subir une augmentation du nombre de jours de fortes chaleurs (+ de 25°C). "De moins de 15 jours aujourd’hui à plus de 40 jours d’ici 2100 selon le scénario pessimiste", s'inquiète l'ONG.
Des épisodes de canicule marquée notamment dans les terres. "D’ici la fin du siècle, les secteurs les plus éloignés de la Manche connaîtront de 60 à 90 jours de chaleur par an", peut-on lire dans le rapport.
Des conditions météorologiques qui représentent "de vrais risques en termes de santé publique: déshydratation, hyperthermie, aggravation de maladies chroniques… en particulier pour les personnes fragiles".