"Ça détruit une partie de votre vie": une Lyonnaise, condamnée en Tunisie pour suspicion d'adultère, témoigne

"J'essayais de comprendre, mais je ne comprenais pas." Olfa Ayari, cheffe d'entreprise lyonnaise bénéficiant de la double nationalité franco-tunisienne, a été condamnée en Tunisie ce mardi 16 janvier à huit mois de prison ferme pour suspicion d'adultère.
Déjà incarcérée pendant trois mois au cours de l'instruction, elle avait obtenu une libération provisoire durant laquelle elle était rentrée en France avant la décision de justice. Désormais, elle se dit "choquée" d'un tel verdict.
"Je pensais que c'était fini, mais en plus de ça, être condamnée à huit mois, je suis complètement sidérée", déclare-t-elle ce vendredi 19 janvier au micro de BFM Lyon.
"J'ai cru que c'était une blague"
Tout est parti d'une photo. En mai dernier, Olfa a profité d'un voyage professionnel pour revoir un ami à Hammamet, ville côtière de Tunisie. Les amis ont pris une photo ensemble, qui a fini par erreur sur les réseaux sociaux.
"Il n'y a rien du tout sur cette photo", justifie Olfa aujourd'hui. "C'est une photo tout à fait normale, qu'on peut prendre avec des amis, son frère, sa soeur."
Mais au lendemain des retrouvailles avec son ami, la police débarque dans la chambre d'hôtel d'Olfa. Son mari, avec qui elle est en procédure de divorce, a porté plainte pour adultère.
"Lorsque la police est venue dans ma chambre, lorsque je leur ai demandé pourquoi ils étaient venus, ils m'ont montré cette photo", raconte Olfa.
S'ensuit alors une garde à vue, un passage expéditif devant le procureur puis le juge d'instruction, et des examens médicaux très intimes. Olfa est alors placée en détention en attendant son jugement. L'ami présent avec elle sur la photo est lui incarcéré.
"Je ne comprenais rien de ce qu'il se passait, j'avais du mal à comprendre même certains mots. J'ai cru que c'était une blague quand on m'a dit qu'on va en prison."
"Une grosse injustice vis-à-vis des femmes"
Olfa a passé trois mois à la prison pour femmes de Manouba, près de Tunis. Un endroit qu'elle décrit aujourd'hui comme "le cimetière des vivantes".
"Quand je suis arrivée en prison, j'étais choquée. (...) On me met dans une pièce avec des barreaux, vous voyez 60 femmes dans une chambre... C'était choquant", relate-t-elle. "J'ai eu du mal à réaliser ce qu'il se passait. (...) Vous n'avez droit à rien, aucun contact avec votre famille."
De nombreuses femmes incarcérées avec Olfa s'y trouvaient pour la même raison qu'elle: suspicion d'adultère. Sans que la faute, qui constitue un délit en Tunisie, ne soit prouvée.
"Là-bas, vous êtes soumis à la présomption de culpabilité. Vous êtes coupables, et vous devez prouver votre innocence", dénonce Olfa. "Quand vous êtes en prison dans un pays où vous n'avez pas tous vos papiers, c'est très compliqué de prouver son innocence."
Olfa dénonce un système juridique qui est "une grosse injustice vis-à-vis des femmes": "On ne nous entend pas, on ne nous écoute pas." D'autant plus qu'elle estime avoir perdu beaucoup durant ces trois mois d'incarcération.
"Ça détruit une partie de votre vie, parce que vous avez beaucoup de choses à rattraper. Mes enfants, je ne les ai pas vus pendant trois mois, c'est la chose la plus terrible que j'aie pu subir", déplore-t-elle.
Après avoir été présente à neuf audiences, dont six en présentiel pendant son incarcération en Tunisie, Olfa va se voir forcée de retourner dans le pays pour son appel, car elle risque une condamnation si elle ne s'y présente pas.
"Je suis obligé de retourner là-bas pour l'appel, je pense qu'il y a une justice. (...) Je pense pas que je retournerai en prison puisque je n'ai rien à me reprocher. Je veux que justice soit faite", conclut-elle.