"Une année dévastatrice": les traversées de la Manche s'intensifient, au moins 73 morts en 2024

"Ça fait 30 ans que ça dure, c'est une calamité." L'année 2024 a été particulièrement meurtrière pour les candidats à l'exil vers l'Angleterre. Au point d'établir un nouveau record. D'après des chiffres de la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord (Prémar), relayés par l'Agence France-Presse le 18 décembre, au moins 73 migrants sont morts en tentant de traverser la Manche dans de petites embarcations.
Invitée de BFM Grand Lille ce jeudi 26 décembre, Dany Patoux, présidente d'Osmose 62, association qui aide les exilés dans le Boulonnais, parle d'une "année dévastatrice, catastrophique, avec plus de morts à déplorer".
"Il y a de plus en plus de traversées. Dans le Boulonnais, on a rencontré énormément de personnes, des milliers", déroule-t-elle.
"Les bateaux sont surchargés"
En 2024, la moyenne s'élève à 54 personnes par traversée, soit une hausse de 50% par rapport à 2022. Cette surcharge accroît les risques: 90% des naufrages impliquent des embarcations transportant 50 migrants ou plus, selon la Prémar.
"Les bateaux sont surchargés. On voyait 30 à 40 personnes par bateau les années précédentes, maintenant ça monte à 80, voire une centaine de personnes", décrit Dany Patoux.
La préfecture du Pas-de-Calais déplore l'utilisation d'embarcations sous-gonflées, sous-motorisées, sans gilets de sauvetage, et des départs organisés "même en plein hiver".
Par conséquent, la dangerosité de la zone côtière s'est accrue, selon la Prémar, concentrant "près de 40% des décès". Les phases d'embarquement et de retour sur la plage sont "souvent chaotiques", engendrant des risques d'hypothermie, de noyade ou d'asphyxie.
"C'est une question politique"
Selon la préfecture du Pas-de-Calais, 5.800 personnes ont été secourues en mer en 2024 et 871 tentatives de traversée ont été empêchées par les forces de l'ordre. Entre 2022 et 2024, "un migrant sur cinq" a échoué dans sa tentative de traversée, d'après la Prémar.
Cependant, à en croire les associations d'aide aux migrants, les policiers sur les plages ne dissuadent pas les départs, mais obligent les exilés à s'éloigner davantage, allongeant les traversées et augmentant les dangers. "La Manche est devenue un cimetière et les gouvernants regardent ailleurs", dénonçait en octobre auprès de l'AFP Axel Gaudinat, de l'association Utopia 56.
Une opinion que partage Dany Patoux. "C'est une question politique. Il faut que la France, les pays européens prennent ce sujet à bras-le-corps. [...] Ce n'est pas nous qui pouvons changer les choses", fustige-t-elle.
"Les exilés sont là, il faut absolument les prendre en charge", conclut la présidente d'Osmose 62.
Le 25 décembre, 12 opérations de sauvetage ont été déclenchées dans le détroit du Pas-de-Calais. Au total, 107 exilés ont été secourus.