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“Personne n’osait parler de ce qu’il nous faisait ”: une nouvelle victime du père Ribes témoigne

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Illustration. - JEFF PACHOUD / AFP

Depuis plusieurs jours, des témoignages accusent le père Louis Ribes, mort en 1994, d’agressions sexuelles sur mineurs. Brigitte, l’une de ces victimes présumées, a décidé de témoigner pour la première fois auprès de BFM Lyon.

À la fin des années 1960, c’est dans le quartier du Point du Jour à Lyon que le père Louis Ribes pose ses bagages durant plusieurs mois. Les parents de Brigitte sont alors fermiers, en charge d’exploiter les terres du séminaire des Massues où enseigne et vit le père Ribes.

Très vite, le prêtre rentre dans l’intimité de la famille. Auprès de BFM Lyon, Brigitte dit se souvenir avoir subi des attouchements sexuels à plusieurs reprises. "Quand nous étions malades, il venait à la maison et venait dans la chambre pour nous tenir compagnie. Il restait avec nous, passait sa main sous les draps et nous caressait".

Les diocèses de Lyon, Saint-Etienne et Grenoble ont annoncé en début de semaine avoir recensé une série d'agressions sexuelles sur mineurs commises dans les années 70-80 par le prêtre Louis Ribes, décédé en 1994 et connu pour ses peintures dans des églises de la région. Depuis, les témoignages de victimes se multiplient.

Un mode opératoire bien rodé

Brigitte est née en 1957. Elle révèle que sa grande sœur, Nicole, de 18 mois son aînée, a également été victime d’attouchements. Des attouchements qui ont cessé à sa maturité: "Nous, les filles, quand on commençait à avoir des formes, il n’en voulait plus. Il voulait vraiment les enfants", se souvient-elle.

Comme les autres victimes qui ont témoigné, Brigitte décrit un mode opératoire bien rodé. Celui que l’on surnommait "le Picasso des églises" pour ses talents artistiques faisait poser les enfants pour ses dessins: "On devait se déshabiller (…) Il nous dessinait au fusin, puis on devait venir sur ses genoux. C’est à ce moment-là qu’il nous caressait ", raconte encore Brigitte.  

"Il nous faisait se mettre sur le lit, nues, une jambe sur le lit et une dans le vide. Ce n’était pas de l’art ", concède Brigitte, alors âgée d’une dizaine d’années.  

"Personne n’osait parler de ce qu’il nous faisait"

Brigitte a aujourd’hui 64 ans. Elle a fait sa vie dans la Loire, est devenue grand-mère. Il y a quelques jours, elle a découvert dans la presse les accusations d'agressions sexuelles et de viols contre le père Ribes. Elle est tombée de haut.

Durant des années, elle a pensé que seule sa famille avait été victime : "Pour nous, c’était seulement les trois enfants de la famille. Je ne pensais pas qu’il y avait d’autres victimes", explique-t-elle.

Jusqu’ici elle n’avait confié son secret qu’à une amie et à sa sœur. À l’époque, il lui paraissait inconcevable d’en parler. "On disait qu’on ne voulait pas aller chez lui, que ça nous mettait mal à l’aise d’être nu, mais personne n’osait parler de ce qu’il nous faisait ", confie-t-elle.

Un suicide qui pose question

Plus de 54 ans après les faits, Brigitte a donc décidé de parler. Pour elle, mais aussi pour son petit frère, Jean-Marie, né deux ans après elle. À 8 ans, il se met à bégayer, "victime d’un choc ", disent les médecins de l’époque.

En 2016, après une vie difficile marquée par l’alcoolisme, il met fin à ses jours, emportant avec lui son secret. Un secret qu’il n’a jamais révélé mais que sa sœur est intimement convaincue de connaître. Lui aussi a été agressé par le père Ribes lors de séances de dessins. "J’en veux à l’Eglise. Pour moi elle savait", conclut Brigitte.

Arthur Blet