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Lyon: deux hommes devant la justice pour avoir filmé et diffusé les images de la mort d'une lycéenne

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Johanna, 15 ans, a été tuée le 16 janvier 2019, fauchée par un bus. Un agent du service de télésurveillance de la ville est accusé d'avoir enregistré la scène avec son téléphone, de l'avoir envoyée à son frère, qui l'aurait ensuite transmise à d'autres destinataires, jusqu'à atterrir sur les réseaux sociaux.

Ces images, Sandrine Barthélémy ne pourra vraisemblablement jamais s'en départir. Elles reviennent en boucle dans les cauchemars qui peuplent ses nuits. Autant de "flashbacks" inlassablement douloureux de la mort de sa fille, Johanna, survenue le 16 janvier 2019.

"On la voit bien vivante à un moment et 'pouf'. On voit bien l'impact du bus", souffle-t-elle au micro de BFM Lyon. Âgée de 15 ans, la lycéenne traversait la route à l'angle des rues de la République et Joseph Serlin lorsqu'elle a été fauchée. Elle s'apprêtait à rejoindre sa mère, qui l'attendait au McDonald's situé non loin.

Ces images, Sandrine Barthélémy n'aurait jamais dû les voir. Issues des caméras de vidéosurveillance de la ville, elles lui sont parvenues au lendemain de l'enterrement -comme à des dizaines de milliers de personnes- par l'intermédiaire des réseaux sociaux.

"Double peine"

Deux hommes en sont les principaux responsables. Le premier est alors agent au service de télésurveillance municipal. Il est accusé d'avoir filmé la séquence à l'aide de son téléphone puis de l'avoir transmise à son frère, lequel s'est ensuite chargé de sa diffusion à grande échelle... jusqu'à parvenir sur l'écran de Sandrine Barthélémy. Leur procès s'ouvre ce mardi.

"Une double peine", selon les mots employés par la plaignante à RMC peu après l'accident. Aujourd'hui, elle tente tant bien que mal de "survivre", déclarait-elle à notre micro en janvier.

"On lui a volé sa vie et mis la mienne en miettes. (...) Tous les matins, je vais juste au travail à mi-temps. Je vais au cimetière et c'est tout. Je suis en survie constamment, comme un animal blessé."

C'est à l'angle de la rue de la République et de la rue Joseph Serlin que Johanna a été tuée.
C'est à l'angle de la rue de la République et de la rue Joseph Serlin que Johanna a été tuée. © BFM Lyon

Des peines de prison et des amendes encourues

Le procès qui s'ouvre ne permettra certainement pas d'apaiser les journées et les nuits de Sandrine Barthélémy. L'un de ses deux conseils, Me Jean Sannier, estime qu'il pourrait toutefois avoir des vertus pédagogiques pour les internautes qui ont contribué à la propagation des images de l'accident.

"C'est le lycée entier qui s'est passé la vidéo, c'est le quartier, c'est tous ceux qui connaissaient Johanna qui l'ont vue, condense l'avocat. Et je pense que sur la ville de Lyon, beaucoup de gens ont vu cette vidéo. (...) Tous ces jeunes enfants sont incapables de comprendre qu'ils ont également commis la même infraction, qui est punie par une peine de prison, qui est punie par une amende."

Le recel d'images issues d'un système de vidéosurveillance est effectivement punissable d'une peine de prison pouvant aller jusqu'à cinq ans, et de 375.000 euros d'amende. C'est la peine encourue par le frère de l'ex-agent du service de télésurveillance. Ce dernier risque pour sa part jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende.

Gérard Collomb et Keolis visés par une plainte

La décision que prononcera la cour dans cette affaire n'est la seule que Sandrine Barthélémy attend. Dans l'espoir d'un procès, la mère de Johanna a déposé une plainte contre Gérard Collomb, l'ancien maire de Lyon, ainsi que contre Keolis, pour homicide volontaire.

Sandrine Barthélémy reproche à l'ex-édile d'avoir autorisé par arrêté municipal la circulation à 30 km/h de bus articulés dans l'aire piétonne où est survenu l'accident. Et à l'exploitant du réseau de transports d'avoir permis au chauffeur du bus de circuler en l'absence "flagrante" de formation, comme l'avait indiqué son avocat au Progrès.

Depuis l'ouverture d'une information judiciaire, il y a trois ans, la lumière n'a pas encore été faite sur cette affaire. Le chauffeur du bus a avancé plusieurs explications: il a assuré avoir été ébloui par le soleil, que de nombreux voyageurs se trouvaient à l'avant du bus et que les angles morts du véhicule l'avaient empêché de voir Johanna avant le choc. Il n'a jamais été sanctionné par Keolis.

Arthur Blet avec Florian Bouhot