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L Edito de Raphael Legendre

EDITO. Réforme des retraites: la France bouge, ces trois signaux faibles le montrent

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Malgré le chaos politique post-dissolution, trois signaux positifs émergent sur le dossier explosif des retraites. Entre maintien des 64 ans, débat sur la désindexation et retour de la capitalisation, les lignes bougent. Lentement, mais sûrement.

La réforme des retraites de 2023 avait enflammé le pays, provoqué des manifestations massives, fracturé la majorité présidentielle et laissé des traces profondes dans le débat public.

Deux ans plus tard, et alors que la France vit depuis juin 2024 une crise institutionnelle sans précédent, le sujet refait surface, dans un climat plus constructif. En effet trois signaux récents permettent d’affirmer que, sur ce dossier majeur, la France avance. À petits pas, certes. Mais elle avance.

Un consensus (presque) établi sur les 64 ans

Le conclave sur les retraites, initié par Matignon avec les partenaires sociaux, doit se réunir une dernière fois lundi. Si un accord formel reste incertain, un point de convergence semble désormais acquis: personne ne propose sérieusement de revenir sur l’âge légal de départ à 64 ans.

Certes, la CGT et FO ont quitté la table dès le départ. Certes, les syndicats restés présents cherchent encore à moduler l’application de la réforme — via des mesures sur la pénibilité, les carrières longues ou les femmes. Mais le cœur de la réforme n’est plus contesté.

C’est une avancée majeure, dans un pays où l’âge moyen effectif de départ est déjà de 63,6 ans, et où nos voisins européens reculent encore les curseurs, souvent à 65 ou 67 ans.

La droite desserre (un peu) l’étau sur les pensions

Longtemps taboue, la question de la désindexation des retraites revient dans le débat. Portée discrètement par la majorité sénatoriale LR, cette piste pourrait figurer dans le projet de loi de finances 2026. Jean-François Husson, rapporteur général du budget, ne l’exclut plus et rappelle que les efforts devront être "partagés par tous".

La droite sénatoriale reste prudente: elle privilégie encore l’idée de faire travailler les actifs une heure de plus par semaine, qui rapporterait selon elle plusieurs milliards d’euros. Mais le simple fait d’ouvrir le débat sur la désindexation constitue une évolution notable. Car les pensions pèsent pour un quart de la dépense publique totale.

Il faudra encore convaincre les LR de l’Assemblée nationale, bien plus réticents. Fin 2024, Laurent Wauquiez avait obtenu le retrait d’une mesure similaire dans le budget 2025, coûtant au passage 500 à 800 millions d’euros à l’État. Mais comme le rappelle Jean-François Husson: "ce n’est pas Laurent Wauquiez qui fait l’agenda politique".

La capitalisation n’est plus un tabou

C’était un mot interdit il y a encore dix ans. Aujourd’hui, la capitalisation s’installe dans le débat, portée aussi bien par Gérald Darmanin que par Édouard Philippe, Gabriel Attal ou encore... Clément Beaune. L’ancien ministre des Transports, désormais commissaire au Plan, planche sur une formule de capitalisation publique, qu’il doit présenter à l’automne.

L’idée fait son chemin, dans une logique de diversification des risques, d’amélioration des rendements, et surtout de réduction de la pression sur la répartition.

Trois chantiers, un cap

Maintien de l’âge, désindexation ciblée, capitalisation encadrée: la stratégie qui se dessine est claire. Il s’agit de travailler plus, de maîtriser la dépense, et de faire fructifier l’épargne — trois leviers indispensables pour sauver un système qui pèse déjà plus de 14 % du PIB et risque de devenir ingérable à moyen terme.

Reste à accélérer. Car les signaux sont encourageants, mais encore trop lents pour répondre à l’urgence budgétaire. Et l’agenda politique, encombré et incertain, risque à tout moment de tout remettre à zéro.

Raphaël Legendre