"Un sketch": au procès de la rue d'Aubagne, les proches de Cherif demandent des comptes aux propriétaires

Le procès de l'effondrement des immeubles de la rue d'Aubagne se poursuit à Marseille. La 9e journée était consacrée ce mercredi 20 novembre à l'audition des proches des dernières victimes, Taher Hedfi et Chérif Zemmar, et des propriétaires de plusieurs appartements, dont celui dans lequel ils vivaient tous les deux.
"J'ai l'impression de ne pas être dans un procès, mais dans un sketch", confie Linda Larbi, la cousine de Chérif Zemmar, au micro de BFM Marseille Provence.
Depuis le premier jour du procès, elle entend les prévenus se renvoyer la balle. "Non non, ce n'est pas moi, je ne louais pas un appartement indigne, non, c'est pas la faute de la municipalité", imite-t-elle avant de poursuivre: "face aux familles des victimes, c'est encore une fois méprisant, c'est dur à accepter, c'est dur à entendre, il y a des moments où on se retient mais on a envie de se lever et d'hurler notre colère".
"Aucun n'a prédit l'effondrement"
Le 5 novembre 2018, son cousin dormait dans l’appartement situé au 2e étage côté rue du 65 rue d'Aubagne, avant qu'il ne s'effondre. C'est Xavier Cachard, alors vice-président LR du conseil régional Provence-Alpes-Côte-d'Azur, qui en était le propriétaire. Il avait acheté ce bien en 2011 pour 32.000 euros, sans même le visiter. Il était également l'avocat du syndic de copropriétaires de l'immeuble.
En octobre 2017, un expert informe les copropriétaires qu'il a effectué un signalement à la mairie sur l'état du bâtiment. Le même jour, l'élu envoie un mail à un autre expert, écrivant: "Si vous pouviez empêcher le péril imminent, ça serait une très bonne chose".
Pourtant, devant le tribunal correctionnel de Marseille, l'homme martèle qu'aucun expert "n'a prédit l'effondrement".
"A posteriori c'est facile de dire que c'était inéluctable. Neuf experts se sont succédé, aucun n'a prédit l'effondrement, comment voulez-vous que moi avocat je le voie?", se défend Xavier Cachard, sans un mot pour les victimes.
"Il faut arrêter de dire que cet immeuble était à l'abandon, ce n'est pas vrai", a-t-il insisté, fournissant dix ans de factures sur les parties communes. Avant que le président ne lui rétorque: "vous êtes mal placé pour les décrire, vous n'y quasiment jamais allé, (...) Les trois seules fois, c'était dans le cadre d'expertises où vous étiez désigné comme avocat du syndic et donc payé", rapporte La Provence.
"Il n'y a jamais eu d'opposition, ni de sa part en tant qu'associé de l'un des appartements et encore moins en tant qu'avocat du syndicat des copropriétés, il n'y a jamais eu d'opposition aux mesures d'expertises" assure aussi Pierre Ceccaldi, l'avocat de Xavier Cachard, à notre micro.
"L'indécence" des propriétaires
Comme Xavier Cachard, d'autres propriétaires d'appartements ont été interrogés par le tribunal mercredi et ont nié être des "marchands de sommeil". C'est le cas de Michèle B., la propriétaire de l'appartement de Julien Lalonde, mort à 30 ans, qui a assuré être "victime de ce drame" et en "subir les traumatismes", suscitant l'indignation du procureur, Michel Sastre, qui lui a reproché son "indécence".
Sylvie C, a de son côté reconnu que les problèmes "paraissaient extrêmement urgents" tout en assurant que "c'était inimaginable que ça s'effondre, comme ça, à ce point...". Même son de cloche chez Gilbert A., multi-propriétaire. "Je pensais que des planchers pouvaient s'affaisser, mais pas ça...", a-t-il dit, reconnaissant être copropriétaire d'un immeuble dans un état "lamentable".
Jugé pour homicide involontaire, mise en danger d'autrui et soumission de plusieurs personnes vulnérables à des conditions d'hébergement indignes, Gilbert A. est celui des 16 prévenus qui risque le plus lourd, car un enfant était dans ce logement: il encourt jusqu'à 10 ans de prison.