Coup d'arrêt pour la "salle de shoot" à Lille? Aubry s'en prend à Castex et Darmanin

Martine Aubry - Philippe Huguen-AFP
"Un immense gâchis." C'est avec ces mots que Martine Aubry a qualifié, ce mardi, lors d'une conférence de presse, la décision du Premier ministre de changer le lieu de son projet de salle de consommation à moindre risque (SCMR) à Lille.
La mairie avait décidé d'installer ce lieu expérimental au Faubourg de Béthune, boulevard de Metz, dans le périmètre du centre d'addictologie du CHU de Lille. Il était prêt à ouvrir depuis début octobre, après avoir reçu les avis favorables nécessaires, notamment celui du ministre de la Santé Olivier Véran.
Mais Jean Castex, le Premier ministre, chargé d'arbitrer en dernier lieu sur son ouverture, a adressé lundi soir un courrier à l'édile pour lui demander d'installer cette salle dans un autre lieu: sur la friche Saint-Sauveur. Or, depuis une décision du tribunal administratif, ce terrain n'est pas constructible pour le moment, a indiqué Martine Aubry, ajoutant qu'il était également "très pollué".
"On est dans l'absurde", a-t-elle lâché, amer, soulignant qu'il s'agissait d'une "décision politicienne".
"Accompagner les toxicomanes"
Martine Aubry l'assure, "après beaucoup de tergiversations" et "après l'accord du ministre de la Santé", la mairie a "tenu les deux bouts, répondant aux problématiques de santé publique et de sécurité publique", en choisissant ce lieu.
Selon elle, cette décision n'est cependant pas de Jean Castex, un homme qu'elle "connaî[t]", "un grand Républicain" et en qui elle "[avait] confiance":
"Le Premier ministre, sans doute parce qu'on lui a demandé de le faire, nous demande d'aller dans un endroit où il sait pertinemment que nous ne pouvons pas mettre cette salle, pour qu'il n'y ait pas de SCMR dans notre ville."
Dans le viseur de la maire de Lille, Gérald Darmanin, "sans doute en mission pour poursuivre la droite et l'extrême-droite pour M. le président de la République". Le ministre de l'Intérieur avait publiquement critiqué, en juin dernier, ce projet, témoignant de sa "ferme opposition".
"Quand je vois les propos de Gérald Darmanin sur les toxicomanes, disant qu'il faut les combattre et non pas les accompagner... Je suis pour les combattre mais aussi pour les accompagner. C'est leur santé mais c'est aussi la santé publique. Toutes les études le montrent, quand il y a une salle de consommation à moindre risque, il y a moins de seringues par terre, moins de maladies, moins de populations qui peuvent attraper le VIH et l'hépatite A", a-t-elle expliqué.
"Nous restons avec notre lieu"
"Lundi soir, quand j'ai reçu cette lettre, je n'étais pas seulement choquée, j'étais d'une grande tristesse. Parce que quand on n'applique pas les lois de la République, on va loin. Très loin", a confié Martine Aubry, rappelant que l'ouverture d'une SCMR avait été autorisée par le gouvernement à travers la loi du 26 janvier 2016.
"Nous restons avec notre lieu, en l'état, sachant qu'on nous propose un lieu qui est inconstructible et par ailleurs pollué. C'est une décision politicienne parce que la politique c'est d'appliquer la loi. (...) On peut s'inquiéter du début de cette campagne électorale", a-t-elle encore ajouté.
Ces salles, déjà expérimentées à Paris et à Strasbourg, permettent à des centaines de toxicomanes de s'injecter de l'héroïne et d'autres opiacés avec du matériel stérile et, dans une moindre mesure depuis fin 2019, de fumer du crack dans un environnement sécurisé.
Le cadre dérogatoire qui leur permet d'exister a récemment été prorogé par le gouvernement au-delà de 2022. Ces structures provoquent l'inquiétude des riverains, qui craignent de voir débarquer des toxicomanes dans leur quartier. Mais selon Martine Aubry, le lieu choisi par la ville présente l'avantage d'avoir peu d'habitants à proximité. Ce "véritable feuilleton", comme elle le présente, n'est pas encore terminé.