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La commission d'enquête du Sénat sur le trafic de drogues est arrivée à Marseille

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La visite a commencé ce jeudi et se poursuivra demain, vendredi. Les membres doivent rencontrer les acteurs de justice, les forces de l'ordre, mais aussi et pour la première fois, les familles de victimes des narchomicides.

Elle veut mesurer l'impact du trafic de stupéfiants. La commission d'enquête du Sénat, lancée le 27 novembre dernier et dédiée au trafic de drogues en France, arrive à Marseille ce jeudi 7 mars.

Une visite de deux jours, jusqu'à ce vendredi 8 mars et qui a pour objectif de dresser un bilan complet de ce trafic, qui gangrène la cité phocéenne depuis des années et qui a, en 2023, causé la mort de 49 personnes.

"On a voulu ouvrir notre commission à la totalité du territoire français, car ce qui se passe à Marseille, s'étend malheureusement dans les villes moyennes, les campagnes, et c'est nouveau. C'est un phénomène qui nous inquiète énormément et il faut réagir au plus haut niveau", explique Marie-Arlette Carlotti, sénatrice PS des Bouches-du-Rhône et vice présidente de la commission d'enquête, invitée de BFM Marseille Provence ce jeudi matin.

Rencontre avec les élus, familles de victime et visites...

Au programme de ces deux journées, des rencontres avec les acteurs judiciaires, les élus locaux, les forces de sécurité, les personnels et la direction du Grand port de Marseille-Fos, mais aussi une visite des Baumettes.

"La justice d'abord, ce sont les premiers que nous verront tout à l'heure. Le procureur sera présent avec les magistrats autour de lui, car ils font un travail que les gens ne savent pas, qui est long. Le travail avec la police judiciaire est fondamental pour remonter les réseaux", souligne Marie-Arlette Carlotti.

Autre point important soulevé par la sénatrice, une rencontre prévue avec les familles de victimes des narchomicides.

"C'est la première fois, à Marseille, où on va rencontrer les gens qui sont les victimes, que ce soit la maman du petit dealer mort (...) C'est la première fois que les familles vont avoir la parole", indique-t-elle.

Et d'ajouter: "moi je les considère, comme le maire de Marseille, qui a reçu les familles lors d'un conseil municipal. Quand un enfant meurt, qu'il soit petit dealer de 15 ans, car ils ont entre 15 et 20 ans, ou qu'il soit une victime collatérale, ce sont des petits Marseillais".

Ces rencontres se dérouleront sous la forme d'une table ronde à la préfecture, en présence de quatre associations de familles.

Le président de la commission Jérôme Durain (PS, Saône-et-Loire) et le rapporteur Etienne Blanc (LR, Rhône) devraient se rendre dans la cité de la Castellane, point de deal prépondérant à Marseille.

Le procureur alerte sur le manque de moyens de la justice

Avant cette visite en terre phocéenne, la commission sénatoriale a auditionné plusieurs magistrats du tribunal judiciaire, mardi 5 mars, notamment Nicolas Bessone, le procureur de la République de Marseille et Olivier Leurent, le président du tribunal judiciaire.

Devant les sénateurs, ces derniers ont tenu à alerte sur les lenteurs de la justice, dues aux manques de moyens. Une situation qui pourrait causer la remise en liberté de personnes mises en examen en raison des délais judiciaires difficiles à respecter.

"C’est le risque encouru. Il n’y pas encore eu de remise en liberté, mais ça nous pend au nez. Les élucidations en matière de narchomicides ont été très importantes cette année", alertait Nicolas Bessone, invité de RMC et RMC Story mercredi.

En 2023 à Marseille, "70 personnes" ont été mises en examen dans des affaires de narchomicide.

"Si nous ne renforçons pas la capacité de jugement au niveau de la cour d’appel et de la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, nous risquons inéluctablement d’avoir des remises en liberté pour non-respect des délais procéduraux", ajoutait alors le procureur de la République.

Le risque de corruption grandit

Nicolas Bessone appelle donc à augmenter les moyens de la justice, et de la police, pour poursuivre la lutte contre le trafic de drogue à Marseille. Et à ce titre, il demande des tribunaux spéciaux pour juger les trafiquants de drogue, qui peuvent faire pression sur les jurés.

"La difficulté, c’est que ces faits qui sont liés à de la menace, de la terreur, sont jugés par des cours d’assises ordinaires, pointe le procureur de la République de Marseille. Des jurés populaires rendent la justice dans un contexte de menace, de terreur, et cela ne nous semble plus adapté. Qui penserait faire juger encore aujourd’hui par des jurés populaires des actes de terrorisme?", indiquait le magistrat.

En face, les narcotrafiquants n’hésitent pas à tenter de corrompre. "Les moyens financiers de ces organisations sont illimités, déplore Nicolas Bessone. Malheureusement, chaque homme a un prix. Nous avons des enquêtes en cours. Des fonctionnaires de police et de l’administration pénitentiaires sont approchés, menacés, voire achetés", a-t-il précisé.

Un constat que partage Marie-Arlette Carlotti. "Il est venu nous dire qu'il avait besoin de moyens, que la corruption était partout, c'est affolant. Cette corruption est liée au trafic, sans ça, il n'y a pas de trafic", souligne la sénatrice sur BFM Marseille Provence.

Après cette série de visites, d'auditions et de rencontres, la commission, composée de 23 sénatrices et sénateurs, rendra ses conclusions en mai prochain.

Martin Regley Journaliste