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Rentiers, héritiers, ménages aisés... Les grands gagnants du programme fiscal du RN pour les législatives

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Entre les rentiers qui ne paieraient plus d'impôt sur leur patrimoine immobilier, les jeunes diplômés de grandes écoles qui seraient exonérés d'impôts sur le revenu ou les ménages aisés qui bénéficieraient du cadeau de la TVA, le très coûteux programme fiscal du Rassemblement national profiterait essentiellement aux riches.

Un programme économique marxiste pour les uns, un programme très à droite pour les autres… Le projet économique du Rassemblement national divise les commentateurs et les adversaires politiques.

Qu'en est-il réellement du programme fiscal? Globalement, le parti de Jordan Bardella veut indéniablement baisser les impôts. À commencer par le passage à 5,5% de la TVA sur le carburant, l’électricité et le gaz. Sa mesure phare pour le pouvoir d’achat.

Pour le candidat du RN, "notre pays est dans la fourchette haute de la taxation des carburants par rapport à ses pays voisins", assurait-il lors de sa conférence de presse du 24 juin. Il veut ainsi "réaligner la France avec la moyenne européenne" pour améliorer "le pouvoir d'achat des ménages" et "la compétitivité des entreprises".

Mais baisser la TVA pour tous est une solution qu'aucun économiste ne valide ni même d'ailleurs la Cour des comptes qui l'a exprimé dans une note en 2023.

"Une baisse de taux de TVA apparaît comme un outil qui n’est ni efficace, ni équitable pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages", concluait les auteurs.

Pourquoi? D'abord parce que c'est extrêmement coûteux. Au bas mot 12 milliards d'euros par an, mais plutôt 17 milliards selon les calculs de Bercy.

Ensuite parce que c'est une incitation à consommer des énergies fossiles plutôt que de passer à des véhicules propres.

Mais surtout il y a deux hypothèses, selon que les entreprises concernées répercutent ou non la baisse. Si elles ne le font pas, comme ça avait été le cas pour les restaurateurs à qui cet avantage avait été octroyé, c'est une dépense de plusieurs milliards d'euros dans les poches des entreprises qui vendent du pétrole.

Si elles le font, ce sont les ménages les plus aisés qui capteront l'essentiel de la baisse d'impôt.

"Quelle que soit la catégorie de produits ou services à l’exception du tabac, la consommation en euros est croissante avec le revenu, rappelle la Cour des Comptes. Ainsi, l’ensemble des taux réduits confèrent un gain en euro plus élevé aux ménages les plus aisés."

Les propriétaires de grands logements, de véhicules très gourmands en carburant verraient le plus leur facture baisser.

Plus d'argent pour les rentiers et les traders

Qu'en est-il des autres mesures fiscales? Le Rassemblement national propose d'exonérer d’impôts sur le revenu les jeunes de moins de 30 ans. Le but est de faire en sorte que les jeunes évitent de partir à l'étranger, explique le Rassemblement national dans la présentation de son programme.

Une mesure qui coûterait 3 milliards d'euros selon les calculs de l'Ifrap, un think tank libéral ardent militant des baisses d’impôts.

En 2022, le cabinet Asteres avait fait ses calculs. 55% des moins de 30 ans -les plus modestes- ne profiteraient pas de cette mesure puisqu'ils ne paient déjà pas d'impôt sur le revenu. À l'inverse, les 25% les plus aisés, à savoir les diplômés de grandes écoles, les jeunes qui travaillent dans la finance, voire les sportifs stars capteraient 95% du manque à gagner de l’État avec cette exonération.

Autre mesure dans le programme du RN: défiscaliser les donations jusqu’à 100.000 euros tous les 10 ans (contre 15 aujourd’hui). Une mesure qui permettrait explique le parti dans son programme de "développer la solidarité entre les générations en permettant aux parents et grands-parents de plus facilement transmettre leur patrimoine".

Une mesure là encore qui ne concernera pas les classes moyennes ou populaires. En effet, selon l'Insee, 81% des donations en France et 87% des successions sont inférieures à ce montant de 100.000 euros, soit déjà sous le plafond du fisc. Seules les familles les plus aisées bénéficieraient d'une telle mesure.

Supprimer l'impôt sur la fortune immobilière

Enfin, la suppression de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) pour le remplacer par un impôt sur les transactions financières. Jordan Bardella a justifié cette mesure lors de sa conférence de presse. Selon lui l'IFI "entrave la conservation et la transmission des patrimoines et épargne de tout effort contributif les fortunes exclusivement mobilières".

Mais cette mesure ne serait pas sans risque. D'abord, les transactions financières peuvent dès lors se faire dans d'autres pays pour échapper à la taxe. Mais surtout la suppression de l’impôt sur la fortune immobilière profiterait en priorité aux rentiers qui tirent leurs ressources de biens immobiliers sans contribuer à l'investissement productif.

Diminuer la pression fiscale pour inciter à l'investissement, la création d'entreprise et ainsi contribuer à l'emploi et à la création de richesse est très différent d'une diminution des taxes pour la consommation de produits importés (comme le pétrole) ou pour conforter les rentes.

L’Ifrap s'alarme d'un tel programme qui ne tient pas "un discours clair sur l'urgence de rétablir nos comptes publics". Selon leurs calculs, ce seul programme fiscal "créeraient un déficit supplémentaire de 10,9 milliards d'euros minimum par an".

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco