La signature d'un accord avec l'Algérie permet à l'Italie de réduire sa dépendance au gaz russe
L'Italie semble avoir trouvé une partie de la solution pour remplacer le gaz russe. Les livraisons de gaz algérien à la pénincule sont ainsi susceptibles d'augmenter pratiquement de moitié, suite à la visite ce lundi du Premier ministre Mario Draghi à Alger ce lundi.
Ce sont ainsi quelque 9 millards de mètres cube par an supplémentaires - qui correspondent à la capacité restante du gazoduc Transmed reliant depuis bientôt quarante ans les deux pays via la Tunisie- qui transiteront vers l'Italie: 3 milliards de plus cette année et encore 6 milliards de plus en 2023.
Moyen supplémentaire, Abdelmadjid Attar, un ancien PDG de la compagnie nationale algérienne des hydrocarbures Sonatrach, précise à l'AFP que les approvisionnements pourraient aussi arriver par méthanier. Il y a de la marge, selon ses éléments, puisque les unités de liquéfaction existantes en Algérie sont exploitées à 60% tout au plus.
Rome s'est très vite tourné vers son voisin méditerranéen, qualifié de "fournisseur toujours fiable". Quatre jours après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le chef de la diplomatie italienne, Luigi Di Maio, s'est rendu à Alger. Le président du Conseil italien, Mario Draghi, a fait le déplacement hier, en faisant du renforcement de cette coopération énergétique un facteur de "défense" pour ses concitoyens et les entreprises italiennes face aux "conséquences de la guerre". Mario Draghi soutient que les pays du sud de l'Europe peuvent ainsi former, avec ceux du nord de l'Afrique, un "hub" d'électricité produite à partir du gaz, ainsi que de sources renouvelables.
Imbriquer les deux économies
Aller plus loin. Le site algérien TSA, citant des observateurs, explique que "l'entente algéro-italienne" a tout pour aller au-delà des hydrocarbures. Abderrahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, y estime que le moment est venu de définir une "politique industrielle mixte" avec l'Italie, en "imbriquant" les deux économies, jusqu'à l'échange d'actions entre Sonatrach et la société énergétique italienne ENI, dont les dirigeants multiplient actuellement les aller-retours à Alger.
Les jalons sont en train d'être posés: d'après des informations de médias algériens, qui ne sont pas encore confirmées, ENI négocierait le rachat d'actifs de la major britannique BP dans deux grands projets gaziers du pays, pendant qu'en retour Sonatrach discuterait de la reprise d'actifs du groupe italien en Russie.
Les échanges vont se pousuivre dans les mois qui viennent. Le chef de l'Etat algérien, Abdelmadjid Tebboune, doit se rendre à Rome fin mai, puis un sommet entre les deux gouvernements est programmé à Alger pour les 18 et 19 juillet. L'écueil des investissements est à surmonter afin que la relation gazière et pétrolière atteigne - et maintienne - les ambitions affichées.
Dans ses plans, jusqu'ici, Sonatrach entend investir 40 milliards de dollars sur cinq années. Mais à en croire différents experts, le veillissement des infrastructures et des gisements requiert davantage de fonds, sans compter la nécessité de couvrir la forte poussée de la demande intérieure algérienne. D'où un certain scepticisme quant aux engagements de long terme.
Rivalité intra-européenne
Jusqu'à quel point les capitaux italiens peuvent-ils être engagés à cet effet? Cela requiert bien d'autres pourparlers, mais la vigueur du lien diplomatique entre Rome et Alger peut permettre, en principe, d'aboutir. L'agence officielle algérienne APS affirme que la visite de Mario Draghi est venue "consolider une coopération historique, de plus en plus étroite". Et parmi les Européens, les Italiens pensent disposer des meilleurs atouts politiques, en particulier par rapport aux Espagnols.
La Repubblica juge que "l'amitié avec Alger est un facteur important dans le contexte de rivalité intra-européenne sur les nouveaux approvisionnements en gaz". Le quotidien romain fait le constat d'une Algérie en net désaccord avec l'Espagne, depuis que, le mois dernier, Madrid est sorti, soudainement, de sa neutralité dans le dossier du Sahara occidental, pour s'aligner sur le positionnement marocain.
Rabat considère le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, comme partie intégrante de l'Etat marocain, tandis que les Nations unies le recensent comme seul "territoire non autonome" du continent africain. Le mouvement indépendantiste sahraoui, le Front Polisario, reçoit l'indéfectible appui de l'Algérie, qui vient d'opposer une fin de non recevoir à la requête des Etats-Unis de rouvrir les vannes du gazoduc Maghreb Europe traversant le Maroc, fermées depuis fin octobre.
Alger a rappelé son ambassadeur à Madrid et s'apprête à relever, spécifiquement, ses tarifs gaziers pour le "client" espagnol. Au lendemain du déplacement de Mario Draghi, l'affaire est alors entendue: cette discorde avec l'Espagne contribue grandement à ce que l'Algérie ait choisi l'Italie comme partenaire privilégié.