Féminicide à Lille: les proches de Nathalie Debaillie attaquent l'État pour avoir "permis son meurtre"

Nathalie Debaillie a été retrouvée enlevée et tuée à Lille (Nord) en mai 2019. - BFMTV
Des "manquements manifestes à toutes les étapes". Les proches de Nathalie Debaillie, dont le corps avait été retrouvé en mai 2019 au domicile de son ex-compagnon qui avait par la suite avoué son meurtre, attaquent aujourd'hui l'État en justice, rapportent nos confrères du Parisien.
Après avoir déposé une première plainte en 2021 pour manquement à la déontologie policière, le frère, le fils et l'ex-mari de la victime attaquent désormais l'État en responsabilité pour défaut de protection, estimant que la police lilloise a "permis le meurtre de Nathalie".
Elle avait déjà déposé plainte
Le 27 mai 2019, Nathalie avait été retrouvée égorgée au cutter dans la baignoire du domicile de son ex-compagnon, Jérôme T. Pendant sa garde à vue, celui-ci avait reconnu l'avoir enlevée et tuée avec l'aide de complices, affirmant qu'elle lui devait de l'argent.
Les proches de Nathalie n'ont depuis cessé de pointer du doigt l'inaction de la police, alors même que la quadragénaire avait demandé la protection des forces de l'ordre à quatre reprises dans les mois ayant suivi sa rupture avec son ex-compagnon. Mais la dernière main courante déposée par Nathalie cinq jours avant sa mort avait été qualifiée de "différend entre concubins".
"Il me suit constamment", "j'ai reçu une photo de pierre tombale", déclarait alors Nathalie dans ce document consulté par Le Parisien. Dans une autre plainte déposée deux mois plus tôt, elle avait souhaité que "des patrouilles fassent des rondes" autour de son domicile, alors que Jérome T. devait venir récupérer des affaires.
"Il aurait dit à ses amis qu'il me mettrait bien dans un coffre de voiture", affirmait-elle également, sans engendrer de réaction des forces de l'ordre ou de la justice, la plainte n'ayant pas été transmise au parquet.
Convoqué pour un téléphone portable
À l'inverse, Nathalie s'était vue convoquée au commissariat pour une histoire de téléphone portable. Son ex-compagnon avait en effet déposé plainte contre elle en avril pour un vol de téléphone. Lui n'avait pas été interrogé sur les faits signalés par Nathalie, mais elle-même avait dû se rendre au commissariat pour justifier que le téléphone était un cadeau.
"Pour la police, une femme vaut moins qu’un téléphone portable", dénonce aujourd'hui auprès du Parisien maître Isabelle Steyer, avocate qui représente les proches de Nathalie.
Le jour de sa mort, Nathalie avait été enlevée en sortant de son travail, bâillonnée et jetée à l'arrière d'une camionnette, alors même que son ex-compagnon avait été entendu dire auprès d'amis communs sa volonté de l'enlever.
Les forces de l'ordre ont été prévenues de son enlèvement par un témoin de la scène, et ont mis deux heures à arriver au domicile de Jérôme T., avant de repartir après avoir simplement frappé à la porte. Ils ne sont revenus que quatre heures plus tard, découvrant alors le corps de Nathalie.
"Imaginez une seule seconde qu’au moment où ils toquent, ma sœur était encore en vie. Imaginez une seule seconde ce qu’il s’est passé dans sa tête. Voilà je suis sauvée. Et non. Ils ne reviendront que deux heures après, et là ils la retrouveront égorgée dans sa baignoire", témoignait à l’époque Nicolas, le frère de Nathalie, au micro de BFMTV.
Une banalisation "quasi-systématique" des violences
Les proches de Nathalie dénoncent une succession de manquements de la part de la police dans cette affaire.
D'autant que Nathalie leur avait "mâché le travail" en fournissant tout un dossier de preuves contre son ex-compagnon, composé de messages, d'enregistrements audios et de photos prouvant qu'il se rendait presque tous les jours dans un café proche du travail de Nathalie. "Les policiers n'avaient plus qu'à regarder", assure Romain, le fils de Nathalie auprès du Parisien.
L'exploitation des images de vidéosurveillance de la banque où elle travaillait aurait également permis de réaliser qu'il avait déjà tenté par trois fois de la kidnapper avant le jour du meurtre, affirme l'avocate des proches de Nathalie.
D'autant plus que trois femmes avaient déjà porté plainte contre Jérôme T. pour des strangulations, du harcèlement et des menaces de mort.
"S'ils l'avaient fait, ils auraient pu la protéger elle, et pas son meurtrier", affirme Romain.
Maître Steyer dénonce auprès de nos confrères une banalisation "quasi-systématique" des violences conjugales "chez les forces de l'ordre". Elle est par ailleurs l'une des deux seuls magistrats qui sont parvenus à faire condamner l'État dans des affaires de féminicides. Le procès de Jérôme T. doit quant à lui s'ouvrir le 25 juin prochain.