"Quel saccage!": Bruno Le Maire sort de son silence et tire à boulets à rouge sur la dissolution qui "a coupé net" la réindustrialisation et le désendettement

Le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire et membre de la coalition "Ensemble", lors d'une réunion avec le Medef et les chefs de partis et de coalitions avant les législatives, le 20 juin 2024 à Paris - JULIEN DE ROSA © 2019 AFP
"Ne revenons surtout pas en arrière!": c'est l’appel lancé par Bruno Le Maire dans sa première interview depuis qu’il a quitté la vie politique, accordée à l’Usine Nouvelle. L’ancien ministre de l’Économie, qui s'est par la suite essayé à l'enseignement en Suisse, dresse un bilan très négatif des actions menées depuis la dissolution de l’Assemblée Nationale (et son départ de Bercy).
"La baisse des impôts de production a été stoppée, la loi sur la simplification est au point mort, les incertitudes politiques minent la confiance des investisseurs", regrette Bruno Le Maire.
"Résultat: les défaillances repartent à la hausse et on détruit à nouveau des emplois industriels. Quel saccage !"
Désormais conseiller spécial de l’entreprise ASML, un fabricant néerlandais de machines de production de semi-conducteurs, Bruno Le Maire reconnaît toutefois que son bilan reste "modeste" sur le sujet de la réindustrialisation.
"En sept ans, nous avons obtenu des résultats modestes mais réels, avec 650 usines ouvertes, une nouvelle filière dans les batteries électriques, une en gestation avec l'hydrogène vert, la relance des formations d'ingénieurs, la relance du nucléaire…"
La "blessure profonde" de l’ancien ministre
Bruno Le Maire dit aussi regretter de ne pas avoir résorbé la dette de la France. "Bien sûr que c'est un échec de ne pas avoir pu mener à terme le rétablissement de nos finances publiques. Cela reste une blessure profonde pour moi."
Mais il juge qu’il était sur le bon chemin, jusqu’à ce que la dissolution vienne stopper ses ambitions. "Début 2024, nous avions commencé à prendre toutes les décisions nécessaires pour rétablir les comptes publics. Nous avions décidé 30 milliards d'euros d'économie en six mois, soit davantage que ce qui risque d'être prévu pour la totalité du budget 2026."
"La dissolution a coupé net tous nos efforts."
Interrogé par l’Usine Nouvelle sur sa position sur la taxe Zucman, du nom de l’économiste Gabriel Zucman, qui propose de taxer les plus fortunés (au-dessus de 100 millions d’euros de patrimoine), Bruno Le Maire estime que cela revient "à se poser les mauvaises questions".
"Avant de penser à redistribuer, pensons à créer des richesses. Comment redevenir une grande nation de production? Comment permettre à un salarié d'avoir un salaire net plus élevé?", lance-t-il.
Appel à résister à Donald Trump
Enfin, il appelle l’Europe à ne pas se laisser faire face aux États-Unis et à la Chine. Contre les droits de douane de Trump, il appelle l’Europe à se servir de son outil anti-coercition.
"Nous avons un bazooka mais nous ne voulons pas l'utiliser."
Et face aux produits chinois qui se déverseraient sur le marché européen faute de pouvoir accéder au marché américain, Bruno Le Maire veut une protection des industries de l’UE. "Soit nous sommes capables de rétablir un rapport de force et de mettre des barrières à l'entrée, soit nous resterons un continent de consommateurs dans les mains des géants américains et chinois", conclut-il.